Numéro N°206 – Septembre 2019

(Rick Simeone) #1
Photo

: Patrick Tournebœuf, courtesy of Bourse de Commerce

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Collection Pinault

D’abord il faut un investissement réel de la
part de la ville pour retrouver un équilibre entre
le marché, l’État et la municipalité, qui permette
à ces entités de travailler ensemble.
Le problème est que le secteur privé dispose
aujourd’hui de davantage de moyens que le secteur
public : il est nécessaire qu’un rééquilibrage
s’opère entre eux. Ensuite, il faut apprendre à jouer
avec tous ces éléments afin que le secteur
commercial ne définisse pas à lui seul les règles du
jeu, ne dicte pas toutes les lignes d’un projet, ou
presque, et puisse en être tenu responsable.
Pour réaliser la Fondation d’entreprise
Galeries Lafayette, nous avons patiemment
dépassé les contraintes administratives et
politiques, lesquelles se sont, au final, révélées
des aubaines. Les architectes des Bâtiments
de France sont des partenaires invisibles, mais
majeurs de ce projet. L’édifice se trouve dans

le quartier du Marais. Il est cerné par les
limites du plan de sauvegarde, dont Malraux
avait dessiné les contours. Celles-ci sont
toujours les mêmes, mais les règles de protection
du patrimoine ont évolué : là où elles
ne protégeaient que les bâtiments antérieurs
au x v i ie siècle, elles ont été étendues à ceux
du x i xe siècle, et ce, précisément au moment de
la présentation du premier projet imaginé
pour la Fondation, en 2013. Mais ce qui nous est
d’abord apparu comme un problème s’est
finalement révélé comme une opportunité. Les
services du patrimoine ont exercé une influence
décisive sur le projet. Nous avons conçu
plusieurs propositions : finalement, si nous avons
dû réduire la surface de notre intervention,
nous avons retrouvé de la liberté grâce à cette
manipulation verticale engendrée par la “tour
d’exposition” insérée au cœur de l’îlot.

Paris est une référence dans le monde entier
en tant que pôle culturel international. Depuis
le x i xe siècle, cette capitale fonctionne comme
un centre pour tous les arts, dont la peinture et
la sculpture. Elle est également mondialement
reconnue comme un excellent exemple de
développement urbain efficace, grâce aux idées
progressistes de Georges Eugène Haussmann
[préfet de la Seine de 1853 à 1870, qui a dirigé
les transformations de Paris sous le Second
Empire]. Je crois que l’attrait de cette ville ne
prendra jamais fin.
La ville de Paris assimile culturellement
chaque période : le passé, le présent et l’avenir.
Elle a constamment subi des métamorphoses
en intégrant la culture contemporaine au paysage
historique existant, et il n’est guère étonnant
qu’elle soit l’une des destinations touristiques
les plus populaires au monde. La ville tout
entière est charmante, mais si l’on me demandait
de ne choisir qu’un seul lieu, ce serait... le
Louvre. C’est un palais dédié à l’art, qui
est considéré comme le symbole de cette ville.
Une pyramide de verre moderne se dresse
devant un bâtiment très ancien. L’ancien et le
nouveau interagissent, ce qui génère un
environnement entièrement nouveau. Sur un axe
urbain reliant le Louvre au Centre Pompidou
se trouve la Bourse du commerce, un projet sur
lequel je travaille actuellement pour y loger
la fondation de M. François Pinault. Il s’agit d’une
proposition visant à transformer un bâtiment
historique appartenant à la Ville de Paris en

un musée d’art contemporain. Je suis très
fier de travailler sur ce centre d’art installé au
cœur de la capitale.
Je n’ai connu absolument aucune expérience
malheureuse à Paris. Bien au contraire... En 1968,
alors que je séjournais dans la capitale, je me
suis retrouvé au cœur des fameux événements
du mois de mai. Lorsque tout s’est arrêté à
cause de la grève, j’ai dû rester un certain temps
chez un de mes amis qui était peintre. J’étais
donc aux premières loges. J’ai vu des gens se battre
pour leur liberté et pour s’affranchir des règles
imposées par le gouvernement. C’est à ce
moment-là que j’ai compris qu’il fallait toujours
penser de manière radicale et remonter à
l’origine des situations. Ces principes peuvent
être appliqués à l’architecture. Au Japon,
dans les zones urbanisées, l’architecture est un
instrument économique et pour les affaires.
À Paris, en revanche, les bâtiments sont reconnus
pour leur valeur culturelle. Pour moi, c’est donc
un honneur de travailler aujourd’hui sur un projet
qui exige une grande responsabilité.
Paris a, certes, mûri comme ville de
culture, mais il reste encore un peu de place
pour l’architecture contemporaine. C’est un
problème que nous devons résoudre, nous les
architectes, pour faire coexister de nouveaux
éléments tout en respectant le paysage
historique. Paris se caractérise par son ouverture
d’esprit, donc je pense que cette ville est tout
à fait capable d’absorber une nouvelle culture
architecturale.

Ci-contre : Bourse de
commerce – Collection Pinault,
Paris Ier. Bâtiment conçu par
Tadao A ndo.

PARIS PAR TADAO ANDO


Architecture – Paris


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