Numéro N°206 – Septembre 2019

(Rick Simeone) #1

Sacré numéro – Isabelle Huppert


norme, j’ai surtout vu chez l’héroïne de cette
histoire une forme de solitude, de courage, de
liberté. Je n’avais ni crainte ni culpabilité.
Nous formions une bonne équipe avec Verhoeven,
dont j’ai toujours adoré les films. Je l’ai
découvert avec Turkish Délices, qui était sorti
dans une salle semi-porno! J’étais encore au
lycée. Il y avait eu une très bonne critique dans
Charlie Hebdo qui m’avait donné envie. Quand
on revoit le film aujourd’hui, on croit rêver. Rien
de très choquant dans cette histoire d’une
Dame aux camélias très contemporaine, qui meurt
en quelque sorte d’une maladie d’amour...
Quant à Elle, les voix opposées au film sont restées
extrêmement minoritaires.


Mais on voit que la représentation des
personnages féminins devient désormais un
sujet, tout comme le pouvoir que certains
réalisateurs peuvent exercer sur les actrices
se voit lui aussi remis en cause.
Je peux admettre que cela existe, mais je me
suis toujours sentie protégée par les cinéastes,
Haneke ou Verhoeven par exemple, pour citer
ceux qui m’ont filmée dans des situations où j’aurais
pu me sentir exposée, et donc vulnérable.
Je n’ai jamais eu le moindre doute. Je savais
qu’ils étaient de mon côté.


Il apparaît toutefois que la question de filmer
le corps féminin et la nudité se pose différemment
aujourd’hui dans le cinéma.
Ça, ce sont de bonnes questions. Parfois, je me
dis : “Les pauvres actrices, qu’est qu’on leur fait
faire, franchement !” Mais encore une fois, je
ne me suis pas sentie concernée directement. Bien
sûr, on peut se poser la question d’une tendance
de fond dans le cinéma, mais cela reste très
difficile de savoir comment une actrice peut être
amenée à faire telle ou telle chose. Il y a la
question de ce qu’on aime regarder, de ce que
l’on trouve juste. C’est difficile de trancher.

Vous enchaînez les projets aussi bien au
cinéma qu’au théâtre. On a réellement
l’impression que vous n’arrêtez jamais.
Je ne vois pas pourquoi j’arrêterais, déjà! [Rires.]
J’ai la chance de faire ce que j’aime, il ne manquerait
plus que je ne la saisisse pas.

Le désir est toujours puissant?
Toujours. Mais il y a une sorte de malentendu
à mon propos. J’entends souvent que je tourne
beaucoup, comme une rengaine un peu
lassante. Beaucoup, ce n’est pas forcément
trop. C’est beaucoup. Pour moi en tout cas, ce
n’est pas trop... Jamais trop!

“Il y a une sorte de malentendu


à mon propos. J’entends souvent


que je tourne beaucoup,


comme une rengaine un peu


lassante. Beaucoup, ce n’est pas


forcément trop. C’est beaucoup.


Pour moi en tout cas, ce n’est pas


trop... Jamais trop !”


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Frankie, de Ira Sachs. Sortie le
28 août.
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