Temps - 2019-08-27

(Martin Jones) #1
LE TEMPS MARDI 27 AOÛT 2019

2 Hyperlien


C



est en grande pompe et en juillet
que le ministre de l’Economie a
obtenu sa taxe sur les GAFA pour
la France. Ce pays merveilleux où,
comme chacun le sait, les finances
publiques brillent par leur rachi-
tisme. Le fond de l’affaire était entendu.
Quand une société
américaine gagne de
l’argent, Bercy tousse.
Quand elle ne lui verse
pas d’impôts, Bercy
s’étouffe. Mais Bercy
sera sauvé, grâce à la
taxe GAFA. Un nouvel
impôt de 3% frappera
le chiffre d’affaires de
ces horribles sociétés
dont le grand défaut
est d’avoir réussi là où
le Minitel et le Bi-Bop
ont échoué: inventer un
monde connecté.
O rage! ô désespoir!
Les grands docteurs ès impôts n’ont pas su
anticiper la réplique. A la surprise générale,
Amazon reportera les 3% sur ses «parte-
naires», soit des petits commerçants bien
français qui profitent de la plateforme amé-
ricaine pour y gagner leur vie. Et qui sup-
porteront désormais une nouvelle charge
dont ils se seraient bien passés. Le géant
américain échappera, quant à lui, à ces vel-
léités toutes populistes qui consistent à faire
croire que lorsqu’une entreprise est impo-
sée, la facture n’est pas payée par le client
ou le salarié.

Ne rions pas trop du malheur de nos voisins.
En Suisse, c’est l’Office fédéral de la culture
qui s’est lancé dans la taxation aventureuse
des méchants du numérique. Ils veulent ainsi
prendre à Netflix et à ses concurrents 4%
de leurs revenus. Pour le cinéma indigène.
Quand la cause est noble, tous les moyens
sont bons.
Pour n’avoir pas su
inventer une plateforme
à succès, pour n’avoir
pas trouvé de réponse
intelligente au piratage,
l’OFC va punir les esprits
inventifs qui l’ont réali-
sée sans s’encombrer
des conseils avisés des
fonctionnaires de la
culture. Et bien entendu,
le Père Noël n’existant
pas, la taxe sera payée
par les abonnements
des vilains clients qui
ont l’audace de ne pas
se contenter de la production publique.
Quand on taxe le lait, ce n’est pas la vache
qui paie l’impôt. Cette formule amusante
illustre assez bien l’absurdité du raisonne-
ment des politiques qui se persuadent au
quotidien qu’il ne manque qu’une dernière
taxe, qu’une dernière loi pour atteindre le
bonheur. Et qui malheureuse-
ment l’adoptent.

PHILIPPE NANTERMOD
CONSEILLER NATIONAL (PLR/VS)
t^ @nantermod

Une idée, une remarque ou une critique? [email protected]


«Quand on taxe


le lait, ce n’est pas


la vache qui paie


l’impôt»


Don Quichotte


contre Netflix


CONFÉRENCE


DE CONCILIATION


POURQUOI «LE TEMPS MONTE SUR SCÈNE»


DIX MEMBRES DE LA RÉDACTION, HOMMES ET FEMMES, VONT BIENTÔT SE PRODUIRE


SUR LES SCÈNES DE SUISSE ROMANDE. VOICI LA GENÈSE DU PROJET


C


ertains d’entre vous s’étonneront
peut-être de découvrir dans nos
pages digitales ou papier des invi-
tations à venir voir, dès le 18 sep-
tembre, Le Temps se produire sur
les scènes romandes.
Mais quelle mouche a donc piqué ces
journalistes de presse écrite pour qu’ils
décident de s’aventurer ainsi dans les ter-
ritoires de l’oralité; pour qu’ils posent
leur plume ou leur clavier et se lancent
dans des récits journalistiques en direct
et face public?
Cela ne s’est pas fait du jour au lende-
main: Le Temps monte sur scène a une
histoire. Ce spectacle a pour origine un
constat simple. Lorsque des journalistes
revenaient de reportage et racontaient
leurs aventures autour de la machine
à café, la rédaction était en haleine.
L’intéressé répétait maintes fois le récit
de ses exploits, grands ou petits, et ses
collègues en profitaient tour à tour.

LE SEL DE L’AFFAIRE
Et les lecteurs? Certes, ils avaient droit à
une série de papiers fournis et documen-
tés. Mais parfois, les anecdotes périphé-
riques, les atmosphères, les ambiances
de coulisse, les situations cocasses ou
gênantes, bref le sel de l’affaire, faute de
place ou par pudeur, n’étaient plus per-
ceptibles dans les articles.
D’où l’idée d’organiser à la rédaction des
conférences où les journalistes, revenant
de pays sous les feux de l’actualité, racon-
teraient leurs aventures au lecteur avec la
même verve qu’à la cafétéria. Aussi, par

exemple, Boris Mabillard, de retour de
Syrie, s’était-il prêté à l’exercice devant
quelques lecteurs.
Puis, un rédacteur en chef tomba par
hasard sur une affiche de Live Magazine,
un spectacle, organisé comme un journal,
et qui mettait en scène des journalistes.
Et l’idée germa d’en faire plus.
En 2018, le quotidien fêtait ses 20 ans.
La rédaction s’est mise à imaginer dif-
férentes manières de marquer le coup.
Nos voisins français du Monde venaient
de tenter l’aventure de Live Magazine.
Le concept, ramené des Etats-Unis par
Florence Martin-Kessler, une ancienne
journaliste, fait la part belle aux récits du
réel et invitait des reporters, enquêteurs,
chroniqueurs, photographes mais aussi

correcteurs ou éditeurs à partager en
direct leurs histoires les plus étonnantes.
Rentrés épatés de Paris, où ils étaient
allés voir leurs collègues du Monde brûler
les planches, un groupe de journalistes
du Temps ont donc contacté Florence
Martin-Kessler. Elle est venue à Lausanne
avec son équipe aider Le Temps à mon-
ter, à son tour, un Live Magazine. Cela
donna deux représentations en mars
2018, à L’Octogone à Pully puis à la Salle
Pitoëff de Genève.
Parmi les spectateurs genevois, le met-
teur en scène et codirecteur de la Comédie,
Denis Maillefer, s’est immédiatement inté-
ressé au projet. Quant à la rédaction du
Temps, galvanisée par ce premier exercice,
elle souhaitait elle aussi recommencer.

Après à peine une heure de discussion, l’af-
faire était entendue: un partenariat entre
le théâtre de la Comédie et la rédaction du
Temps s’est constitué pour organiser un
spectacle et une tournée de journalisme
vivant. Voilà l’histoire du Temps monte sur
scène. Une telle aventure ne saurait reposer
sur les seules épaules d’un théâtre et d’un
quotidien: le spectacle bénéficie donc du
soutien de la Fondation Jan Michalski pour
l’écriture et la littérature, la Manufacture
Zénith et le Gruyère AOP. 

UN RETOUR AUX FONDAMENTAUX
Au-delà de la pure chronologie,
cette démarche s’inscrit aussi dans le
contexte plus vaste de la crise de l’im-

primé. Ces dernières années, les rédac-
tions n’ont cessé d’acquérir – contraintes
ou enthousiastes – de nouvelles com-
pétences. Il a fallu apprendre à écrire
pour le web, domestiquer de nouveaux
outils, inventer de nouveaux types de
récits, se mettre à parler à des micros,
à des caméras, mettre en images ou
même en chiffres, avec le développe-
ment du data journalisme. Monter sur
scène fait partie du même mouvement
qui pousse à explorer des formes nou-
velles pour répondre aux difficultés des
vieux médias.
Parce qu’il est incarné, parce qu’il est
éphémère, parce qu’il est oral, le spectacle
de journalisme est aussi une manière de
revenir aux fondamentaux. Il y a là une
part de retour aux origines, aux histoires
que les hommes et les femmes se trans-
mettent les uns aux autres depuis tou-
jours. C’est encore des retrouvailles avec
la présence, le corps, la voix, avec la fragi-
lité première de tout récit qui, dépouillé
des artifices et des tyrannies contempo-
raines, met en jeu aussi bien l’auditeur
que celui qui parle.

ÉLÉONORE SULSER
t @eleonoresulser

Le Temps monte sur scène
A la Comédie de Genève, le 18 septembre.
Au Théâtre de Valère à Sion, le 23 septembre.
A Lausanne, au Théâtre de Vidy, le 26 septembre.
Au TPR à La Chaux-de-Fonds, le 27 septembre.
A Fribourg à Nuithonie, le 9 octobre et à
Porrentruy, le 17 octobre, à la salle de l’Inter.
Renseignements: http://www.letemps.ch/spectacle

«Le Temps», à retrouver aussi sur les planches. (LE TEMPS)

LA CITATION


«Dommage


qu’il n’y ait pas


une femme


parmi eux!»


UNE LECTRICE, CHRISTINE
CREVOISIER, À PROPOS
DE NOTRE INFOGRAPHIE
INTERACTIVE «LES GRANDS
PATRONS DE LA PETITE SUISSE»

HTTP://LETM.PS/PATRONS-SMI

JOURNÉE DU DIGITAL


A qui faites-vous le plus confiance
pour vous informer, aux médias ou à
vos réseaux? Qu’appréciez-vous, ou
pas, dans le travail actuel des médias
sur leurs nouvelles plateformes? Que
pourraient faire les médias pour mieux
répondre à vos attentes? A l’occasion
de la Journée du digital, le 3 septembre,
«Le Temps», l’Académie du journa-
lisme et des médias de l’Université de
Neuchâtel, l’École polytechnique fédé-
rale de Lausanne et la Radio Télévision
Suisse organisent, avec le soutien de
l’Initiative pour l’innovation dans les
médias (IMI) un débat sur les liens entre
médias et société à l’ère du numérique,
lors d’une discussion publique au Rhino
Féroce, à Lausanne. LT
RENSEIGNEMENTS:
WWW.LETEMPS.CH/EVENEMENTS

ET PHILIPPE


JACCOTTET?


JOSÉ-FLORE TAPPY, LAUSANNE
J’ai lu avec intérêt la page consacrée aux Ateliers de
reliure Babouot, où se fabriquent les volumes Pléiade (LT
du 24.08.2019). Et j’ai été fort surprise que dans l’enca-
dré consacré aux «Suisses de la Pléiade» ne figure pas
Philippe Jaccottet! Ayant dirigé l’édition de ses «Œuvres
parues à la Pléiade en 2014, et au nom de mes collabora-
teurs, je m’étonne de cet oubli – un lapsus magnifique...
Seul poète de votre liste, et seul auteur vivant!

L’I. A. POUR


REMPLACER BIARRITZ?


PIERRE ALAIN, COLOGNY
Assujetti aux directives des puissants réunis en G7,
suis-je la proie des flammes ou des ombres agitées par
ces élus et leurs acolytes qui me manipulent (directe-
ment ou non)? Dans ma caverne allégorique où je tourne
le dos au soleil de Genève pour observer celui de Biarritz
qu’on me projette à la télévision, suis-je moins éclairé
sur les grandes réalités de la vie et de notre planète que
les gouvernants politiques eux-mêmes? Que l’on me
trompe ou non, volontairement ou pas, de ce leurre je
vais composer une musique, peindre un tableau, écrire
une chanson, traduire mes ressentis. Créer. Quant à
rêver d’un monde plus juste et mieux équilibré, je m’en
remettrais volontiers à un gouvernement mondial débar-
rassé de tout ego (humain). Une Intelligence artificielle
«faible», désintéressée de tout privilège personnel, dans
laquelle seraient rentrés d’abord les tenants et aboutis-
sants fonctionnels de l’état actuel de notre planète. Ce
système me semblerait le moins imparfait de tous. On
pourrait déjà le modéliser et le proposer aux quidams
que sont en général les Terriens, pour en décider de
l’orientation qui ne devrait être le monopole de personne.
La libération sans révolte des prisonniers de la caverne
de Platon n’aura lieu que par la consultation. Quand ils
se seront retournés, les humbles quidams traceront de
nouveaux chemins qui conduiront à la Lumière.

COURRIER


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