M&D SEPTEMBRE 2019 83loin d’être le cas lorsque Jackie l’a trouvé. L’ancien propriétaire, une
sorte d’accumulateur compulsif, y avait vécu pendant un demi-siècle
sans apporter d’amélioration majeure à l’appartement, situé au
premier étage d’un bâtiment de 1910. Il n’y avait pas de salle de bain
complète, mais Jackie avait remarqué les planchers à chevrons bien
conservés, les moulures et les cheminées en marbre, et elle savait que
l’espace avait beaucoup de potentiel.
Une rénovation respectueuse a permis de transformer l’ancienne
cuisine en salle de bain et d’abattre un mur pour ouvrir le séjour et
élargir l’entrée donnant sur la chambre principale, améliorant ainsi
la fluidité et créant de belles perspectives. « Je voulais garder une
touche de l’excentricité qui distinguait jadis l’appartement », dit
Jackie, qui a conservé le chauffe-assiettes intégré à la salle à manger
comme élément décoratif. « Il n’a jamais été question de m’en
départir ; c’est un objet rare et d’une grande beauté. »
Tout comme Jackie, plusieurs éléments dans l’appartement ont une
histoire intéressante. Le robinet dans la cuisine est un Margot, une
marque française qui existe depuis 1912, et la cuisinière est de
Lacanche, une entreprise familiale. « Je me suis mise à la recherche
d’objets typiquement français », dit-elle. « Je me suis dit que si j’allais
vivre ici, je n’allais pas acheter un robinet générique », poursuit-elle.
Elle a par contre choisi un réfrigérateur Miele, semblable à celui qu’elle
possédait au Canada. « Les ouvriers qui ont installé la cuisine m’ont dit
qu’un réfrigérateur sous le comptoir suffirait. J’ai dit : “Vous ne me
connaissez pas. Je cuisine et je suis Chinoise — je cuisine pour 50
personnes lorsque j’en reçois cinq.” »
Le tapis du salon fut acheté en 2014 lors d’un séjour près d’Urfa, en
Turquie, et Jackie s’est offert le fauteuil en osier du designer danois
Illum Wikkelsø pour ses 40 ans. « J’ai eu un véritable coup de foudre
quand je l’ai vu dans la vitrine d’un magasin de meubles vintage ! »
Jackie a fait recouvrir le siège d’un simple tissu blanc et disposé le
fauteuil de façon à pouvoir regarder par la fenêtre ou à admirer son
petit domaine, encore un travail en chantier, confie-t-elle. En général,
Jackie préfère se passer de quelque chose plutôt que d’acheter un
substitut en attendant de trouver ce qu’elle cherche. Elle a appris à
suivre son instinct. Deux fois, cela l’a emmenée à Paris et a changé sa
vie. « Pendant des années, j’ai retardé l’achat d’une maison parce que
je croyais que c’était une affaire de couple. Je pense que mon corps
savait de quoi j’avais besoin bien avant mon esprit », dit-elle.
Sa ville de prédilection et son repaire paisible lui apportent des
bienfaits inattendus. « Vivre à Paris a quelque chose de particulier,
dit-elle. On peut se renouveler sans lever le petit doigt. Pas besoin de
chercher l’inspiration ; on vous l’apporte sur un plateau d’argent. » Elle
a un nouveau projet en route : son entreprise, APT La Fayette, une
plateforme en ligne multifacettes, fera la promotion de la beauté au
quotidien, en plus d’offrir une gamme de linge de cuisine et de table en
collaboration avec Flax Sleep. Mais sa nouvelle routine se déroule à un
rythme normal. « Je veux profiter au maximum de l’expérience
fantastique de vivre ici, dit-elle. Parfois, cela se résume à m’allonger sur
le canapé pour regarder Netf lix. » Bien sûr.
EN HAUT, À DROITE : L’appartement est situé près d’un
canal qui traverse le 10e arrondissement.
EN BAS, À DROITE : Les rideaux de dentelle de la salle de
bain et le petit lavabo sont d’origine. La couleur des murs
est Studio Green par Farrow & Ball, chez Ramacieri Soligo.
Robinetterie en laiton de la douche, Badolymp ; rideau de
douche, Winners ; robinet du lavabo, Herbeau, Batimat.