Le Vif L’Express N°3555 Du 22 Août 2019

(Barry) #1

intergouvernemental sur l’évolution
du climat (Giec), et le Levant espagnol
(Sud-Est) sera parmi les plus touchés.
En 2017, déjà, après un épisode de sé-
cheresse inhabituel, le transfert d’eau
à destination de la Segura a été coupé
pendant onze mois, alors qu’un simple
filet d’eau coulait dans le lit du Tage. Au
cours des prochaines années, le trans-
vasement va diminuer et devrait se ta-
rir en 2070, alertent, dans un rapport,
des chercheurs de l’université publique
(UMU) et de l’université catholique
(Ucam) de Murcie. Déjà, le volume cédé
ne représente que deux tiers de celui
prévu au moment de sa conception,
sous la dictature de Franco. Au début
de l’été, les réservoirs du bassin de la
Segura n’étaient remplis qu’à 27 % de
leurs capacités.
A Alhama de Murcia, sous un soleil de
plomb, Diego Aguila soulève l’un des
tuyaux qui abreuvent ses 20 hectares
d’agrumes. Dans l’entrepôt qui jouxte
le verger, telle une perfusion, des cuves
d’engrais sont directement reliées aux
tuyaux d’arrosage. «  En été, chaque
citronnier reçoit en moyenne 16 litres


par jour », explique-t-il. Interrogés sur
le risque de restriction, Diego et son
père haussent les épaules : « De l’eau,
il y en a dans le reste de l’Espagne. Elle
est sous-utilisée. Il suffirait de la faire
venir jusqu’ici. » Eux et leurs collègues
arboriculteurs de l’Alhama déplorent la
division de la péninsule en communau-
tés autonomes, rivales quand il s’agit
de se répartir le précieux liquide. Ils re-
grettent surtout l’abandon, en 2004, par
le gouvernement socialiste de José Luis
Zapatero, du projet de transfert d’eau
de l’Ebre, le plus abondant des fleuves
de la péninsule. « Ce qui fait défaut en
Espagne, ce n’est pas l’eau mais sa juste
distribution, renchérit Fernando Go-
mez, directeur de Proexport. Chaque
année, 80 000 hectomètres cubes d’eau

des rivières finissent à la mer. »
Veiller à la gestion et à la répartition
de la ressource hydrique est la mission
des confédérations hydrographiques,
sous la tutelle de l’Etat puisque les
bassins-versants sont souvent à cheval
sur plusieurs régions. Celle de la Segu-
ra, dans le Sud-Est, chargée de l’entre-
tien des barrages et canaux, est censée
prévoir les besoins, contrôler l’état des
réserves et réglementer la distribution
de l’eau.
Pour faire face aux pénuries, sept
usines de dessalement ont été cons-
truites – quatre pour la consommation
d’eau potable, trois pour l’irrigation.
La confédération hydrographique de
la Segura a prévu de relier les usines de
dessalement au réseau de canaux, afin
de mieux répondre aux besoins de tous
les irrigants. Mais le liquide transformé
à partir de l’eau de mer coûte cinq fois
plus cher que celui en provenance du
Tage. Afin de réduire le montant de la
facture, il est donc mélangé à l’eau du
fleuve Segura et du Tage.

Arrosage illégal
«  Les exploitants agricoles ne dé-
boursent pas un centime pour l’eau
elle-même », souligne Rafael Seiz, du
Fonds mondial pour la nature

LES RESSOURCES
HYDRIQUES
DUPOURTOUR
MÉDITERRANÉEN
VONT DIMINUER
DE 24 À 40 %.

Les cultures de terres sèches cèdent la place à du raisin de table destiné à l’exportation.
Ci-dessus, un champ de brocolis laissé à l’abandon.

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