Le Vif L’Express N°3555 Du 22 Août 2019

(Barry) #1
demande si, selon elle, ces livres présentent un ou des points
communs. « Il faut qu’il y ait quelque chose de viscéral chez
l’auteur, que je ressente comme une immense nécessité.
Quand l’auteur investit son histoire personnelle dans l’his-
toire racontée, je remarque que ça me touche davantage »,
répond-elle. Elle-même, d’ailleurs, démarre « toujours sur une
base extrêmement personnelle » quand elle écrit.
Autre point commun entre ses lectures et son écriture :
« Quand j’étais petite, je me réfugiais dans la lecture. Je me
réfugiais aussi dans l’écriture. D’ailleurs, quand j’étais petite,
je pensais qu’on allait à l’école notamment pour apprendre à
écrire son journal. »
Un auteur aimé, voire adoré par Véronique Janzyk écrit jus-
tement son journal. Cet auteur, c’est le Français Franz Bartelt ;
de son journal, il a déjà extrait et publié des textes relatifs à sa
mère quand elle était souffrante. Cela s’intitule Depuis qu’elle
est morte elle va beaucoup mieux, raconte la Belge. « Ça, c’est un
petit bijou, ajoute-t-elle. Je crois que Franz Bartelt est le seul
qui peut écrire de sa mère qui perd la mémoire : “Aujourd’hui,
elle m’a encore fait son petit numéro de music-hall” sans qu’on
trouve cela cynique. » Dans le même genre, La Robe de nuit de
Véronique Janzyk, petit livre publié aux
éditions belges Onlit, est aussi une pépite :
poétique et truffé de non-dits clairs, trous
que peut combler le lecteur en imaginant
l’avenir, qu’il espère pas trop sombre, pour
lui et pour les siens...
Bartelt n’est pas seul au sommet ; ce som-
met, il le tutoie avec un autre écrivain fran-
çais, Christian Bobin, dans le cœur de

M


ais qu’est-ce que je fous là ? C’est pas possible,
c’est pas la bonne rue : y a pas de numéros dans
les 100 ! Pourtant, c’est la rue D. ! Alors ? Alors,
au téléphone, l’auteure belge Véronique Janzyk
comprend vite : je suis dans la rue D. mais il y a
deux rues D. dans l’entité de Charleroi et... Et
bien sûr, le spécialiste que je suis s’est arrêté dans
la mauvaise commune. Pourtant, j’avais fait trois
fois le tour. J’étais passé puis repassé devant le
stade du Sporting, le Grand Hôpital. J’avais bien
obéi à mon gps. Je trouvais ses ordres un peu bizarres mais
c’est lui qui sait, hein. Mais là, franchement, je comprends
pas. Je comprends jamais, en fait. Enfin bref, bravo, Johan,
me dis-je (émoji pouce levé, émoji tête qui pleure de rire,
émoji rouge de honte carrément : purée, je suis quand même
dans ma ville natale, dites ! ).
Vingt-deux minutes plus tard, en retard de 21 minutes, alors
que j’avais quitté mon domicile, à 23 kilomètres de là, 87 mi-
nutes à l’avance, j’arrive dans la bonne rue D. Une haute mai-
son, une petite dame souriante, un très vieux chat agile, des
perruches bruyantes, du Nescafé parce que le percolateur ne
fonctionne plus – et ça tombe bien, j’adore
le Nescafé, il m’arrive même d’en manger
à la cuillère si vous voulez tout savoir, mais
vous ne voulez pas tout savoir, et j’arrête là
de parler de moi, c’est promis.

Bartelt, Bobin et le refuge
Véronique Janzyk a préparé une liste de
ses livres préférés. En préambule, je lui

« QUAND L’AUTEUR INVESTIT


SON HISTOIRE PERSONNELLE... »


Avec enthousiasme, passion ou sobriété, des auteurs évoquent leurs livres préférés.
Ce qu’ils disent, et leur façon de le dire, peut être une façon de parler d’eux ou
d’éclairer leur œuvre personnelle. Et pour nous, c’est une façon comme une autre
de donner envie de lire. Cette semaine : la romancière belge Véronique Janzyk.

PAR JOHAN RINCHART • PHOTO : PIERRE-YVES JORTAY


VÉRONIQUE JANZYK


«IL FAUT QUE
CHEZ L’AUTEUR,
JE RESSENTE
UNE IMMENSE
NÉCESSITÉ.»

SÉRIE D’ÉTÉ


BIBLIOFILLE

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