Reconnaissance faciale, intelligence
artificielle, questionnaires interactifs
et big data : bienvenue dans le monde
des projections tests du futur.
u PAR SYLVESTRE PICARD
© DR
L
e 11 juillet dernier, le respectable institut
Médiamétrie publiait un communiqué
triomphant qui annonçait une révolution : la
mesure de l’émotion des spectateurs devant
trois bandes-annonces grâce à une start-up
spécialisée dans l’intelligence artificielle,
Datakalab. « Ces données émotionnelles
viennent appuyer et détailler les réponses des specta-
teurs que nous recueillons dans nos études », a déclaré
Marine Boulanger, directrice du pôle cinéma et enter-
tainment de Médiamétrie. En
fait, ce n’est pas vraiment une
première en France, puisque
cela fait trois ans que Sté-
phane Hochberg, ancien de
Warner France, avec sa société
Do the Right Films, utilise
les outils de Datakalab pour
des projections tests de films.
« Au départ, il a fallu vaincre
certaines réticences, explique-
t-il. Aux États-Unis, le prin-
cipe des projections tests est
admis depuis des décennies. En
France, où on est très attaché à la notion d’auteur, on
ne fait pas de projos tests mais on montre le film à des
techniciens, à sa famille, ses amis... C’est biaisé. » Do
The Right Films utilise le nec plus ultra pour analyser
les réactions de spectateurs, choisis sur des critères pré-
cis (âge, sexe, catégorie socio professionnelle...) avant
de leur coller une tablette dans les mains et de leur faire
répondre à un questionnaire interactif, « comme un
livre dont vous êtes le héros ». Mais le summum reste
l’analyse de réactions. Pendant la projection, le public
est filmé (avec son accord) et les visages sont analysés
par une IA (sauf si l’on se cache le visage avec la main
pendant la séance). Les données sont affinées par du
personnel humain – l’IA a ses limites – et, à l’arrivée,
la projo test de Do The Right Films permet d’avoir des
données à la seconde près sur ce qui plaît ou pas dans
LE SUMMUM RESTE
L’ANALYSE DE
RÉACTIONS. PENDANT
LA PROJECTION,
LE PUBLIC EST FILMÉ
ET LES VISAGES
ANALYSÉS PAR UNE IA.
PREMIÈRE CONFIDENTIEL
un film. S’il ne sort pas de recette de succès miracle de
cette valse de données, l’enjeu est crucial. Notamment
habituer l’industrie française du cinéma à cette pra-
tique. Confidentialité oblige, Stéphane Hochberg ne
dira pas quels films passent sous les fourches Caudines
de ses outils numériques (la société fait également des
tests d’affiches et même de synopsis de films !), mais
parmi ses clients figurent « 13 des 15 plus gros studios
français », et la demande est d’après lui en très forte
hausse. « En général, en France, les projections tests
se font surtout sur des films à “grand potentiel spec-
tateur”, où il y a beaucoup de copies et donc d’enjeux,
admettait en mars dernier Nicolas Thévenin, le big boss
du marketing du studio SND, au micro du CNC. Bien
évidemment, plus le film est calibré, plus on a tendance
à faire de tests pour voir s’il fonctionne. » u
VISION
AUGMENTÉE