Le Vif L’Express N°3555 Du 22 Août 2019

(Barry) #1
dit-il en montrant des vignes recou-
vertes de toile plastique, à perte de vue.
La confédération hydrographique
répond que les nouvelles planta-
tions utilisent des droits achetés à des

(WWF Espagne). Ils ne paient
qu’une partie du coût de l’entretien des
barrages et canaux et de l’énergie néces-
saire à son extraction et au dessalement.
De fait, le prix des primeurs n’incorpore
pas le coût de l’eau indispensable à leur
croissance. «  D’une certaine façon,
cette région exporte le peu d’eau dont
elle dispose sous forme de fruits et de lé-
gumes », relève Celsa Peiteado, du WWF.
Or, l’agriculture d’irrigation consomme
80 % de l’eau en Espagne, et 83 % même
dans le bassin de la Segura.
Face à la baisse des réserves, la confé-
dération hydrographique prévoit 3 %
de réduction de la consommation d’eau
pour la prochaine décade, puis 20 %
à l’horizon 2040-2070. Très loin du
compte, estiment les experts. « Chaque
mois, la vallée de la Segura utilise le
double de l’eau qu’elle régénère, dé-
nonce Julia Martinez, docteure en bio-
logie et directrice de la Fondation nou-
velle culture de l’eau. Non seulement
on ne se prépare pas au changement
climatique, mais la consommation ne
cesse d’augmenter. »
La création de nouvelles infrastruc-
tures n’a en rien permis de pallier le
déficit hydrique, souligne-t-elle : « Les
réservoirs devraient servir à accumuler
l’eau en période de pluie pour la redis-
tribuer quand elle manque. Ce n’est pas
ce qui se produit. Dès l’adoption du pro-
jet Tage-Segura, dans les années 1960,
quinze ans avant l’arrivée des premiers


hectomètres d’eau, la demande a grim-
pé, les plantations se sont étendues.
L’apport d’eau supplémentaire n’a
nullement freiné l’exploitation des
aquifères. »
Les défenseurs de l’environnement
dénoncent l’extension de l’irrigation
illégale. Officiellement, pourtant, les
surfaces arrosées, fixées par le plan
hydrologique national de 1998, n’ont
pas augmenté. « Seuls sont permis des
transferts de ces droits d’une zone à une
autre », explique Mario Urrea, président
de la confédération hydrographique de
la Segura. Les terres irriguées de façon
illégale ne dépassent pas 3600  hec-
tares, soit 2 % du total, estime-t-il. « Une
blague, s’emporte Julia Martinez. Dans
la seule région de Murcie, il y en a au
moins 28000 de plus que les chiffres
officiels, selon une étude de l’université
locale. »
Les fermiers traditionnels de la Co-
marca Noroeste partagent ce constat.
Les plantations de raisin de table et
d’abricots irriguées ont remplacé les
anciennes cultures de secano (terres
sèches), amandiers, oliviers ou céréales.
« Depuis une dizaine d’années, déplore
Alfonso Sanchez, président du Groupe
de communautés d’irrigants de Cara-
vaca, les grandes entreprises horticoles
qui ont épuisé les plaines du littoral
achètent des terres sur ces hauteurs.
Nous ne cessons de dénoncer de nou-
veaux périmètres d’irrigation illégale,

MONDE ESPAGNE



PHOTOS : JOSE COLON/POLARIS POUR LE VIF/L’EXPRESS

Le volume d’eau transféré entre
les fleuves Tage et Segura est déjà
inférieur d’un tiers à ce qui était
prévu au moment du lancement
du projet, sous Franco.

Julia Martinez (à g.), directrice de la Fondation nouvelle culture de
l’eau, pointe une consommation démesurée. Ci-dessus, un système
de goutte à goutte, censé être plus économe que les canaux.
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