Par Nicolas Trembley, photo Jessica Craig-Martin
Les institutions se retrouvent forcées de
repenser leur modèle de subvention lorsqu’il
est trop dépendant du privé. Les Serpentine
Galleries de Londres viennent de faire face à une
situation compliquée, puisque leur directrice
générale, la philanthrope Yana Peel, qui avait réussi
à contracter de nombreuses donations, a
démissionné brutalement en juin dernier. Elle était
en effet accusée de posséder des parts dans
l’entreprise NSO Group, accusée par Amnesty
International de fabriquer des logiciels espions
servant aux dictatures à piéger leurs opposants
politiques. La réaction a donc été rapide, même
si, dans son allocution de départ, l’ex-directrice
avertissait : “Si les campagnes de ce type
se poursuivent, les trésors de la communauté
artistique – qui sont si fondamentaux pour
notre société – risquent de devoir se priver du
soutien privé. Ce sera une grande perte
pour tout le monde.” En effet, les institutions
qui souffrent chroniquement d’un manque
de subventions devront dorénavant regarder de
très près le CV de leurs donateurs. Si l’un
d’entre eux possède, par exemple, des parts dans
un fonds de pension qui a investi en Bourse
dans l’industrie du plastique, il se pourrait qu’il
soit dénoncé pour pollution.
Le Whitney Museum n’a toujours pas
véritablement réagi aux critiques qui visent le
directeur du board, accusé, via sa société,
de produire du gaz employé contre les migrants
à la frontière mexicaine. À la différence du
Whitney Museum, de nombreuses institutions
ont marqué, elles, leur profonde désapprobation
à l’égard de la famille Sackler en coupant tout
lien avec elle. Rappelons qu’il s’agit de la famille
détenant l’entreprise Purdue Pharma qui
commercialise l’OxyContin, un analgésique qui
provoque une dépendance et qui est au centre
d’une crise sanitaire majeure aux États-Unis.
Un grain de sable vient de gripper le
discours médiatique de la Chine comme nouvel
eldorado commercial. Pace, l’une des plus
puissantes galeries internationales et l’une des
premières à s’être installée, en 2008, à Pékin,
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dans le fameux quartier 798, a annoncé en
juillet dernier qu’elle fermait définitivement. La
raison invoquée par son fondateur Arne
Glimcher, est qu’il est impossible aujourd’hui,
pour une entreprise américaine, de faire du
business en Chine à cause de la guerre des
échanges commerciaux que se livrent les deux
gouvernements. En effet, les œuvres d’art
subissent de nombreuses taxes d’importation,
et les collectionneurs préfèrent finalement
acheter dans des régions où la fiscalité est plus
souple, comme à Hong Kong par exemple.
L’autre problème est qu’il est très difficile de
sortir des capitaux de Chine, donc les
bénéfices produits sur place par les galeries
étrangères doivent être gérés différemment
qu’en Occident.
Cela n’a pas empêché Perrotin de
s’installer à Shanghai fin 2018, rejoint dans le
même bâtiment par Lisson en mars dernier,
puis par Almine Rech en juillet. Cette dernière
a ouvert avec une exposition sur l’abstraction
contemporaine en peinture. Bonne chance pour
l’obtention des visas puisqu’il faut désormais
déposer ses empreintes digitales avant d’y aller
si l’on reste plus d’une semaine sur place.
Dans le registre des dommages collatéraux
politico-économiques, David Zwirner a
annoncé qu’il ouvrait un espace à Paris car il
souhaitait avoir un pied en Europe continentale,
et, dès octobre, les liens commerciaux entre
l’Europe et le Royaume-Uni risquent d’être coupés
à cause du Brexit. Zwirner reprend l’ancienne
galerie d’Yvon Lambert, devenue entre-temps
VNH, qui donc ferme, mais dont l’une des
fondatrices, Victoire de Pourtalès, devient nouvelle
codirectrice de Zwirner Paris.
Dans un autre registre, l’artiste Pierre
Keller, qui a dirigé la fameuse École cantonale
d’art de Lausanne (ÉCAL) en la propulsant au
niveau des meilleurs établissements européens,
est décédé en juillet, alors qu’au même
moment le musée Jenisch de Vevey propose une
exposition autour de sa collection et de ses
amis artistes.