Numéro N°206 – Septembre 2019

(Rick Simeone) #1
cheveux plus longs, chantant en anglais
des mélodies folk, sur un premier album. “Des
morceaux qui ont pu paraître un peu
nostalgiques, admet la musicienne, avec de
vraies batteries et des basses à la Gainsbourg.
Aujourd’hui, j’ai envie de me confronter à
des codes qui n’étaient pas les miens. J’ai été
bercée par Joan Baez et le Velvet
Underground... mais j’écoute jusqu’à l’overdose
PNL et Damso. Les voix d’homme me font
ple ure r.” Entre 2014 et 2017, elle effectue sa mue.
Le virage est d’abord linguistique : “L’écriture
m’a amenée à la musique. J’ai jeté sur le papier
mes premiers textes en anglais au tout début
de mon adolescence, après avoir échoué à un
examen au Conservatoire. J’étais vexée. Je
n’avais pas assez bossé. J’ai pris une guitare
qui traînait. J’avais 12 ans. Le français n’est
venu que récemment.”
Braquage, qui constitue donc, en
quelque sorte, son deuxième “premier album”
a pour ambition d’affirmer une artiste autant
qu’un caractère. “Je n’ai pas choisi mon prénom
comme nom d’artiste pour rien, s’amuse-t-elle.
J’ai toujours détesté qu’on me dise ce que je
devais être ou ce à quoi je devais m’intéresser.
Je préfère passer à côté d’une bonne série que de
suivre un conseil.” Et force est de constater
qu’après ce premier round, Marie-Flore n’a
pas eu tort de passer à côté des modes
les plus évidentes. Sur le ring, elle tient encore
fièrement debout.

Velours. C’est que Marie-Flore a collaboré
avec ses amis du groupe pop indé d’Omoh et avec
le beatmaker Pierre-Laurent Faure biberonné
aux grosses productions américaines : “Je voulais
briser un plafond de verre en termes de son”,
assure la musicienne. Les nappes de synthé,
puissantes et enveloppantes, sont raccord avec
le monde artificiel des amours Kleenex. Elles
teintent le texte – point fort évident de Marie-
Flore – d’une aura synthétique plus proche du
béton et du Plexiglas que des fleurs et de la plage.
Les sentiments y détonnent d’autant plus.
Leurs couleurs deviennent plus éclatantes, par
contraste.
Braquage est produit par Antoine Gaillet,
aux manettes des épopées électro-synthétiques
de M83 et des envolées sentimentales grand
public de Julien Doré. Marie-Flore a réalisé un
duo avec le musicien sur un ancien titre, Palmiers
en hiver. Mais à l’exception du titre Derrick, très
Doré, on pense plus volontiers sur ce nouvel album
à Christophe, PNL et Sébastien Tellier (L’A m o u r
et la Violence), dans un grand écart de références
qui fait que Marie-Flore ne ressemble jamais
totalement à autre chose qu’à elle-même. Le titre
Presqu’île déploie ainsi une étonnante nuit
urbaine. Ses sonorités obsessionnelles de film
d’horreur pourraient tout aussi bien être un
remake de la BO d’Halloween, le film culte de
John Carpenter.
Marie-Flore n’a pas toujours fait de la
pop urbaine en français. On l’a connue les


Profil – Marie-Flore


“Je n’essaie pas d’incarner


un personnage. Je retranscris mes


états d’âme. Et je parle de cul.


On peut être une femme et prendre


cette liberté : oser mettre les mots


sans tourner autour.”


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