Notre Temps N°597 – Septembre 2019

(Tuis.) #1
20 • NOTRE TEMPS • Septembre 2019

ADOBE STOCK/FOTOLIA

RENDEZ-VOUS

MÉDICAUX EN LIGNE

Service ou arnaque?

Doctolib, Docavenue, Keldoc... De nombreuses plateformes numériques
proposent de prendre rendez-vous, gratuitement, avec des médecins
via des sites internet et des applications pour smartphone. Ces services
sont-ils fi ables? Faut-il craindre des dérives? Nous avons enquêté.
VÉRONIQUE HUNSINGER

À LA RENCONTRE DE  Enquête

E


lle est tombée dessus un peu par hasard. Denise,
jeune retraitée d’un village du Gard, recherchait
un soir sur le web le nom d’une gynécologue
recommandée par une amie, quand elle s’est retrouvée sur
la page d’une plateforme de prise de rendez-vous médicaux.
Rapidement, elle a été séduite par la facilité avec laquelle
elle a pu réserver une consultation. Malheureusement,
la plupart des praticiens qui suivent Denise ne sont pas
référencés sur les plateformes.
À l’autre bout de la France, pour Thérèse,
l’usage d’internet n’est pas une évidence,
alors qu’elle a un smartphone. Cependant,
quand la secrétaire de son ophtalmo-
logue l’a invitée à prendre rendez-vous
en ligne en lui tendant une carte avec
l’adresse d’un site, cette octogénaire a
eu la curiosité de tester l’outil, secondée
par sa fi lle. Elle admet qu’il est pratique
de pouvoir visualiser le planning du
médecin à l’écran, plutôt que de devoir
discuter au téléphone avec une assistante
débordée. Aujourd’hui, quand elle doit
consulter son médecin traitant, elle jette
d’abord un coup d’œil sur ses disponibilités via l’application
sur son smartphone, quitte ensuite à prendre son rendez-
vous sur place, à l’accueil de la maison de santé.
« Ces applications rendent indéniablement de grands
ser vices », estime Alain-Michel Ceretti, président de France
assos santé, la fédération des associations de patients
agréées par les pouvoirs publics. « Mais il ne faut pas oublier

que les personnes les plus fragiles et les plus consommatrices
de soins sont d’une génération où la fracture numérique
est très forte, poursuit-il. Ma mère de 80 ans n’utilise pas
du tout le numérique et n’y viendra sans doute jamais, alors
que ma belle-mère est très à l’aise. C’est pourquoi il est
très important que les médecins puissent toujours être
joints par téléphone. » Ce qui n’est pas toujours le cas.
À Paris, certains spécialistes n’aff ichent déjà plus
leur  numéro sur les annuaires des
plateformes.

Un succès sans précédent
En moins de cinq ans, ces services ont
vite conquis les soignants : 80 000 pro-
fessionnels sont référencés sur Doctolib,
le leader du secteur, et 10 000 sur la
plateforme Docavenue. Ces deux entre-
prises contrôlent le marché et une poi-
gnée d’autres sociétés se partagent les
miettes, comme Docteur rendez-vous,
GPS santé, Rendez-vous facile, RDV-
MED, Allodocteur ou encore Keldoc...
L’une des raisons du succès réside dans
le fait que ces agendas numériques permettent aux soi-
gnants de combler les trous dans leurs emplois du temps.
Ce qui, dans les déserts médicaux, rend bien service aux
patients. En eff et, quand un créneau de consultation se
libère, les personnes sur liste d’attente sont informées et
peuvent être reçues plus tôt. Les plateformes envoient des
rappels par e-mail et pa r SMS da ns les jours précédents

« Il ne faut pas

oublier que les

personnes les plus

fragiles sont d’une

génération où la

fracture numérique

est très forte. »
Alain-Michel Ceretti,
président de France assos santé.

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