Numéro N°206 – Septembre 2019

(Rick Simeone) #1

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L’ÂME DE PARIS


Vitrine de la France sur laquelle le monde


entier porte ses regards, Paris a suscité


l’intérêt des plus grands architectes


contemporains, qui ont conçu pour elle des


ouvrages magistraux. Rem Koolhaas, Tadao


Ando et Jean Nouvel ont partagé avec


Numéro les réflexions que leur inspire


l’éblouissante capitale.


Photo

: Bas Princen, courtesy of Lafayette Anticipations

-^


Fondation d’entreprise Galeries Lafayette

Propos recueillis par Christian Simenc


Architecture


appropriées au futur, non seulement pour la
ville, mais aussi pour ce contexte d’une Europe
nouvelle et, par conséquent, pour un monde
nouveau. Tout cela était enthousiasmant et ce fut
un véritable privilège d’y prendre part. C’est
dans ce contexte que j’ai vécu les événements
de 1989, dont la chute du mur de Berlin. Le
destin de l’Europe était la question centrale du
moment. C’était un plan de réflexion ambitieux
assorti de grands moyens.
En 1989, notre proposition pour la
Bibliothèque nationale de France [concours
finalement remporté par Dominique Perrault],
faisait figure de projet qui renversait les valeurs :
un bâtiment où les divisions d’une construction
à étages n’étaient plus valables. Nous avions
œuvré dans le plaisir d’imaginer une autre France,
mais aussi une autre Europe. Malgré une série
de déconvenues professionnelles [dont, outre
la BnF, les concours perdus pour Les Halles en
2004, ou pour la tour Montparnasse en 2017],
je n’ai aucune raison d’être déçu par Paris. Je n’ai
jamais vraiment changé d’avis et je continue à
travailler dans le même esprit.
Aujourd’hui, l’enjeu à Paris consiste
à trouver une façon de rendre compatibles la
densité, qui atteint une échelle radicalement
nouvelle, et l’expérience de la ville. Je pense que
cela ne fonctionnera qu’à deux conditions.

Avant d’évoquer la ville de Paris, parlons
déjà de la France. Peut-être faut-il commencer
par un bref préambule biographique. Quand
j’avais 2 ou 3 ans, ma mère a été très malade. J’ai
alors vécu avec un oncle et son épouse, qui
était parisienne. J’ai passé trois mois très heureux
aux côtés de cette Française qui découvrait
les Pays-Bas. La langue française m’était devenue
familière puisqu’elle ne parlait que le français.
Par ailleurs, mes grands-parents étaient
francophiles. Ils avaient vécu à Paris. Tous deux
parlaient et lisaient le français. Plus tard,
je me suis épris du cinéma français, de la Nouvelle
Vague et de Roland Barthes. Je tenais la
France en très haute estime.
Dans les années 80, j’ai été invité en
tant qu’architecte à participer à des réflexions
sur un nouveau modèle européen. À l’époque,
la France se passionnait pour ces questions : la
modernisation de l’Europe, sa monnaie et ses
possibles investisseurs... J’ai participé à un plan
d’urbanisme pour Lille – Euralille –, où la
présence de François Mitterrand était très forte.
Il y avait Pierre Mauroy, bien sûr, et les hommes
politiques français les plus importants du
moment. Dans cette ébullition, Paris était le lieu
de l’expérimentation, l’endroit où il était
possible d’articuler des ambitions novatrices,
où il était permis de penser des échelles

Ci-contre : Lafayette
Anticipations – Fondation
d’entreprise Galeries Lafayette,
Paris IVe. Bâtiment conçu par
l’agence OMA de Rem Koolhaas.

PARIS PAR REM KOOLHAAS

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