Notre Temps N°597 – Septembre 2019

(Tuis.) #1

22 • NOTRE TEMPS • Septembre 2019


ADOBE STOCK/FOTOLIA

À LA RENCONTRE DE Enquête


la consultation. Plus radicales, certaines, dont Doctolib,
ne permettent plus à un patient qui ne s’est pas présenté
à une consultation trois fois sans s’excuser de reprendre
rendez-vous. Par ces moyens, les plateformes revendiquent
de diviser par quatre le nombre des rendez-vous médicaux
non honorés, que le ministère de la Santé évalue à une
centaine de millions par an.


Professionnels et... charlatans?
Pour autant, ces sites ont aussi leurs détracteurs. « Quand
vous tapez le nom de votre médecin et qu’il n’est pas abonné
à la plateforme, vous allez voir d’autres noms apparaître,
ce qui peut vous encourager à sortir du parcours de soins »,
regrette le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération
des médecins de France, inquiet de la position de monopole
que Doctolib est en train de prendre sur ce marché. « Nous
ne mettons jamais un praticien en avant plus qu’un autre,
tous paient d’ailleurs le même prix d’abonnement, soit
129 euros par mois », jure Arthur Thirion, directeur France
de Doctolib. Pas question non plus pour Docavenue de
mettre les praticiens en concurrence. « Au contraire, nous
souhaitons que les médecins puissent proposer ce service
à leurs propres patients simplement comme un moyen
supplémentaire de les joindre », assure Arnault Billy,
le directeur général de Docavenue.
En outre, si Docavenue ne référence que des professionnels
de santé (médecins, dentistes, kinésithérapeutes...), Doctolib
a ouvert les pages de son annuaire beaucoup plus largement.
Si le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) n’a
pas eu, jusqu’à présent, à brandir de carton rouge, il garde
les plateformes à l’œil. « J’ai repéré une kyrielle de naturo-
pathes, dont certains se vantent de prendre en charge des
pathologies comme l’infertilité ou se présentent comme


homéopathes, s’inquiète le Dr Jacques Lucas, vice-président
du Cnom en charge du numérique. On est parfois à la limite
de l’exercice illégal de la médecine. Je ne pense pas que
ce soit une bonne chose de tout mélanger. »

L’enjeu des données de santé
Plusieurs couacs ont déjà été rectifi és par le Cnom. Des
médecins avaient notamment mentionné qu’ils refusaient
les bénéfi ciaires de la CMU-Complémentaire. Le Défenseur
des droits a été obligé d’intervenir. « Il n’est pas permis de
demander ou d’enregistrer les informations sur le régime
de Sécurité sociale d’un patient au moment de la prise de
rendez-vous », rappelle le Dr Lucas. Ce type de question
est pourtant loin d’être rare.
Les utilisateurs s’étonnent aussi parfois qu’il faille indiquer
le motif de la consultation lors de la prise de rendez-vous.
« Ce n’est pas prohibé, indique Hélène Guimiot-Breaud,
chef du service santé de la Commission nationale de
l’informatique et des libertés (Cnil). Il faut cependant
préférer les sites qui demandent de donner cette information
au moyen d’un menu déroulant, proposant plusieurs choix,
plutôt que dans une zone de commentaire libre, où on peut
être tenté de décrire trop précisément ses symptômes. »
Si nom, prénom, numéro de portable et adresse e-mail
sont indispensables pour prendre rendez-vous, inutile
de communiquer plus d’informations que nécessaire.
Enfi n, une question est sur toutes les lèvres : à l’ère de
l’intelligence artifi cielle, que font les plateformes de la masse
de données collectées? « Les serveurs qui contiennent des
données de santé, c’est Fort Knox, affi rme Arnault Billy, de
Docavenue. Elles sont la propriété des médecins et des
patients et nous n’avons aucune velléité de les exploiter. »
Même réponse chez Doctolib. « Nous n’avons aucun accès
aux données, elles sont stockées par des hébergeurs agréés
par les autorités », rassure Arthur Thirion. Il est vrai qu’en
plus du règlement général sur la protection des données
(RGPD) européen, qui protège les consommateurs, la France
dispose d’une réglementation très stricte. Pour autant,
il n’est pas interdit de demander à la plateforme d’eff acer
les informations une fois le rendez-vous passé. ■

LA TÉLÉCONSULTATION
SUR SMARTPHONE
Docavenue et Doctolib commencent à proposer des rendez-vous en ligne
pour des téléconsultations sur smartphone, si le médecin est d’accord.
« La téléconsultation sera remboursée si le patient a déjà consulté le praticien
dans les douze derniers mois », précise Arthur Thirion, de Doctolib.
Si besoin, le médecin peut envoyer électroniquement une ordonnance
au patient qui pourra l’imprimer et la présenter à la pharmacie.
Le paiement de la consultation se fait par carte bancaire sur le téléphone.
Aujourd’hui, une centaine de médecins utilisent cette possibilité
sur Doctolib, et quelques milliers de téléconsultations ont été réalisées
depuis janvier. « Cela bouscule un peu les habitudes, reconnaît le Dr Lucas,
vice-président de l’Ordre des médecins. Mais dans de nombreux cas,
cela permet d’éviter un déplacement fatigant aux patients les plus fragiles,
notamment pour des consultations de suivi par un spécialiste. »
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