Echos - 2019-08-28

(lily) #1

Laurent Marcaillou
— Correspondant à Toulouse


L


’abattage et la replanta-
tion [des arbres] d u
canal du Midi représen-
teront 200 millions
d’euros sur dix ans ;
l’Etat s’engage pour 70 millions, les
collectivités pour un tiers aussi, et il
faut solliciter les entreprises [...] et les
particuliers amoureux du canal »,
avait annoncé l’ancienne ministre
de l’Ecologie Nathalie Kosciusko-
Morizet (LR) en lançant fin 2011 à
Trèbes (Aude), la campagne de
remplacement des platanes déci-
més par le chancre coloré, un
champignon microscopique.
Devant la propagation de la
maladie, qui défigure le canal et ris-
que de lui faire perdre son inscrip-
tion au patrimoine mondial de
l’Unesco, Voies navigables de
France (VNF) a décidé de remplacer
les 42.000 platanes qui font le
charme de la voie d’eau construite il
y a 350 ans entre Toulouse et Sète.
Les arbres malades et leurs voisins
sont coupés et brûlés sur place. Les
berges sont renforcées et d’autres
essences sont plantées comme le
chêne chevelu, l’érable, le tilleul
argenté, le micocoulier, le peuplier
blanc et le pin parasol. Mais on est


mécènes et 70 % des donateurs
sont en Occitanie. « Il est difficile de
récolter des dons au-delà de la
région, car le canal du Midi n’est pas
un symbole universel, même s’il est
inscrit à l’Unesco depuis 1996 »,
admet Laurent Adnet, chef de la
mission mécénat de VNF. Cette
année, le premier donateur est la
Mission Patrimoine avec
120.000 euros. Le promoteur tou-
lousain Promomidi (Caisse d’Epar-
gne Midi-Pyrénées) finance, lui, la
plantation d’un arbre pour chaque

logement construit en 2019. « Ça
entre dans n otre p olitique RSE, c ar la
construction crée des contraintes »,
déclare son directeur général,
Jean-Noël Labarrère.
Depuis 2013, 12.000 particuliers
ont apporté 1,2 million d’euros, sou-
vent en plusieurs fois. Les dons, en
moyenne de 65 euros, sont arrivés
majoritairement par Internet. VNF
a privilégié le marketing direct,
mais a a ussi mené deux campagnes
de mécénat participatif. « Ce n’est
pas notre collecte prioritaire, mais il

est intéressant, car il fait du buzz
auprès du grand public », explique
Laurent Adnet. Il lancera une nou-
velle campagne de mécénat partici-
patif en 2020 pour financer
900 nichoirs pour les chauves-sou-
ris et les rolliers d’Europe.
VNF tente de mobiliser les habi-
tants. Après trois courses à pied qui
ont rassemblé 1.500 personnes
dans la Ville rose, il organise depuis
deux ans un Pique-Nique des chefs,
à la cale de Radoub, à Toulouse. Le
dernier avec Franck Putelat, chef

double étoilé de Carcassonne, a
réuni 20.000 euros le 18 mai. Mais
les dons des particuliers ont baissé
de 9 % en 2018 , à 350.000 euros.
L’Etablissement public a en tous cas
appris à faire du fundraising et
lance maintenant des appels aux
dons pour d’autres projets !n

Denis Meynard
—Correspondant à Saint-Etienne


La percée de Nigay sur le marché
de caramels colorants de type
E150d pour les colas a conduit
l’entreprise familiale à investir
sur 2018-2019 une vingtaine de
millions d’euros dans la cons-
truction d’une nouvelle usine à
Nesle (Somme), sur un terrain de
5 hectares aux importantes pos-
sibilités d’extension.
De quoi sécuriser la produc-
tion et accroître les capacités du
site historique de Feurs (Loire),
qui approche de la saturation et
où 2 millions d’euros vont être
consacrés à un nouvel espace de
stockage et à un bassin de pré-
traitement des effluents de
3.000 mètres cubes.


R&D et contrôle qualité
Pour faire progresser l’entreprise
créée en 1855, Henri et Yves Nigay,
représentants de la cinquième
génération, ont financé des tra-
vaux de recherche de type Cifre.
Depuis 2017, environ 3,5 millions
d’euros ont été consacrés à
l’extension et à la modernisation


HAUTS-DE-
FRANCE


L’entreprise familiale
de Feurs (Loire),
dont la croissance est
actuellement tirée
par le marché des
boissons, réalisera
désormais une partie
de sa production dans
les Hauts-de-France.


des laboratoires de R&D et de
contrôle qualité sur le site foré-
zien. Une douzaine de cabines
d’analyse sensorielle ont, par
ailleurs, été créées pour tester des
panels de nouveaux produits
dans des délais courts ou con-
tretyper ceux de la concurrence.
« Des simulateurs de pilotage de
fours ont été installés pour former
les nouveaux arrivants, sans pren-
dre le risque de perturber la pro-
duction », ajoute Henri Nigay.

Choix logistique
Le choix des Hauts-de-France
pour la nouvelle unité permet le
rapprochement d’un des fournis-
seurs de matière première : le
groupe Tereos, qui y achemine
directement par « pipe » (con-
duite), le sirop de glucose. Cette
localisation réduit aussi la dis-
tance de livraison des produits
finis en direction des grands p orts
du nord de l’Europe. « Dans
l’attente du futur canal Seine-
Nord », souligne le dirigeant.
Après un an et d emi d e travaux,
le géant européen des caramels
aromatiques et colorants pour
l’agroalimentaire a donc mis en
service courant mai un premier
cuiseur à Nesle. Il sera suivi d’un
second en 2020, pour y atteindre
une production de 15.000 tonnes
par an.
Sur le site de la Loire, où tra-
vaille l’essentiel des 250 salariés,
elle s’est élevée l’an dernier à
68.000 tonnes sous formes
liquide, pâteuse, poudre et éclats
solides. En progression régulière,
le chiffre d’affaires, réalisé pour
près des deux tiers à l’export,
atteint quant à lui 65,5 millions
d’euros.n

Nigay sécurise


sa production de caramel


Vichy va racheter son domaine thermal à l’Etat


Sylvie Jolivet
— Correspondante
à Clermont-Ferrand

En quelques semaines, la gouver-
nance des activités thermales de
Vichy (Allier) a été bouleversée.
Début juin, France Thermes repre-
nait la Compagnie de Vichy, qui,
depuis 1853, au fil de 6 contrats suc-
cessifs, est concessionnaire de
l’Etat, propriétaire du domaine
thermal. Puis, fin juillet, dans un
courrier adressé à Frédéric Agui-
lera, maire de Vichy, le ministre de
l’Action et des Comptes publics,
Gérald Darmanin, annonçait son
« accord pour la cession du domaine
thermal de Vichy à [sa] commune »
en 2020, au prix proposé par la ville,
soit 25 millions d’euros.

« Une étape historique »
« C’est une étape historique que nous
attendions tous. Cette cession per-
mettra à la ville de maîtriser son ave-
nir thermal en étant l’interlocuteur
unique de la Compagnie de Vichy »,
s’est aussitôt réjoui Frédéric Agui-
lera, soulignant que l’Etat accède à
la demande formulée par les édiles
depuis au moins trente ans. La
convention signée par l’Etat et la
Compagnie de Vichy en 198 8, qui
reconduit la concession jusqu’au

AUVERGNE-
RHÔNE-ALPES

Selon le maire
de Vichy et le prési-
dent de la Compagnie
de Vichy, le retrait
de l’Etat va rapprocher
le propriétaire du
domaine thermal de
son concessionnaire.

Le remplacement des platanes


malades du canal du Midi


devait être financé par l’Etat,


les collectivités locales


et le mécénat. Devant la modestie


des contributions, l’Etat paie la


quasi-totalité de la facture estimée


à 200 millions d’euros.


6
Demain Dans la Vienne,
25 .000 donateurs sauvent
un palais néogothique

Voies navigables de France a décidé de remplacer les 42.000 platanes qui font le charme du canal du Midi. Photo Pascal Guyot/AFP

Dates clefs


2006 Un
premier foyer
de chancre
coloré est découvert
sur les platanes.
2011 Campagne
de replantation
estimée à 200 millions
d’euros.
2019 Depuis 2006 ,
VNF a abattu
23 .400 platanes
et replanté
10.400 arbres,
pour un coût
de 60 ,4 millions
d’euros.

31 décembre 2030, sera intégrale-
ment transférée à la ville. Et avec
elle la redevance annuelle de quel-
que 1,7 million d’euros. Selon Frédé-
ric Aguilera, l’achat du domaine
thermal « ne pèsera pas sur les finan-
ces de la ville. En effet, l’annuité
d’emprunt sera intégralement cou-
verte par la redevance de l’exploitant.
De plus, la commune mobilisera des
subventions. »
Le domaine thermal de Vichy
sera le dernier cédé par l’Etat à une
collectivité locale. Pour Frédéric
Aguilera, cette exception a « mis
l’activité thermale en grande diffi-
culté. Celle-ci rapporte de moins en
moins à l’Etat, qui n’a plus, depuis
des années, f ixé une s tratégie. C ’est un
bien public sans contrôle des objec-
tifs ». Sylvain Serafini, PDG de
France Thermes, ajoute : « Un
contrat de concession doit être ajusté

en permanence. Ce que l’Etat, qui est
loin du sujet et dans une logique de
gestion administrative, a du mal à
faire. Or les décisions ne peuvent pas
être prises par le seul délégataire. »

Investissements
complémentaires
D’accord sur le constat, les deux
futurs partenaires affichent leur
volonté d’y remédier et de travailler
ensemble. Deux dossiers sont déjà
abordés par leurs équipes : la candi-
dature de Vichy à une inscription au
Patrimoine mondial de l’Unesco et
le lien entre le développement de
l’activité thermale et la politique de
la ville en matière d’économie du
sport. S’appuyant sur l’expérience
de France Thermes à Bagnoles-
de-l’Orne (Orne), Sylvain Serafini
souhaite la création d’organes de
gouvernance permanents asso-

ciant la société thermale et la ville
pour garantir l’interaction de leurs
décisions stratégiques. Outre les
biens liés au thermalisme – sources,
thermes, hôtels... –, le domaine ther-
mal de Vichy comprend des élé-
ments patrimoniaux parmi les-
quels le parc des Sources. Ce hall de
4,5 hectares, qui est situé au cœur de
la ville et abrite des galeries couver-
tes, des buvettes d’eau thermale, un
kiosque à musique... a été peu entre-
tenu par l’Etat. Au grand dam des
Vichyssois. Cet ensemble « doit en
urgence être réhabilité », affirment
les élus, qui ont déjà lancé des étu-
des préalables et prévoient un inves-
tissement de 10 à 15 millions d’euros.
D’autre part, une réflexion va être
menée sur l’avenir des anciens
Grands Thermes. « Ce bâtiment
pourrait devenir un espace muséo-
graphique », suggère le maire.n

Outre les biens liés au thermalisme – sources, thermes, hôtels... –, le domaine thermal de Vichy
comprend le parc des Sources. Photo Ville de Vichy, L.Planke

loin du schéma de financement
évoqué en 2011. Sur les 60,4 millions
d’euros dépensés depuis le début
pour l’arrachage de 23. 70 0 plata-
nes, la réfection de 25 kilomètres de
berges et la plantation de
10.4 00 arbres, VNF a apporté
52,2 millions d’euros, les collectivi-
tés seulement 2,5 millions et le
mécénat 5,7 millions. Sur ce mon-
tant, 4,5 millions ont été donnés par
75 entreprises et 1,2 million par des
particuliers, avec des d ons d éfiscali-
sés à 60 et 66 %. L’Etat paie donc la
quasi-totalité de la facture.

Marketing direct
Le mécénat n’a fourni que 10 % des
ressources malgré les campagnes
de dons menées depuis 2013 par
VNF et la création d’un club de 63
entreprises mécènes. La banque
HSBC France a apporté plus de la
moitié des dons en versant 3 mil-
lions d’euros entre 2015 et 2017,
dans un contexte exception-
nel. « Pour ses 150 ans, le groupe a
décidé d’attribuer 150 millions de
dollars de mécénat dans le monde à
l’éducation, à la santé et à l’environ-
nement, et VNF a été le premier béné-
ficiaire en France », raconte Marine
de Bazelaire, directrice du dévelop-
pement durable de HSBC France.
De plus, 90 % des entreprises

LES CITOYENS INVESTISSEURS


SÉRIED’ÉTÉ

Les platanes du canal du Midi cherchent mécènes


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Les Echos Mercredi 28 août 2019 PME & REGIONS// 21

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