Sud Ouest Sud-Gironde - 2019-08-23

(Romina) #1

Opinions Vendredi 23 août 2019SUD OUEST


La douceur du velours enveloppe
pour les Tchèques et les Slovaques
le souvenir de la révolution qui a
abattu le communisme à l’au-
tomne 1989. Tout l’inverse de la mé-
moire des Roumains, dont la joie
d’avoir été libérés de la dictature du
couple Ceausescu garde le goût du
sang et la tache d’un procès expédi-
tif assorti d’une exécution qui n’ont
pas permis de solder les comptes
du stalinisme.
La Tchécoslovaquie et la Roumanie
ont en commun d’avoir vécu sous
la férule de partis communistes fa-
rouchement hostiles à la « glasnost »
et la « perestroïka » de l’URSS du réfor-
mateur Gorbatchev. Comme Erich
Honecker (1912-1994) à Berlin Est, le
Tchèque Gustav Husak (1913-1991) et
le Roumain Nicolae Ceausescu (1918-
1989) font alors partie des « durs »
du bloc de l’Est. Pour les Tchécoslova-
ques, Husak est celui qui a tué l’es-
poir en éliminant, en 1968, le diri-
geant du Printemps de Prague,
Alexandre Dubcek, et ouvert la voie
à l’intervention des chars soviéti-
ques, vingt ans après le « coup de
Prague ».

Marée humaine à Prague
Nicolae Ceausescu, lui, incarne les
délires du culte de la personnalité,
de l’autoritarisme et le sinistre arbi-
traire de la Securitate, la police poli-
tique roumaine. À Bucarest et à Pra-
gue, la révolution gorbatchévienne
et la chute du Mur ont galvanisé
l’opposition démocratique et retiré
le tapis sous le pied de régimes os-

sifiés et coupés de la population. La
révolte est spectaculaire à Prague où,
une semaine après les événements
berlinois, une marée humaine en-
vahit la place Venceslas, clou d’une
saison de manifestations.
Depuis un an, la Tchécoslovaquie
se repenche sur sa fondation en
1918, l’instauration brutale du com-
munisme en 1948, l’écrasement du
« printemps » de
1968 et le suicide
patriotique de
l’étudiant Jan Pa-
lach. Ce bouillon-
nement est cana-
lisé par les intel-
lectuels dissidents
de la Charte 77,
dont émerge la
haute figure de
Vaclav Havel.
« Havel au château », clament les
manifestants dont l’insistance aura
raison des hésitations du drama-
turge qui va, en trois mois, passer
des geôles praguoises à la prési-
dence de la nouvelle République fé-
dérale tchèque et slovaque. Havel le
sage remplace en père de la nation
un Dubcek réhabilité, mais désor-
mais homme du passé.
Les tentatives du Parti commu-

niste tchécoslovaque pour s’accro-
cher au pouvoir, dans un pays où
ses racines sont réelles, font hésiter
l’histoire. Mais la vague est trop forte
et passe, sans effusion de sang. Tout
l’inverse de la Roumanie où les sou-
bresauts de la révolution, engagée
après la répression d’une manifes-
tation à Timisoara, le 17 décembre
1989, par la Securitate, feront plus de
1 000 morts.

La folle cavale des Ceausescu
Ceausescu, qui a convoqué quatre
jours après ses partisans à Bucarest,
a la surprise de voir le défilé se muer
en protestation anti-régime. C’est le
début, pour le dictateur et sa
femme Elena, d’une folle cavale qui
s’achève par un procès improvisé
dans une école. Leur exécution le
jour de Noël parachève l’effondre-
ment du bloc soviétique.
Christophe Lucet

« Havel au château », clament, en décembre 1989,
les manifestants sur la place Venceslas, à Prague. PHOTO ARCHIVES AFP

Révolution douce à Prague,


épilogue violent en Roumanie


À Prague et
à Bucarest, la
chute du Mur
a galvanisé
l’opposition
à ces régimes
ossifiés

« Bouquet de Tulipes ». La
sculpture du plasticien américain
Jeff Koons, qui avait fait polémi-
que, va commencer à être achemi-
née en pièces détachées d’Allema-
gne pour être montée près des
Champs Élysées à Paris. À l’origine,
cette œuvre avait été proposée
comme un hommage aux victi-
mes des attentats de 2015.

Si quelqu’un
ou un
bateau a besoin
d’être secouru, il
peut accoster. S’il
y a un problème
juridique, une
responsabilité
pénale, on en jugera
à terre.
Salvatore Martello, maire
social-démocrate de l’île
italienne de Lampedusa.

ÇA VA FAIRE
DU BRUIT

sud ouest.fr
Retours de vacances : Bison Futé annonce
un samedi rouge pour toute la France

Douze détenus ont été exécutés
aux États-Unis depuis le début de
cette année. La plus récente mise à
mort a été effectuée, mercredi, au
Texas. L’Alabama, la Géorgie, la
Floride et le Tennessee ont aussi
procédé à des exécutions en 2019.

12


La Russie a lancé Fedor, son premier robot humanoïde, vers la Station spatiale internationale
(ISS). Il doit servir de tests avant des missions plus risquées et plus lointaines. Fedor a décollé
à bord d’une fusée Soyouz, hier, depuis le cosmodrome russe de Baïkonour (Kazakhstan). PHOTO AFP

LA PHOTO DU JOUR


L’ANNÉE 1989 (18/18)
Un jour sur deux pendant
l’été, revivons quelques
événements d’une année
clé de l’histoire récente.

FIN DE LA SÉRIE


F


aut-il croire Boris Johnson quand il jure qu’un accord est
possible sur le Brexit d’ici le 31 octobre? Avouons qu’hier
à Paris comme la veille à Berlin, le Premier ministre bri-
tannique s’est montré conciliant face au tandem Merkel-Ma-
cron. Supposons même que son attitude d’ouverture n’était
pas de la simple politesse diplomatique, une denrée
d’ailleurs appréciable par les temps qui courent.
La difficulté avec « BoJo » est son aptitude bien connue des
Britanniques à défendre tout et son contraire, exercée depuis
son passé de chroniqueur de presse... à Bruxelles. Ce déficit
de sincérité s’est illustré durant son parcours de « brexiter » :
on se souvient que la victoire du « leave » au référendum de
juin 2016 l’avait laissé plus songeur que triomphant, comme
s’il pressentait les difficultés qu’il y aurait à convertir l’essai.
Maintenant installé au 10, Dow-
ning Street comme il en rêvait,
Johnson est au bord de la falaise,
et le royaume avec lui. À Londres,
il explique que pour sauter dans
le vide du « hard Brexit », nul be-
soin du « filet de sécurité » que
proposent les Européens. Est-ce si
sûr? À l’entendre, hier, à Paris, on
comprend qu’il ne serait pas con-
tre une bouée de sauvetage. Le
tout étant de savoir si l’on peut
bénéficier des avantages du mar-
ché unique sans en avoir les con-
traintes. La réponse de l’Union
reste et restera non.
Alors quel lapin « BoJo » peut-il
sortir du chapeau? Il est à craindre qu’il ne soit vide. Et que
l’objectif du successeur de Theresa May soit d’afficher sa
bonne volonté pour pouvoir, en cas d’échec prévisible, reje-
ter vers le continent la responsabilité des désagréments in-
évitables auxquels un départ sans accord expose les Britanni-
ques. A contrario, le ton tout aussi conciliant de Macron et de
Merkel pourrait aussi relever de ce « blame game » où l’essen-
tiel est de ne pas endosser le rôle du méchant.
On verra vite de quoi il retourne car la date fatidique du
Brexit approche. Entre-temps, il y a le G7 de Biarritz où John-
son fait son grand retour sur la scène internationale. Or, la sé-
quence très attendue, celle des embrassades entre Donald
Trump et « BoJo » sur l’autel d’un éventuel traité commercial
anglo-américain, pourrait encore éloigner la possibilité d’un
accord sur le Brexit en ancrant les Britanniques dans l’idée
qu’ils n’auraient rien à attendre de l’Europe. Et voilà com-
ment ce qui semblait absurde, à savoir le divorce brutal en-
tre partenaires de cinquante ans que tout devrait inciter à li-
miter les dégâts, s’est mué en hypothèse la plus plausible.


« BoJo » au bord


de la falaise


ÉDITORIAL


À Londres, Boris Johnson
dit qu’il n’a pas besoin
du filet de sécurité que
lui proposent les
Européens mais à Paris
et Berlin, le ton est plus
conciliant


Christophe Lucet


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UN ÉTÉ SUD-OUEST/1989, ANNÉE DE FLAMMES ET D’ESPOIR


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