Le Vif L’Express N°3555 Du 22 Août 2019

(Barry) #1

commun. Impliqués en profondeur et
à long terme dans le projet, les invités de-
viennent des ambassadeurs et transmettent
ensuite au plus grand nombre les idées nées
des échanges à bord.


Après le Groenland et l’Islande l’an
dernier, vous entamez, ce 22 août,
votre troisième escale à destination
des Açores. Qu’en attendez-vous ?
On entame chaque escale avec un thème de
réflexion, cette fois c’est : « L’exploration
est-elle vectrice de progrès ? » L’exploration,
c’est vaste, ça concerne la terre, l’espace, la
mer, le monde intérieur... On a la chance de
partir avec l’écologiste Nicolas Hulot, les
spationautes Jean-François Clervoy et Jean-
Jacques Favier, l’apnéiste belge Fred Buyle,
la médaillée olympique et spécialiste des tor-
tues de mer Coralie Balmy ou le parapentiste
et défenseur du voyage sans moteur Thomas
de Dorlodot. L’escale dure environ un mois et
demi, les invités viennent en fonction du temps dont ils dis-
posent : une, deux, trois semaines. Il y aura aussi des échanges
par Skype avec des personnalités qui ne peuvent pas venir
à bord comme l’explorateur Alban Michon. Les invités ne
viennent pas pour prendre mais pour apporter quelque chose.
Ils donnent de leur temps, de leur savoir, ils partagent avec
nous leur réflexion. Au fil de la navigation, ces ambassadeurs
décortiquent les notions abordées, enrichissent leurs pensées
des savoirs et du vécu de chacun. Nous allons réaliser beau-
coup de vidéos, de podcasts et diffuser une Web série.


L’objectif est donc de dégager des pistes de réflexion
et de changement pour les partager avec le monde
extérieur ?
Exactement. Mais eux vont les dégager, moi je me contente
de mettre en lien des cerveaux pour réfléchir ensemble dans
un contexte particulier. Je ne peux pas présumer de ce qui va
en sortir. Ils vont nous emmener dans des directions qu’on ne
connaît pas. Ce qui m’importe, c’est de susciter la réflexion, de
questionner le progrès qui n’est pas toujours positif. L’explo-
ration n’amène pas que des avancées positives. L’espace est
déjà hyperpollué et hyperdangereux. Les océans aussi. Tout
le monde le sait mais on ne bouge toujours pas, au contraire.


Avec vos « ambassadeurs », vous dites forcer une
réflexion autour des « grands défis de l’humanité ».
Quels sont-ils ?
Nous voulons appréhender le monde d’une façon glo-
bale et aborder chaque problématique du point de vue du


développement durable. Mais ça ne concerne
pas seulement l’environnement ou la santé de
la planète car tout est connecté : l’économie,
le social, l’environnement... On doit pou-
voir faire le lien si on veut avancer. L’apport
d’un Nicolas Hulot sera très important à cet
égard car il a déjà effectué un long chemin.
Plus il a découvert le monde, plus sa vision
a évolué jusqu’à ce qu’il passe de l’autre côté
et la confronte au monde politique, national
et international (NDLR : il fut ministre de la
Transition écologique et solidaire du président
Macron en 2017‑2018, avant de démissionner
avec fracas). Il a vu où ça bloque. Il faut aus-
si apprendre à communiquer avec d’autres
cultures, à appréhender d’autres façons de
voir le monde. Il faut regarder en dehors de
nos frontières, réunir des gens différents pour
élargir les points de vue et les horizons. C’est
ce qu’apporte aussi le voyage qui permet, en
fonction des escales, d’aller se confronter à
d’autres visions et d’autres expériences.

Le monde politique est-il complètement aveugle
ou dépassé par la situation ?
Je me refuse à croire qu’ils sont tous pourris. La situation
internationale est tellement délicate et liée aux très grandes
entreprises, je pense que pas mal d’hommes et de femmes
politiques sont pieds et poings liés. Beaucoup manquent clai-
rement de courage, beaucoup sont contrôlés par les réseaux
ou n’ont qu’une vision à court terme, le nez sur leur réélection.
Mais il y a d’excellents contre-exemples. En Bretagne, par
exemple, le président de la Région a créé la BreizhCop, une
déclinaison régionale de la COP21, avec le lancement d’une
grande consultation citoyenne, des prises de décision, des
engagements dont, surtout, celui de rendre compte dans un an
aux citoyens. Je crois qu’une nouvelle génération d’hommes
et de femmes politiques est en train d’émerger, de comprendre
l’urgence, de réellement demander aux citoyens de s’engager
tout en écoutant ce qu’ils ont à dire. Il y en a de plus en plus qui

Bio express
1984 Naissance à Gouesnach,
dans le Finistère (France).
1998 Disparition de son père
Eric Tabarly en mer d’Irlande.
2002 Etudie l’éthologie
au haras de la Cense (Ile-de-
France), puis aux Etats-Unis.
2004 Embarque à l’essai
sur le trimaran d’Olivier
de Kersauson, ancien
équipier de son père.
2011 Participe à l’expédition
montée par l’explorateur
Mike Horn en Mongolie.
2018 Le 3 juillet, premier
départ dans le cadre
du projet Elemen’Terre.
2019 Le 22 août, départ vers
les Açores à la barre
de Pen Duick VI.

L’ENTRETIEN


«JE NE PENSE PAS QUE GRETA
THUNBERG VA APPORTER DES
SOLUTIONS, ELLE N’EST PAS LÀ
POUR ÇA, ELLE MET EN LUMIÈRE
DES VÉRITÉS QUI DÉRANGENT. »

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