Le Vif L’Express N°3555 Du 22 Août 2019

(Barry) #1

HISTOIRE MÉMOIRE


VERVIERS
Grégoire Chapuis, «martyr»
récupéré par les libéraux
Depuis 1880, Verviers rend hommage,
sur la place du Martyr, au chirurgien Gré‑
goire Chapuis (1761 ‑ 1794). Moins connu
que d’autres « gloires » de nos régions, il a
été officier municipal sous le régime fran‑
çais instauré par le général Dumouriez. Il
a été condamné à mort et décapité publi‑
quement le 2 janvier 1794, à 32 ans, lors de
la brève seconde restauration du prince‑
évêque de Liège, François‑ Antoine de
Méan. On raconte que le bourreau a dû lui
donner cinq ou six coups avant de réussir
à lui couper la tête.

Beaucoup d’autres légendes courent
sur le « martyr », instrumentalisé par
les milieux libéraux anticléricaux de la
deuxième moitié du xixe siècle. Ils ont
fait du brave chirurgien un apôtre de la
laïcité et un symbole de la libre pensée.
A tel point que le mythe se mêle à l’his‑
toire dans ses notices biographiques.
On le dit impliqué dans la révolution de
1789, rôle tenu en fait par son frère. On
en fait le pionnier de la césarienne en
Belgique, le confondant avec un neveu
homonyme, révèle aujourd’hui l’histo‑
rien theutois Paul Bertholet. De même,
le principal motif de sa condamnation
à mort n’est pas la célébration d’un ma‑
riage civil, comme le laissent entendre
ses hagiographes. Il a été condamné
comme « traître », pour avoir accepté
d’appliquer les lois d’un envahisseur et
avoir voté le rattachement à la France. V

BRUXELLES Léopold II, symbole de l’oppression coloniale
Créée par Thomas Vinçotte en 1914, achevée par François Malfait en 1926 et
érigée la même année près du Palais royal, la statue équestre de Léopold II est
devenue le point focal du débat autour de la mémoire coloniale en Belgique. En
septembre 2008, un activiste a barbouillé le monument de la place du Trône de
peinture rouge, « symbole du sang des Congolais innocents tués ou mutilés sous
les ordres du sanguinaire souverain ». Par la suite, la statue du « roi‑bâtisseur » a
été plusieurs fois taguée, peinte ou couverte d’affichettes, tandis que se multi‑
plient depuis deux ans les demandes de retrait du monument de l’espace public.
Et pour cause : le système d’exploitation mis en place dans l’Etat indépendant
du Congo (EIC), dont Léopold II a été, de 1885 à 1908, le monarque absolu, lui
vaut d’être la figure emblématique des méfaits du colonialisme.

SERAING John Cockerill,
locomotive belge
A Seraing, cœur de l’empire de John
Cockerill (1790 ‑ 1840), on n’a pas ou‑
blié l’industriel belgo‑britannique :
sa statue en bronze a été érigée place
de l’Hôtel de Ville, devant la tombe
du fondateur du groupe sidérur‑
gique et fournisseur des premiers
rails, wagons et locomotives de Bel‑
gique. Elle est dédiée « à l’intelligence
et au travail ». Réalisée par Armand
Cattier, l’œuvre a été inaugurée le
29 octobre 1871. Un an plus tard, un
second monument dédié à Cockerill
est installé place du Luxembourg, à
Bruxelles. Décédé en 1840 lors d’une
mission à Varsovie, Cockerill laisse
une société au bord de la banque‑
route, faute d’avoir su maîtriser la
diversification de ses activités.

HATIM KAGHAT

HATIM KAGHAT

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