Le Vif L’Express N°3555 Du 22 Août 2019

(Barry) #1

accumulant entre 60 % et 80 % de leur
poids en acides gras, elles laissent espé-
rer une production annuelle, par hectare,
d’une trentaine de tonnes d’huile, bien
supérieure à du colza ou à du soja, par
exemple.
Les chercheurs de l’ULiège se sont in-
téressés à cet aspect. « Mais on n’est pas
encore au point pour produire ce carbu-
rant. Actuellement, le rendement n’est
pas suffisant, si on le compare au gaz ou
au pétrole. L’investissement en énergie
et financier reste trop important », admet
Claire Remacle, spécialiste des processus
énergétiques des microalgues. Ce qui
n’empêche pas l’université de développer
d’autres projets comme Darkmet, financé
par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Son
originalité est de cultiver des microalgues
dans le noir dans des fermenteurs. « Un
projet tout à fait adapté à nos tropiques »,
sourit le professeur Franck. Ce sont les
vertus antimicrobiennes de ces végétaux
qui retiennent notamment l’attention des
chercheurs. « On sait depuis longtemps,
mais sans avoir suffisamment exploré le
domaine, que les algues produisent des
antibiotiques, des substances qui leur
permettent de se protéger de l’environ-
nement. »
L’intérêt des microalgues apparaît aus-
si dans la production d’hydrogène. Pour


l’heure, celle-ci se fait à partir d’énergies
fossiles. « Certaines microalgues peuvent
produire l’hydrogène à la lumière et
offrent des rendements intéressants,
poursuit Pierre Cardol, chercheur au la-
boratoire de génétique et physiologie des
microalgues. Pendant dix ans, jusqu’en
2018, le département de botanique a
essayé de comprendre de la manière la
plus précise comment fonctionnaient les
microalgues pour produire de l’hydro-
gène, en disséquant toutes les contraintes
dans ce processus complexe. »
De là a émergé la société H2win, avec
un collaborateur de l’université, Phi-
lippe Lorge. Elle développe des solutions
technologiques pour la production et
l’utilisation de l’hydrogène à partir de
microalgues. « Il y a un potentiel énorme,
étant donné que l’hydrogène est le deu-
xième gaz le plus utilisé dans le monde.
En le produisant localement grâce à ce
procédé technologique imitant la nature,
la Wallonie est à l’aube d’une nouvelle ré-
volution industrielle », déclare Philippe
Lorge. Cette solution technologique de-
vrait être industrialisée d’ici à trois ans.

Produire sa propre spiruline
Mais les microalgues pourraient aussi
révolutionner notre quotidien alimen-
taire grâce à la spiruline, une microalgue

extrêmement riche en minéraux et en
vitamines. Le projet spin-off de l’ULiège,
Microspir, a développé le Spirhome, un
photobioréacteur autonome permettant
aux particuliers de cultiver et de consom-
mer de la spiruline fraîche tous les jours.
Mot d’ordre : « Produisez aujourd’hui
chez vous la nourriture de demain. »
Si les recherches pour créer cet appa-
reil qui a l’apparence d’une machine à
café ont duré trois ans, l’usage pour le
particulier sera des plus simples, affirme
Robin Crunenberg, responsable du
développement commercial du projet
Microspir. « L’avantage sera de profiter
de tous les bienfaits nutritifs de la spiru-
line fraîche. » Chaque jour, le consom-
mateur aura l’opportunité de produire
une cuillère à café d’algues. « Fraîche, la
spiruline n’a ni goût, ni odeur. Elle peut
tout à fait s’intégrer dans n’importe quel
produit, sucré ou salé. »
Il y a cinq ans, Robin Crunenberg n’au-
rait jamais vu dans les microalgues une
filière d’avenir pour la Wallonie. Au-
jourd’hui, son avis est tout autre, au mo-
ment où le photobioréacteur est sur le
point d’être commercialisé. « Pour être
compétitif, dans un marché en pleine
croissance, la Région wallonne et l’uni-
versité de Liège misent avec nous sur
l’innovation technologique ! » V

PHOTOS : HATIM KAGHAT

Pour Fabrice Franck (ULiège),
les microalgues n’ont pas
encore révélé tous leurs secrets.
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