Le Vif L’Express N°3555 Du 22 Août 2019

(Barry) #1
Conseil des femmes francophones
de Belgique. Si une femme est libre,
pour certains, elle perturbe la struc‑
ture sociale de la société. Donc, il
faudrait la contrôler. »
Et la liberté féminine souffle
plus fort depuis la tempête #Me‑
Too. Alors les vents masculinistes
contraires aussi. Selon Florence
Caeymaex, philosophe à l’ULiège,
ce que ce mouvement de libération
de la parole aurait dans le fond de
si dérangeant, c’est qu’il reconnec‑
terait le féminisme avec ses enjeux
sociétaux, desquels il avait eu ten‑
dance à s’éloigner. « Dans les années
1960‑1970, retrace‑t‑elle, le mouve‑
ment féministe s’affirmait comme
un courant politique, avec des re‑
vendications pour les droits civils.
Durant les années 1980, il subit un
reflux, avec le tournant du néoli‑
béralisme. Les dimensions écono‑
miques et sociales sont mises sous
le couvercle, pour ne garder que la
dimension culturelle. » Les victoires
engrangées deviennent alors sym‑
boliques. Présence des femmes dans le monde du travail,
dans des postes à responsabilités, dans les universités, en
politique... Leur condition change. En tout cas, pour certaines.
Blanches et socialement favorisées, surtout. « Or, aujourd’hui,
on assiste à une reconnexion de toutes les dimensions : cultu‑
relles et identitaires, mais aussi économiques et sociales. »
Amélioration et progrès pour toutes. Et tous : « Le mouve‑
ment féministe est porteur de revendications qui sont inclu‑
sives, d’une volonté d’émancipation pour tout le monde. Les
minorités, les handicapés, les homosexuel(le)s..., rappelle
Florence Caeymaex. C’est pour ça que le masculinisme ne
peut pas être présenté comme son miroir. Car il n’est pas en
lutte contre la femme dominante, mais pour préserver les
structures hiérarchiques. » Celles où l’homme domine. En
tant que père, mari, dragueur, professeur...

Accepter l’inégalité... pour vivre heureuses
Elles vont se calmer, là, les donzelles émancipées ! « Oui, tous
les humains sont égaux. Mais si tout le monde était sur le
même pied, ce serait le chaos. Les sociétés
ont besoin d’organisation, de structures.
Et c’est le rôle des hommes dans la société :
structurer », a écrit Yvon Dallaire dans l’ou‑
vrage La Planète des hommes (éd. Bayard
Canada, 2005). Le Québécois (sanctionné
à plusieurs reprises par le comité de disci‑
pline de l’ordre des psychologues) en a com‑
mis d’autres, dont la « trilogie du bonheur » :
Qui sont ces couples heureux ?, Qui sont ces

résistance anti fémi‑nazie » (sui‑
vie par 3 041 personnes) nous explique
que le créateur de la page est «  une
personne dont les origines ethniques
et culturelles ont une forte dominante
religieuse » et que « le Coran stipule très
précisément les rôles, tâches, droits
et devoirs » de chacun. Alain Cabello‑
Mosnier, fondateur de la page « Osez le
masculinisme » (590 followers) se pré‑
sente comme militant homosexuel, un
« pédé qui n’a pas de compte à régler
avec les femmes mais des questions à
poser aux mecs ». A propos de la paterni‑
té, la circoncision, la garde d’enfants...
Et puis, il y a les livres. Les conférences.
Les associations. Les communautés. Ne
cherchez pas une ligue masculiniste, un
groupe structuré. Ni même de grands
penseurs. Tout au plus l’un ou l’autre
nom plus ou moins connu, comme
celui du psychologue québécois Yvon
Dallaire ou du blogueur américain et
« pick up artist » (nous y reviendrons)
Roosh Valizadeh. Qui a tout de même
plaidé pour la légalisation du viol dans
le cadre privé. Il paraît que c’était sa‑
tirique. LOL. En février 2016, une manifestation à sa gloire
devait être organisée à Bruxelles, mais les initiateurs avaient
omis de demander une autorisation et la Ville avait empêché
le rassemblement.
Un Washingtonien autoproclamé (et autopublié) spécialiste
de la masculinité capable de faire sortir ses adeptes dans les
rues bruxelloises : si le mouvement n’a pas de réelle structure,
il trouve apparemment un écho certain. De plus en plus cer‑
tain, même, selon les féministes. La faute à #MeToo. « Pour
moi (même si une historienne ne devrait pas dire ça, vu la
récence de l’événement), c’est un moment historique, un
basculement. Qui fait peur. A l’homme blanc, 50 ans, hétéro‑
sexuel. Qui réalise qu’il est privilégié. Cette notion de privilège,
il n’y a rien de pire que de s’en rendre compte ! » nous confiait
récemment Valérie Piette, professeure d’histoire contempo‑
raine à l’ULB.


Backlash!
Le fameux backlash ou retour de bâton. Un concept théorisé
dans les années 1980, après que les mou‑
vements féministes eurent remporté des
batailles durant les deux décennies précé‑
dentes. Droit à la contraception, à l’avor‑
tement, au divorce par consentement
mutuel... L’horreur, pour les machos. Qui,
ensuite, n’ont eu de cesse de tenter de re‑
mettre les femmes à « leur » place. De sou‑
mise. « C’est ça, le mouvement de balancier,
observe Sylvie Lausberg, présidente du



Le psychologue québécois Yvon Dallaire,
un des « penseurs » du masculinisme.

«SI TOUT
LE MONDE ÉTAIT
SUR LE MÊME PIED,
CE SERAIT
LE CHAOS.»

ISOPIX
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