Echos - 2019-08-28

(lily) #1

L


es dimanches soir
donnent des idées
noires. Du moins ceux
que Matignon a consacrés, en
juin et juillet, à la question des
retraites. A tour de rôle, les
ministres ont été invités à
écourter leur week-end, de
18 à 20 heures, pour plancher
sur la future réforme. Terrain
déblayé? Tout le contraire,
champ de mines constaté.
L’exercice a soudain ouvert
les yeux et créé ce sentiment
partagé : mais qu’allons-nous
donc faire dans cette galère?
La réforme à points est certes
une promesse de campagne,
mais elle sera terriblement
compliquée à mettre en
œuvre, elle constitue une
poudrière tant elle crée de
perdants et elle ne résout pas
seule la question financière.
Quelle est donc sa vraie utilité,
se sont demandé à bas bruit
des poids lourds macronistes?
Et si on prenait plus de temps,
ont risqué certains auprès
du chef de l’Etat? « Le temps
de bien expliquer la justesse
de cette transformation en ferait
une excellente réforme de début
de second quinquennat », a
même tenté Richard Ferrand,
le président de l’Assemblée.
Peine perdue : « non », fut la
réponse. Emmanuel Macron
tient à cette réforme, et pas
seulement parce qu’il s’y est
engagé. Plus que toute autre,
elle lui ressemble, ou plutôt
ressemble au président qu’il

LE FAIT
DU JOUR
POLITIQUE

Cécile
Cornudet

partie. Ce ne sera pas le cas de
Marion Maréchal, dont la venue,
envisagée fin juin, a été annulée.
La volonté est claire : donner
l’image d ’un Medef renouvelé, plus
en phase avec la société et pas seu-
lement arc-bouté sur les baisses de
charges sociales, des impôts de
production ou des dépenses publi-
ques... mais il y aura tout de même
l’essayiste Alain Minc à la tribune.
Cette université d’été new-look
constitue l’aspect le plus visible des
changements engagés, lentement
mais sûrement, par Geoffroy Roux
de Bézieux depuis son élection à la
tête de l’organisation. Durant sa
campagne, il avait insisté sur le ris-
que mortel qui pesait sur le Medef
en cas de statu quo. Il a aussi
réformé les statuts, le changement
le plus structurant à ce stade. Réé-
quilibrage des pouvoirs entre fédé-
rations professionnelles et Medef

territoriaux (les premiers assurant
l’essentiel des cotisations), d’un
côté, restructuration budgétaire
(avec l’abandon programmé des
financements publics ou paritai-
res), de l’autre : les adhérents ont
approuvé à la quasi-unanimité
cette nouvelle donne, signe d’un
climat interne apaisé.

Poids grandissant de l’Etat
Le changement porte aussi sur le
mode d ’élection de s on successeur,
jugé plus démocratique. Sans
oublier un engagement en faveur
de la parité économique : les fem-
mes représentant 30 % des diri-
geants d’entreprise, elles doivent
occuper (au moins) le même pour-
centage au sein des postes déci-
sionnels, c e qui est loin d’être le cas.
« Il a plutôt bien réussi », juge le
patron d’une fédération sous cou-
vert d’anonymat, qui loue la capa-

cité de Geoffroy Roux de Bézieux à
« incarner une image moderne et à se
positionner sur des sujets de société
sans sombrer dans la com ». Il s’est
en tout cas démarqué de son prédé-
cesseur, Pierre Gattaz, aux déclara-
tions souvent à l’emporte-pièce.
Pour autant, le Medef, tout
comme les autres partenaires
sociaux, doit compter avec le poids
grandissant de l’Etat, qui leur
enlève réforme après réforme leur
pouvoir d’édicter la norme sociale.
Loin d’être un partisan des gran-
des négociations interprofession-
nelles, Geoffroy Roux de Bézieux
n’y trouve pas plus à redire que
cela. C’e st dans ce contexte aussi
qu’il faut analyser l’ouverture vers
la société civile. Mais les fonda-
mentaux demeurent : l’avenir de
l’organisation dépendra de sa
capacité à servir au mieux les inté-
rêts de ses adhérents.n

Le Medef se tourne


vers la société civile


Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a souhaité moderniser l’université d’été
de l’organisation en ouvrant les débats à de nombreuses personnalités de la société civile.

arme factice au lycée Edouard-
Branly de Créteil (Val-de-Marne), à
l’automne d ernier. Un déferlement
de réactions d’enseignants racon-
tant des exemples de violences
subies et étouffées par leur hiérar-
chie avait vu le jour sur les réseaux
sociaux.

« Accompagnement
très renforcé »
Le ministre a insisté mardi sur des
mesures « à visée évidemment édu-
cative », évoquant « le soutien sco-
laire » et un « accompagnement très
renforcé de tout professeur qui a pu
pâtir d’un fait de violence, physique
ou verbal ».
Florence Delannoy, proviseure
à Lille et secrétaire générale
adjointe du SNPDEN, le principal
syndicat des chefs d’établisse-
ment, salue notamment « le nou-
vel essai de traitement des élèves
polyexclus ». Ils sont 1.500 à être
renvoyés d’établissement en éta-
blissement. « Ils sont peu nom-
breux mais peuvent pourrir la vie
d’un établissement et leur propre
avenir », affirme-t-elle.

Ces élèves « vont faire l’objet d’un
suivi particulier », a promis Jean-
Michel Blanquer. Avec, à la clef, un
protocole de responsabilisation
des parents « pour remettre l’élève
dans le droit chemin » et éventuelle-
ment l’envoyer « dans des internats
tremplin ». Florence Delannoy se
félicite de cette « coéducation » et du
« changement de ton » par rapport
au discours politique de l’automne
dernier. Elle pointe néanmoins une
inconnue : après deux exclusions,
l’inspecteur d’académie pourra

d’office affecter ces élèves « dans
une classe ou une école-relais » s’ils
posent des problèmes de violence,
a affirmé le ministre.
A quoi ressembleront ces clas-
ses et ces institutions? Auront-el-
les quelque chose à voir avec les
« centres éducatifs fermés » que l’ex-
porte-parole du gouvernement,
Benjamin Griveaux, appelait de ses
vœux en octobre 201 8? Leur mise
en œuvre concrète dira si le gou-
vernement a opté pour la coéduca-
tion ou un dispositif sécuritaire.n

Ecole : un nouveau dispositif


pour les élèves perturbateurs


Marie-Christine Corbier
@mccorbier

A l’Education nationale, le ton est à
l’apaisement dans tous les domai-
nes. Jean-Michel Blanquer a
dévoilé mardi, lors de sa c onférence
de presse de rentrée, le plan destiné
à lutter contre les violences scolai-
res. Maintes fois reporté, il avait
suscité l’ire de plusieurs syndi-
cats car il avait été envisagé la sus-
pension des allocations familiales
ou l’entrée des f orces de l’ordre d ans
les établissements.
L’idée de ce plan était née de la
diffusion, sur les réseaux sociaux,
d’une vidéo d’un élève qui avait mis
en joue une professeure avec une

ÉDUCATION


Le ministre de
l’Education nationale
a annoncé mardi
de nouvelles mesures
pour lutter contre
la violence scolaire.

Guillaume de Calignon
@gcalignon
et Alain Ruello
@AlainRuello

Il y a toujours des invités presti-
gieux, la date reste la même et l’évé-
nement est toujours organisé par le
Medef. Pour le reste, Geoffroy Roux
de Bézieux, à la tête de l’organisa-
tion patronale depuis un an, a
voulu moderniser l’université d’été
du mouvement, qui commence ce
mercredi à Paris. Exit le terme
« université », place aux « Rencon-
tres des entrepreneurs de France ».
Fini aussi le campus d’HEC en ban-
lieue parisienne, place à l’hippo-
drome de Longchamp dans le bois
de Boulogne, dans le 16e a rrondisse-
ment de la capitale, près des quar-
tiers d’affaires.

Les débats s’ouvrent surtout de
plus en plus à la société civile et à la
confrontation d’idées. Cécile
Duflot, directrice de l’ONG Oxfam
en France, Natacha Polony, direc-
trice de la rédaction de l’hebdoma-
daire « Marianne », ou encore la
sociologue Monique Pinçon-Char-
lot, pourfendeuse de la bourgeoisie
française, par exemple, seront de la

ENTREPRISES


Les Rencontres des
entrepreneurs de
France, nouveau nom
de l’université d’été du
Medef, ouvrent leurs
portes ce mercredi
dans un cadre renou-
velé, à l’hippodrome
de Longchamp.

Elles font la part belle
à des invités très
éloignés des cercles
patronaux habituels.

La volonté est claire :
donner l’image d’un
Medef renouvelé,
plus en phase
avec la société et pas
seulement arc-bouté
sur les baisses
de charges sociales...

RetrouvezNicolas Barrédans


lejournalde7hpour«L’ éditoéco»


dansle6h-9hdeMatthieuBelliard


La réforme


qui lui ressemble


voudrait être. Inventive, juste,
anticipatrice. « Il veut
persuader les jeunes qu’ils
bénéficieront d’une retraite,
sinon arrivera le moment où
ils ne voudront plus cotiser,
explique Richard Ferrand.
Le système actuel est en outre
défavorable aux carrières
hachées, alors que les gens vont
être de plus en plus mobiles. »
Mais au jeu des
ressemblances, il y en a une
plus ennuyeuse que les autres.
Cette réforme est « hardie »,
et même terriblement risquée.
S’il la maintient parce qu’elle
signera, pense-t-il, son
quinquennat, Emmanuel
Macron décide, au cœur de
l’été, de prendre en compte
cette dimension et de lancer
l’opération déminage. Ecouter,
expliquer, s’amender, trouver
des alliés (la CFDT), associer
les Français (lui et Edouard
Philippe devraient participer à
des débats, avance RTL),
promouvoir le rond Jean-Paul
Delevoye au rang de ministre
pour rassurer les syndicats,
renoncer aux sujets
inutilement polémiques.
Rien d’autre ne compte
vraiment, sauf réussir les
retraites, semble dire cette
rentrée. Y compris s’il faut
mettre la pédale douce sur
d’autres chantiers. Y compris
si la question budgétaire
semble passer au second plan,
en dépit de la promesse
d’« équilibre » du système pour


  1. « Emmanuel Macron
    veut montrer qu’il n’a pas peur
    et qu’il peut réussir une réforme
    structurelle impossible, mais il
    ne faut pas se leurrer, au final,
    elle coûtera de l’argent »,
    prévient un conseiller.
    Bienvenue dans l’Acte II.
    [email protected]


Malgré le caractère explosif de la réforme par points,
Emmanuel Macron a décidé de s’accrocher à une
« transformation » emblématique de son quinquennat.

régime de retraite universel par points.


cette réforme à l’opinion publique.


rouvre le jeu


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Les Echos Mercredi 28 août 2019 FRANCE// 03

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