Numéro N°206 – Septembre 2019

(Rick Simeone) #1
veux, jamais comme t’as prévu/ Je vends la
beuh, la détresse dans les yeux, tout comme si
j’avais bu [...] J’ai des problèmes, j’en avais
plein la tête, j’suis déscolarisé/ Le bien, le mal :
comprends que j’fais les deux, j’suis bipolarisé.”
Cet univers si fortement travaillé par la lumière
et l’ombre se traduit dans des clips
particulièrement réussis dans lesquels le rappeur
est très investi : “J’essaie de retranscrire ce
que j’ai mis dans les sons. Je regarde beaucoup
de clips et de films en analysant la valeur
des plans, la façon dont ils s’enchaînent. Ça me
passionne. Quand j’écris, j’ai une ambiance
en tête, un lieu, une ville. Une lumière. J’essaie
avec les moyens du bord de les retranscrire
dans les vidéos.” Et puisque le rap est affaire de
postures et de personnages, S.Pri Noir soigne
jusque dans le détail chacune de ses
apparitions, à travers un goût extrêmement pointu
pour le style et la mode. Au point de créer
parfois ses propres pièces, qu’il porte dans ses
vidéos ou offre à des amis, en attendant de les
commercialiser peut-être dans un futur proche.
Dans l’immédiat, le rappeur se consacre à
l’enregistrement de son nouvel album, qu’il annonce
plus clairement polarisé entre des morceaux très
rap et d’autres plus mélodiques.

j’ai sorti du studio, je vais essayer de le défendre
coûte que coûte.”
Virtuose en devenir, S.Pri Noir jouit d’un
éventail expressif dont il travaille obsessivement
les nuances et les couleurs. Du plus sombre et
rageux au plus dansant et léger, de l’ego trip au
rap engagé, son premier album met au jour le
talent d’un narrateur allié à celui d’un directeur
artistique. Des ambiances tendues et futuristes,
teintées de science-fiction sous influence du
personnage de Star Wars Anakin Skywalker, y
rencontrent parfois le son d’une cornemuse revisité
(dans son tube Highlander), ou des sonorités
orientales ou africaines – sur Seck, qui raconte
le parcours de sa mère, du Sénégal à la
France. S.Pri Noir y assène ses lyrics assassins
via son flow sec de “kickeur” , ou s’essaie au chant
en utilisant sans complexe Autotune, qui
confère un aspect robotique et étrange à des
morceaux tels que Narco poète. Sonorités et
paroles concourent à questionner sans cesse le
partage de l’ombre et de la lumière, comme sur
le morceau Juste pour voir : “J’suis qu’un
humain, parfois, je fais des crises, parfois, je fais
des crasses/ Moi, comme tout l’monde, j’avais
des putains de rêves, j’voulais laisser des
traces/ Mais bon, la vie, c’est jamais comme tu

“Je regarde beaucoup de clips


et de films en analysant la valeur


des plans, la façon dont ils


s’enchaînent. Ça me passionne.


Quand j’écris, j’ai une ambiance


en tête, un lieu, une ville. Une


lumière. J’essaie de les retranscrire


dans les vidéos.”


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