Le Vif L’Express N°3555 Du 22 Août 2019

(Barry) #1

exploitants ayant cessé leur activité.
Alfonso Sanchez n’est pas convain-
cu : « De 2014 à 2018, nous évaluons à
900 hectares la transformation de seca-
no en cultures irriguées sur la commune.
Ici même, dans le hameau d’Archivel,
on a déposé une plainte concernant
200 hectares d’irrigation illégale. Quand
le contrôleur de la confédération est ve-
nu, il n’a tenu compte que des tuyaux
en marche au moment de sa visite. On
voyait pourtant bien les traces d’humi-
dité sous les tubes! A la fin, il n’a inscrit
que 30 hectares de vigne irrigués. »
« Les responsables politiques locaux
n’osent pas froisser le secteur agricole,
tout-puissant, observe Miguel Angel
Ruiz, journaliste spécialiste de l’envi-
ronnement au quotidien La Verdad de
Murcia. Même les branches locales du


PSOE et de Podemos (gauche) ne re-
mettent pas en cause la légitimité du
transfert Tage-Segura. »
En 2017, parce qu’on leur avait inter-
dit les épandages d’engrais azotés en
raison de la contamination de la lagune
de Mar Menor, les agriculteurs ont blo-
qué pendant une journée et demie la

ville de Murcie avec leurs tracteurs
et fait céder les autorités. Dans cette
région aux mains du Parti populaire
(droite) depuis plus de vingt ans, ce
sont les écologistes qui sont perçus
comme des gêneurs.

Salades non récoltées
« Cessez de nous importuner. Laissez-
nous travailler », protestent deux agri-
culteurs en voyant approcher de leur
propriété Alejandro Ortuño, porte-
parole de Salvemos el Arabi, sur les hau-
teurs de Yecla, au nord de la province.
L’association porte le nom du mont
emblématique de l’Altiplano, classé au
patrimoine mondial par l’Unesco pour
son art rupestre. Réunis il y a deux ans
pour rejeter l’installation d’une por-
cherie géante, ses militants se battent
aujourd’hui contre la production inten-
sive qui grignote les terres de la région
vinicole. « Un hectare de vigne tradition-
nelle consomme 1000 mètres cubes par
an; la même surface de salade, dix fois
plus », fait valoir l’activiste. Au prin-
temps, les entreprises agraires ont fait
scandale en laissant sécher 35 hectares
de laitue parce que le prix du marché, à
la baisse, ne justifiait plus leur récolte.
« Il a fallu quelque 120 millions de litres
d’eau pour les faire pousser, souffle Ale-
jandro Ortuño. L’aquifère de l’Altiplano
est pourtant l’un des plus surexploités
de la région. »
Dans un rapport paru en mars der-
nier, la Commission européenne a une
nouvelle fois épinglé l’Espagne pour
non-respect de la directive-cadre sur
l’eau, destinée à réduire la pollution
et promouvoir son utilisation durable.
Madrid a jusqu’à 2027 pour s’y plier.
A Yecla, un agriculteur français vient
de se lancer dans la culture de plantes
aromatiques pour produire des huiles
essentielles, très économes en eau.
« Voilà le genre d’agriculture durable
dont nous avons besoin! » soupire
Alejandro Ortuño. V

(1) Le nom a été changé.

DANS CETTE
RÉGION DE DROITE,
LES ÉCOLOGISTES
SONT PERÇUS
COMME DES GÊNEURS.
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