Première N°499 – Septembre 2019

(Nancy Kaufman) #1
ALLEZ-Y SI VOUS AVEZ AIMÉ Salo ou les 120 journées de Sodome (1976),
La Mort de Louis XIV (2016), Sauvage (2018)

Personalien • Pays Espagne, France • De Albert Serra • Avec Helmut Berger,
Marc Susini, Baptiste Pinteaux... • Durée 2h 12

Helmut Berger © ROMAN YNAN

4 SEPTEMBRE |


LIBERTÉ


L’Espagnol Albert Serra filme un lieu de drague


libertin dans la France des Lumières. Un film aussi


poétique que radical. Interdit aux moins de 16 ans.


Au dernier Festival de Cannes, pendant qu’Abdelatif Kechiche
enfermait ses personnages dans une boîte de nuit le temps de son
long Intermezzo, Albert Serra faisait à peu près la même chose dans
la salle d’à côté. Autre piste, même ambiance? Pas vraiment. Dans
la nature, mais bel et bien prisonniers du cadre, ses libertins chassés
de la cour de Louis XVI se retrouvaient en carafe dans un sous-
bois. Ici, chacun et chacune s’adonne aux jeux d’une sexualité plus
ou moins passive mais sans tabou. Ils se choisissent, s’observent,
s’échangent. Habitué des grands sujets (Don Quichotte, les Rois
mages, Dracula, Casanova, Louis XIV...), Serra explore à nouveau
des mondes enfouis que sa caméra magicienne vient déterrer pour
en restituer toute la puissance. Un exercice qui ne s’embarrasse pas
de compromis. Tel le Pasolini de Salo et donc lorgnant également
du côté du marquis de Sade, le réalisateur montre, sans se pincer le
nez ni fermer les yeux, un libertinage jusque dans ses extrémités.
Là précisément où la morale nous défend d’aller. Ce no trespassing
invite justement à transgresser les interdits. Il ne s’agit pas d’un
jeu ni d’une provocation mais d’un geste pur au pays de l’impur.


La lumière du film, tout en pénombre coquine, atténue la distance
entre eux et nous, créant une étrange – et gênante – promiscuité.
Le film semble ne jamais bouger, se contentant d’éprouver le petit
espace qu’il s’est créé. La liberté de ce cinéma-là, il convient de la
chérir. Film pour un public averti, évidemment. u TB

ALLEZ-Y SI VOUS AVEZ AIMÉ 2001, l’odyssée de l’espace (1968), L’Étoffe des héros (1984),
First Man – Le Premier Homme sur la Lune (2018)

Pays USA • De Todd Douglas Miller • Avec Neil Armstrong, Buzz Aldrin,
Michael Collins... • Durée 1h 33

© PIECE OF MAGIC

4 SEPTEMBRE |


APOLLO 11


Une immersion dans la mission spatiale Apollo 11,


qui permit à l’homme de poser pour la première


fois le pied sur la Lune.


C’était il y a cinquante ans. Et pourtant les images semblent dater
d’hier. Le réalisateur Todd Douglas Miller propose avec Apollo 11
le documentaire ultime sur la mythique mission. Composé en par-
tie d’images inédites en couleur retrouvées par hasard dans le stock
des a rchives nationales pa r m i des bandes de 16, 35, 65 et 70 m m, le
film offre aussi un nouveau regard sur un événement archi connu.
La numérisation et la restauration exceptionnelle de l’ensemble
donnent à ce documentaire une sensation d’inédit. Oui, on connaît
l’histoire, mais jamais jusqu’ici on n’a eu le sentiment de la vivre
sous cet angle-là et dans cette intimité-là. Apollo 11 nous entraîne
au cœur du suspense de la mission, de ses premiers préparatifs à son
retour sur Terre. Et sa force est de ne proposer ni voix off, ni héros.
Ici, Buzz Aldrin et Neil Armstrong ne sont que des personnages de
l’histoire parmi d’autres, dont les ingénieurs de la Nasa à Houston,
calculant et recalculant la trajectoire du module. Ce parti pris crée
une totale immersion dans la mission, comme si nous en étions les
spectateurs de 1969, guidés par les échanges radio entre la base
et les astronautes. Il est intéressant aussi, comme le montre Todd


Douglas Miller, de voir la ferveur des foules aux abords du centre
spatial, symbole des enjeux et de cet espoir, dont on sait aujourd’hui
qu’il est déçu. Ce rêve de Lune qu’on peut voir briller dans les yeux
des hom mes et des fem mes de la fin des années 60 sonne com me la
fin d’une époque. Après cela, la conquête spatiale n’aura plus jamais
le même goût. u SB

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