Le Vif L’Express N°3555 Du 22 Août 2019

(Barry) #1
hommes heureux ? , Qui sont ces femmes heureuses ? Ne cher-
chez plus ! Celles-là sont celles qui acceptent l’inégalité dans
leur couple, car elles auraient compris que le contraire les
ferait souffrir inutilement. Inégalité dans la répartition des sa-
laires, des ménages, des soins aux enfants, du plaisir sexuel...
Car une bonne amante sait « sans renoncer à ce qu’[elle] aime,
recevoir la sexualité masculine dans son essence : visuelle,
génitale, intrusive, intense et rapide » et se contente d’expri-
mer « ce qu’elle aime quand ils font l’amour, non ce qu’elle
n’aime pas » (1).
Il ne ferait pas une petite fixette sur l’éjacu-
lation, Yvon Dallaire ? Selon lui, « projeter son
sperme hors de son corps », pénétrer (au sens
propre comme au figuré) confirmerait l’exis-
tence d’un « mouvement masculin qui part de
l’intérieur vers l’extérieur » et qui le conduirait
à conquérir le monde. Le phallus, encore et tou-
jours. Les masculinistes ont l’impression que la
société les castre, qu’ils doivent se féminiser. En
affichant de la douceur plutôt que de la force, en
exprimant des sentiments plutôt qu’en faisant
le dur, en maternant les enfants plutôt qu’en
les éduquant...
La crise de la masculinité : voilà le dénomina-
teur commun de cette « nébuleuse masculiniste,
qui va de l’extrême droite à la gauche et qui est

très difficile à circonscrire », comme la décrit Patric Jean,
réalisateur du documentaire La Domination masculine (2009),
pour lequel il avait passé plusieurs mois au contact d’« homi-
nistes » canadiens, en se faisant passer pour un adhérent. Il y
a donc les « penseurs » : écrivains, conférenciers, blogueurs,
qui distillent par la plume leurs convictions antiégalitaires. Il
y a les « camps de virilité », comme ManKind Project ou Opti-
mum en France, un week-end initiatique catholique destiné
à « rendre les hommes meilleurs » (plus de 1 500 participants
depuis sa création en 2013). Il y a les associations de défense
des droits des pères. Et il y a, depuis plus récem-
ment, la « communauté de la séduction », des
gourous de la drague – appelés pick-up artists –
qui dispensent en ligne des conseils pour choper
de la meuf.
« Ces coachs ne se revendiquent pas spéciale-
ment comme masculinistes », pointe Mathilde
Largepret, chargée de projets aux Femmes pré-
voyantes socialistes (FPS) et auteure d’une étude
sur cette communauté de la séduction, réalisée
après la tuerie de Toronto. En avril 2016, un étu-
diant de 25 ans tuait dix personnes et en blessait
quinze autres. Essentiellement des femmes,
parce qu’elles étaient femmes : l’étudiant s’était
revendiqué des Incel, les « célibataires involon-
taires », un groupuscule actif sur la Toile,

Jean Gabard, auteur
du livre Le Féminisme
et ses dérives.

Roosh Valizadeh,
« pick up artist » et
gourou de la drague.

DR

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