Temps - 2019-08-27

(Martin Jones) #1

RAM ETWAREEA
t @ram


On craignait un lundi noir. La
journée a effectivement mal com-
mencé. Les Etats-Unis et la Chine,
qui se regardent en chiens de
faïence depuis plus d’une année,
ont surenchéri vendredi en bran-
dissant de nouvelles surtaxes
punitives sur les importations
réciproques. Ils n’avaient sur-
tout donné aucun signe de sor-
tie de crise, faisant redouter une
aggravation du conflit. Dès lors, les
bourses asiatiques ont tremblé, le
Nikkei cédant 2,17%, le Hang Seng
1,91% et Shanghai 1,51%. Dans le
même contexte d’incertitude, le
yuan s’est déprécié de 0,74% à 7,
pour un dollar, atteignant son plus
bas niveau depuis début 2008. Des
investisseurs ont cherché refuge
dans l’or. Le prix du baril de brut a
fléchi en anticipation du pire.
Puis, retournement de situation.
Les Chinois ont appelé au calme.
«Nous sommes résolument oppo-
sés à l’escalade de la guerre com-
merciale qui n’est bonne ni pour
la Chine, ni pour les Etats-Unis,
ni pour les peuples du monde», a
déclaré Liu He, le principal négo-
ciateur chinois lors d’une réunion
d’affaires lundi à Pékin. Le pré-
sident américain Donald Trump
a aussitôt fait savoir que les négo-
ciations allaient reprendre rapide-
ment. «Je pense qu’on va trouver
un accord, a-t-il lancé avant de quit-
ter Biarritz où il a participé au som-
met du G7 depuis samedi. Je peux
dire que nous avons des négocia-
tions très importantes, qui n’ont
jamais été aussi importantes.»


«Ouf» de soulagement
Dans une autre déclaration tou-
jours à Biarritz, le président amé-
ricain a toutefois ajouté: «Pékin
n’avait pas le choix et devait céder
aux pressions américaines.» Du
côté de la Chine, le porte-pa-
role de la diplomatie a dit ne pas
être au courant de conversations
entre Washington et Pékin. La
presse chinoise affirme que Pékin
maintenait sa position et rappelle
qu’aucune date n’a été fixée pour le
retour à la table des négociations.
Lors de leur dernière négociation
à Shanghai fin juillet, les deux par-


ties avaient convenu de se revoir
en septembre aux Etats-Unis.
Les marchés européens ont tout
de même poussé un «ouf» de soula-
gement lundi. Aux Etats-Unis, Wall
Street qui avait clôturé la séance de
vendredi dans le rouge vif a aussi
ouvert en vert, mais sans enthou-
siasme. Pour John Plassard, spé-
cialiste de l’investissement à la
banque Mirabaud à Genève, il n’y
a toutefois pas de quoi se réjouir.
«Parce que les déclarations faites
lundi n’annoncent de loin pas la
fin de la guerre commerciale, ana-
lyse-t-il. Les places financières, qui
réagissent à la moindre rhétorique
ou au moindre tweet du président
américain, n’ont bénéficié que d’un
répit.» Le stratège de Mirabaud, qui
suit le dossier de près, affirme qu’il

n’y a accord sur aucun point fonda-
mental. «Qu’on se le dise, il n’y en
aura pas avant les élections améri-
caines de 2020», prédit-il.
Mais Donald Trump se trouve-
t-il dans un moment de faiblesse
pour avoir fait deux concessions
tout récemment? La première
concerne le renvoi de la mise
en application des surtaxes pré-
vues pour le 1er septembre au

15 décembre sur toute une gamme
de produits de consommation.
Le second: le nouveau délai de
90 jours accordé aux entreprises
américaines pour pouvoir conti-
nuer à faire des transactions
avec Huawei et d’autres compa-
gnies technologiques chinoises.
Selon des observateurs, le pré-
sident américain, qui s’était tar-
gué en 2018 que les guerres com-

merciales étaient faciles à gagner,
aurait même éprouvé une cer-
taine peur d’un ralentissement
économique aux Etats-Unis en
2020.

«Pékin a tapé là où ça fait mal»
Pour John Plassard, le président
Trump a effectivement, pour la
première fois, montré un signe
de faiblesse. «Ses gestes ont été
perçus comme des concessions à
la Chine et un aveu que les tarifs
douaniers pouvaient bien avoir un
impact sur l’économie américaine,
poursuit-il. En annonçant des nou-
velles surtaxes vendredi, Pékin a
tapé là où ça fait mal: le consom-
mateur américain.»
Une autre annonce faite ven-
dredi par le locataire de la Mai-

son-Blanche a créé des remous à
Washington: son appel aux entre-
prises américaines installées en
Chine de délocaliser la produc-
tion dans d’autres pays, voire
aux Etats-Unis. Business Round-
table, puissante organisation faî-
tière américaine qui regroupe
les plus grandes entreprises, a
fait savoir que les conséquences
d’une telle décision seraient catas-
trophiques pour l’économie amé-
ricaine. «C’est sans doute un rai-
sonnement extrême fait sous
l’influence de Peter Navarro, son
consultant en matière commer-
ciale, fait comprendre John Plas-
sard. Une telle action n’est pas réel-
lement envisageable.» Le stratège
de Mirabaud estime qu’une déloca-
lisation d’Apple de Chine au Viet-
nam prendrait entre quatre à cinq
ans.

Trump n’est pas acculé
Le président américain, qui
brigue un nouveau mandat, ne se
retrouve pas pour autant acculé.
«Contrairement à ce que la majeure
partie des économistes pensent
et aussi bizarre que cela puisse
paraître, le grand vainqueur de
ce conflit commercial n’est autre
que Donald Trump», proclame
John Plassard. Selon lui, l’offen-
sive chinoise, sans raison, de ven-
dredi va renforcer l’unité nationale
et rassembler les Américains der-
rière le chef du gouvernement, peu
importe si c’est Donald Trump qui
a démarré les hostilités.
Si décélération de l’économie
américaine il y a, Donald Trump la
mettrait sur le dos des Chinois. Ou
sur celui de Jerome Powell, le pré-
sident de la Réserve fédérale amé-
ricaine (Fed). «En plaidant pour
une deuxième réforme fiscale, le
président américain ne lâche pas
la bride, poursuit notre interlocu-
teur. Puisque la Fed ne veut pas
baisser les taux, c’est lui qui prend
les devants et s’en va à la défense
des consommateurs.» Par ail-
leurs, il relève qu’une escalade
de la guerre commerciale sert les
intérêts du président: «Les hos-
tilités de vendredi ont immédia-
tement fait baisser le dollar, ce
qui est précisément l’un des sou-
haits les plus profonds de Donald
Trump.» n

«Les places financières, qui réagissent


à la moindre rhétorique ou au


moindre tweet du président américain,


n’ont bénéficié que d’un répit»
JOHN PLASSARD,SPÉCIALISTE DE L’INVESTISSEMENT À LA BANQUE MIRABAUD

A l’inverse des bourses asiatiques, les bourses européennes, à l’exception des places suisse et britannique, ont clôturé lundi en hausse profitant d’une accalmie sur le front
commercial après des propos jugés rassurants du président américain sur la Chine. Les marchés américains évoluaient dans le vert en milieu de séance. (AHN YOUNG-JOON/AP)

+2,5%


EMS-CHEMIE A ACCRU SON BÉNÉFICE NET
AU PREMIER SEMESTRE 2019.
Le fabricant grison de polymère et autres
spécialités chimiques a dégagé un résultat net de
266 millions de francs, 2,5% de plus qu’au cours
des six premiers mois de l’année dernière.

KYRIAKOS MITSOTAKIS
Premier ministre grec
Le dirigeant a annoncé
lundi la levée de toute
restriction sur le contrôle
des capitaux placés dans
les banques grecques à
partir du 1er septembre.
Cette mesure avait été
imposée il y a quatre ans.

Calme précaire dans la guerre commerciale

NÉGOCIATIONS Alors que les tensions entre Pékin et Washington sont montées de plus d’un cran vendredi, Donald Trump s’est montré


un brin conciliant, ce qui a fait éviter un lundi noir aux bourses européennes et américaines


SMI
9715,
–0,30%

l


Dollar/franc 0,9780 k


Euro/franc 1,0868 k
Euro Stoxx 50
3348,
+0,44%

k


Euro/dollar 1,1113 l


Livre st./franc 1,1964 l


FTSE 100
7094,
–0,47%

l


Baril Brent/dollar 59,22 l


Once d’or/dollar (^1503) k


Economie&Finance


CYPRIEN CADDEO
t @Caddeo_Cyprien


«Depuis que j’ai commencé à utiliser Bat-
maid, j’ai plus de temps pour mon nou-
veau-né.» Lorsqu’elle se met au service
d’une marque, Martina Hingis ne fait pas
les choses à moitié. L’ex-reine des courts
est la nouvelle ambassadrice de la plate-
forme vaudoise. «Un contrat sur plusieurs
années», d’après Andreas Schollin-Borg,


directeur général et cofondateur de Bat-
maid qui, en cinq ans, s’est imposé comme
l’Uber du ménage à domicile.
Avec ses 25 titres de Grand Chelem,
Martina Hingis collectionne les trophées
mais aussi les contrats marketing. On se
souvient, en 2016, de sa campagne pour
les brosses à dents Curaten, ou encore,
en 2004, des publicités où elle prêtait son
image aux machines à laver V-Zug.
La nouvelle égérie de Batmaid arrive à
un moment délicat. Pour cause, l’entre-
prise a vécu un été compliqué, entaché
de critiques sur les conditions de travail
qu’elle peut offrir. Dans un reportage
de la RTS daté de juillet, des anciennes
employées témoignent de journées à ral-

longe et de rythmes de travail effrénés. Et
fustigent l’impossibilité de cotiser pour
la LPP.

Accrochage avec Unia
Au cœur du problème: le statut de Bat-
maid. Le syndicat Unia souhaite que la
société se soumette aux conditions de
travail prévues par les conventions col-
lectives. «C’est un employeur, il y a des
contrats d’assurance sociale au nom
de Batmaid, rappelle Aldo Ferrari, le
vice-président d’Unia Suisse. Il lui faut
respecter les accords de branche: il en va
de l’égalité de traitement des salariés et
de la concurrence loyale envers les entre-
prises de nettoyage.»

Batmaid estime, quant à elle, être une
plateforme de mise en relation de ser-
vices, mais pas l’employeur des 1700 net-
toyeuses qu’elle fait travailler. Une confi-
guration similaire à celle qui lie Uber à ses
chauffeurs.
Andreas Schollin-Borg cherche tou-
jours à agrandir sa société et veut faire
de la campagne avec Martina Hingis
la plus grande de l’histoire de la plate-
forme, avec un déploiement «sur toute la
Suisse». Doit-on y voir un coup marketing
pour se relancer? «Pas du tout, répond
l’intéressé. La campagne autour de Mar-
tina Hingis ne part pas d’une volonté de
redorer notre blason, car contrairement à
ce que dit Unia, nous n’avons rien à nous

reprocher. De plus, cela fait plus de six
mois que nous la préparons.»
Le cofondateur de la plateforme, qui
appuie sa communication sur la lutte
contre le travail non déclaré, espère ren-
voyer une image positive des femmes de
ménage: «Elles sont malheureusement
trop souvent invisibilisées. Nous, nous
les comparons à de grandes sportives.
C’est pour cela que nous voulions les
mettre en parallèle avec une athlète
comme Martina Hingis.» Le bras de
fer avec Unia, qui devrait se poursuivre
cet automne, pourrait contrecarrer ses
plans. D’autant que les élections fédé-
rales fourniront un cadre idéal pour poli-
tiser le dossier. n

Sous pression, Batmaid s’offre Martina Hingis


MARKETING L’ex-numéro 1 mondiale
du tennis prête son image à la plateforme
de ménage à domicile, alors que cette
dernière essuie des critiques de la part
du syndicat Unia et d’ex-nettoyeuses

13,4 milliards


LA BIOTECH AMGEN A ACHETÉ LES DROITS DU
TRAITEMENT DU PSORIASIS OTEZLA À LA PHARMA
CELGENE POUR 13,4 MILLIARDS DE DOLLARS.
L’opération va permettre à cette dernière de sceller
sa fusion avec Bristol-Myers Squibb, estimée
à 74 milliards de dollars.

MARDI 27 AOÛT 2019 LE TEMPS
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