Le Vif L’Express N°3555 Du 22 Août 2019

(Barry) #1

  • Elle : Ah oui ! L’Avortement.

  • Moi : Oui ! C’est le premier Brautigan que j’ai lu. C’est Phi-
    lippe Djian qui m’en avait parlé. Enfin non, Djian parle de
    Brautigan dans un de ses bouquins...

  • Elle : J’avais lu un bouquin de Bartelt et L’Avortement
    de Brautigan. Suite à ces deux lectures, j’ai écrit un poème
    en prose et je l’ai envoyé aux éditions Onlit qui, à l’époque,
    avaient une revue. Alors, ils m’ont demandé : tiens, est-ce que
    vous avez autre chose à nous proposer ? Bref, Brautigan est à
    l’origine de mes premiers contacts avec mon éditeur !
    On sourit, comme deux potes de l’auteur américain qui ne
    s’étaient jamais rencontrés. Lui, c’est sûr qu’on ne le rencon-
    trera jamais : il est mort, le 14 septembre 1984.


Un ou deux poèmes de Karel Logist
Un poète français (Thiéfaine) est talonné par un poète belge :
Karel Logist. « Son dernier recueil s’institule J’arme l’œil, il est
publié par une nouvelle maison d’édition liégeoise, Le Bous-
trographe », signale Véronique Janzyk. « La poésie de Karel
Logist, c’est la simplicité... Cela me touche beaucoup, cette
simplicité. C’est simple et cela dit tellement de choses. » Je lis
un ou deux poèmes de Logist tout bas devant Janzyk qui me
propose un nouveau Nescafé (j’accepte) et oui, c’est beau. Un
poème entier serait trop long ici et je ne vais pas recopier un
extrait : on ne photographie pas la moitié d’une œuvre, a priori.
Cela dit, sur la page Facebook de Véronique Janzyk, je trou-
verai ceci, de Logist, pas trop long, qui s’intitule A quoi bon ?
A quoi bon des certitudes
des carcans et des canevas ?
A quoi bon des plans de carrière
des almanachs, des échéances
des ultimatums sur l’amour
des embargos sur nos semblables ?
Et si nous construisions
mais sans échafaudage
Et si nous écrivions dans nos carnets de doute
à l’encre sympathique ?
Et si nous voyagions
avec l’instinct du cœur
et avec l’intuition pour seules et solaires boussoles ?
Où nous allons, demain ne pèse
pas plus lourd qu’une haleine d’enfant
dans l’œil noir du cyclone.
On n’est plus dans la poésie accessible et profonde, je dirais
même réaliste, de Karel Logist, on est à présent dans le récit
familial, disons, de Lionel Duroy, auteur français. « Il avait
écrit Le Chagrin, commence Véronique Janzyk. A l’époque, je
m’étais dit : jamais je ne lirai ça – les histoires familiales, ça ne
me botte pas. Et puis, un jour, je l’ai entendu à la radio. Je ne
savais pas que c’était lui. Il avait une voix aigrelette et il y avait
de la colère dans cette voix. Je me suis dit : ce gars, il s’en fiche
de plaire, il dit des choses intéressantes. Je me suis dit aussi : je
vais lire son bouquin. C’était Lionel Duroy, c’était Le Chagrin.

Véronique Janzyk. Peut-être même que pour la Belge,
Bobin devance Bartelt : « Bobin est le seul qui me fait pleurer,
pleurer de joie devant la beauté. Je sens que ce qu’il écrit est
tellement juste. C’est le seul auteur avec lequel j’ai cette expé-
rience esthétique-là. »

Et maintenant, un chanteur!
Juste après Bobin et Bartelt, ou Bartelt et Bobin, Janzyk pointe
Hubert-Félix Thiéfaine, chanteur et poète. Lorsque je rappelle
à Véronique Janzyk que dans cette série du Vif/L’Express, on
parle de bouquins, elle me lance un regard qui me semble, ou
qui est réellement, noir et rétorque : « Oui mais du Thiéfaine, ça
se lit aussi. » Et c’est vrai. « Il faut aller écouter Des adieux, qui
est la plus belle chanson du monde, et Septembre rose, indique
Janzyk. Enfin bon, j’aime tout chez Thiéfaine. De Thiéfaine,
je suis fan. » Ensuite on change de position : elle m’interroge.


  • Elle : Et vous, de qui êtes-vous fan ?

  • Moi : Euh... Disons d’un écrivain américain qui s’appelle
    Richard Brautigan.



Hubert-Félix Thiéfaine :
« Il se lit aussi. »

ALEXANDRE MARCHI/BELGAIMAGE


SÉRIE D’ÉTÉ
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