Numéro N°206 – Septembre 2019

(Rick Simeone) #1

L’ART FAIT SA PLACE AU SOLEIL


Nicolas Bourriaud, le célèbre critique d’art


cofondateur du Palais de Tokyo, prend la


direction du MOCO de Montpellier, une


institution unique en son genre regroupant


l’école des beaux-arts, le centre d’art


La Panacée et un nouvel espace consacré


à l’exposition de collections privées ou


publiques.


Pierre Huyghe, courtesy of the artist, Esther Schipper (Berlin), et Anna Lena Films, Paris. Photo

: Marc Domage

Art


fin septembre, une sélection d’œuvres de
la collection initiée en 2011 par l’entrepreneur
Yasuharu Ishikawa. Elle regroupe des chefs-
d’œuvre d’artistes conceptuels comme
On Kawara, Felix González-Torres, Danh Vo...
Une façon d’affirmer clairement notre ambition
internationale et notre exigence muséale.

Vous accompagnez vos expositions à
La Panacée d’une forte réflexion personnelle.
Quels sujets vous passionnent aujourd’hui, alors
que vous travaillez également sur la Biennale
d’Istanbul qui ouvre en septembre?
Avec l’équipe de curateurs internationaux qui
m’ont rejoint à Montpellier, notamment Vincent
Honoré qui travaillait jusque-là à la Hayward
Gallery de Londres, nous allons travailler à rendre
compte des mutations de la culture et de l’art,
et des problématiques qui secouent la société
contemporaine. Je suis très intéressé par la
manière dont les artistes analysent de manière
moléculaire la matière pour dire quelque chose
de la société. Je lis également cette génération
de nouveaux anthropologues, Eduardo Kohn
et Eduardo Viveiros de Castro, qui ne font plus de
distinction entre l’humain et le non-humain. Ils
étudient l’homme dans son rapport avec tous les
éléments qui constituent son existence.

Vous chapeautez désormais également
l’école des beaux-arts de Montpellier. Quelle
est, selon vous, la formation idéale d’un
étudiant en art?
Il ne peut pas y avoir de formation idéale,
de formatage ou de formule. La dimension
chaotique est essentielle.

NUMÉRO : Après la direction du Palais de Tokyo
et de l’École des beaux-arts de Paris, pourquoi
êtes-vous allé vous installer à Montpellier, à
la tête du centre d’art La Panacée?
NICOLAS BOURRIAUD : J’ai eu l’intuition
géopolitique que la France allait connaître le
même phénomène que les États-Unis il y a
quelques années : la désertion de sa capitale
artistique, dont les loyers sont devenus
indécents, au profit d’une contre-scène culturelle.
Ainsi, les artistes ont fui la côte est et New York
au profit de la côte ouest et de Los Angeles. En
France, la polarisation du territoire s’est construite
sur l’opposition nord-sud. Or, un territoire est
en train de se créer de Marseille à Perpignan en
passant par Sète, Arles, Nîmes, et Montpellier
bien sûr. Ce territoire se transforme en pôle
d’attraction, porté notamment par le MOCO, mais
également par la Fondation LUMA qui ouvrira
officiellement l’année prochaine à Nîmes. J’en
appelle à une reconfiguration mentale, à un
dépassement de l’opposition Paris-province. Nous
sommes le seul pays, à l’exception du Mexique,
où la capitale monopolise l’attention.


Pourquoi consacrer le nouvel espace inauguré
cet été, l’Hôtel Montcalm, aux expositions de
collections extérieures, privées ou publiques?
Accueillir une collection, c’est se confronter au
choix d’un autre, d’une autre, des autres. C’est
donc engager un dialogue – que la collection
soit publique, privée, d’entreprise ou celle d’un
artiste. Mais nous ne nous contentons pas de
présenter le best of d’un collectionneur. Chaque
événement est conçu par un curateur ou par un
invité. L’exposition inaugurale offre, jusqu’à


Propos recueillis par Thibaut Wychowanok


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Ci-contre : détail de l’œuvre
Zoodram 4 (2011) de Pierre Huyghe
[écosystème marin vivant, aquarium
en verre, système de filtration et
coquille en résine d’après La Muse
endormie de Constantin
Brancusi (1910)].
Cette œuvre appartient à la
collection Ishikawa, présentée au
MOCO jusqu’au 29 septembre.
Distance intime – Chefs-d’œuvre
de la collection Ishikawa,
exposition inaugurale, au MO.CO.
Hôtel des collections,
13, rue de la République,
Montpellier (34).
http://www.moco.art
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