Sud Ouest Sud-Gironde - 2019-08-23

(Romina) #1

Vendredi 23 août 2019SUD OUEST


Christophe Lucet
[email protected]


V


oilà des années que le som-
met des démocraties indus-
trielles, amputé de la Russie
en 2014, est contesté dans un rôle
de directoire mondial auquel il ne
prétend d’ailleurs pas. Moins repré-
sentatif que le G20 qui a intégré
en 2008 les grands pays émergents,
il tirait sa force de sa relative cohé-
sion, mais celle-ci a volé en éclats
depuis que l’Amérique de Trump
a échangé son rôle de « leader du
monde libre » pour la défense
étroite de ses intérêts.
Un an après le clash du G7 de la
Malbaie (Québec, Canada) où le
président américain avait déchiré le
communiqué final, c’est au tour de
la France de prendre le flambeau,
ou plutôt la « patate chaude » d’un


sommet annuel critiqué aussi bien
pour sa faible représentativité que
pour la modicité de ses résultats.
Conscient de ce lourd passif, Em-
manuel Macron veut profiter du G
de Biarritz pour sauver le forum
des pays riches de l’insignifiance et
tenter de lui rendre un rôle mo-
teur.

1


Une crédibilité à retrouver
dans un format renouvelé
Pas question de revivre le psycho-
drame de 2018, symbolisé par la
photo d’un Trump furieux assis
face à tous les autres membres du
G7. Exit le texte fi-
nal aux allures de
plus petit déno-
minateur com-
mun, place à des
coalitions à géo-
métrie variable
selon les sujets.
Une façon d’acter
les divisions au
sein du club. Et
pour dépasser ces clivages, en at-
tendant une éventuelle réintégra-
tion de la Russie qui dépend de la

paix en Ukraine, la France tente
d’imposer un format renouvelé :
elle a invité les leaders de démocra-
ties influentes (Inde, Afrique du
Sud, Australie, Chili) et d’Afrique
(Égypte, Sénégal, Rwanda, Burkina
Faso). Ainsi que des acteurs de la so-
ciété civile, en particulier le Conseil
consultatif pour l’égalité hommes-
femmes, présidé par deux Nobel
de la paix et qui remet aujourd’hui
à Macron sa liste de recommanda-
tions. Du côté des ONG, la méfiance
reste de mise : le Réseau action cli-
mat, qui réunit plusieurs d’entre el-
les, appelle au boycott du G7.

2


Des accords internationaux
à sauver, un Brexit à réussir
La dénonciation par les États-Unis
de l’accord de Paris sur le climat et
du traité sur le nucléaire iranien a
mis à mal le système international.
La France, impliquée dans les deux
négociations, veut se servir du G
pour ranimer ces accords. Avant de
partir pour Biarritz, Macron ren-
contre à Paris, aujourd’hui, le chef de
la diplomatie iranienne. Il faut con-
vaincre Téhéran de stopper sa mar-

che vers une sortie de l’accord et
obtenir des Américains qu’ils re-
voient leur stratégie de « pression
maximale » sur l’Iran. La porte est
ouverte, mais elle est très étroite.
Sur le climat, le consensus interna-
tional est fort et Macron peut espé-
rer des avancées, même si Trump
fait de l’obstruction.
Par force, le G7 sera aussi occupé
par le Brexit car Boris Johnson (lire
par ailleurs), le successeur de There-
sa May, veut utiliser la tribune pour

mettre en scène sa complicité avec
Trump en vue d’un accord com-
mercial bilatéral.

3


Une percée à réussir
sur la taxation des Gafa
Le président français a été très of-
fensif, hier, pour dénoncer le « statut
de paradis fiscal permanent » dont
jouiraient les géants du numéri-
que. La France, qui a déjà institué
une taxe, veut convaincre Trump
d’appuyer son propre secrétaire au

SOMMET Retrouver une légitimité, sauver des traités


internationaux, paver la voie à d’autres accords, défendre la


sécurité collective, le G7 français s’attaque aux travaux d’Hercule


Les enjeux


d’un G7 en quête


de crédibilité


Ce G7 biarrot sera jugé sur sa capacité à gérer d’éventuels débor-
dements lors des manifestations des « anti-G7 ». JEAN-DANIEL CHOPIN/ « SO »

Le fait du jour


Macron veut
profiter du G
pour sauver
le forum
des pays
riches de
l’insignifiance

Emmanuel Macron


France. Président du pays hôte, il se
retrouve aussi porte-parole de
facto d’une Union européenne
dont le président sortant de la
Commission sera absent et dont les
pays membres du G7 sont affaiblis
(Allemagne, Italie), ou obnubilés
par leur situation intérieure (la
Grande-Bretagne). Lui-même
fragilisé par la crise des gilets jaunes
mais protégé par les institutions,
Macron a préparé ce sommet avec
la conviction qu’il faut le faire
évoluer. S’il permet d’avancer sur
les grands dossiers dont le climat,
de sauver l’accord sur l’Iran ou de
mobiliser sur l’Afrique, ce G7 peut
renforcer sa stature internationale.

Giuseppe Conte


Italie. Le Premier ministre italien
sera-t-il à Biarritz? Démissionnaire,
il expédie les affaires courantes en
attendant que le président Sergio
Mattarella désigne son successeur.
Or Giuseppe Conte, dont le dernier
discours au Sénat a fait grosse
impression, pourrait être son
propre successeur. Que la crise
italienne s’enlise ou se dénoue d’ici
demain, les chances sont donc
grandes de voir Conte représenter
son pays. Avec quelle autorité et
quelle influence? C’est une autre
question. Instable, à l’arrêt
économiquement et en froid avec
Bruxelles, l’Italie est un des
hommes malades de l’Europe.

Angela Merkel


Allemagne. La chancelière est
encore au pouvoir pour deux ans
mais le temps n’est plus où elle était
la figure de proue de l’Union
européenne. Elle a abandonné la
direction de la CDU et son alliance
avec le SPD social-démocrate est
une coalition réduite aux acquêts et
sa majorité bien fragile devant
l’essor des Verts et sous pression de
l’extrême droite. L’économie
allemande, dépendante de ses
exportations et impactée par la
guerre commerciale sino-
américaine, n’est pas au mieux de
sa forme. La chancelière non plus,
en raison de crises de tremblement.
Mais Merkel reste une valeur sûre.

Donald Trump


États-Unis. Il vient au G7 mais
pourquoi faire? L’imprévisible et
brutal président américain avait
sabordé le dernier G7 canadien en
biffant sa signature du
communiqué final. Et tout le
monde sait que le multilatéralisme
dans les relations internationales
lui donne de l’urticaire. Il préfère le
bilatéral, que soit dans le conflit ou
la négociation. Les chances de le
voir rallier des majorités sur la
politique commerciale, l’Iran ou le
climat sont proches de zéro. Sa
rencontre avec le Britannique
Johnson sera scrutée. Et gare aux
tweets incendiaires postés avant
l’atterrissage à Bordeaux.

DÉFINITION. À l’origine, ils
étaient cinq : les États-Unis, le
Japon, l’Allemagne, la Grande-
Bretagne et la France. C’était
en 1974, le choc pétrolier frap-
pait de plein fouet le modèle
économique des démocraties
industrielles, et il fallait se con-
certer. À l’initiative de Valéry
Giscard d’Estaing, ce groupe in-
formel s’est organisé et a inté-
gré très vite deux autres parte-
naires : l’Italie, en 1975, et le
Canada, en 1976. Le « G7 » était
né avec une présidence tour-
nante et un sommet annuel. Ce
forum de discussions entre diri-
geants, sans budget ni secréta-
riat permanent, s’est élargi à la
Russie post-soviétique, en


  1. Mais ce « G8 » s’est brisé
    sur la crise ukrainienne de 2014
    et l’annexion de la Crimée par
    Moscou. Depuis, la Russie
    campe à la périphérie et son
    éventuel retour est de nouveau
    évoqué. Il semble dépendre
    d’une vraie détente en Ukraine.


Le G7, enfant du

choc pétrolier

2

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