Fou De Cuisine N°17 – Automne 2019

(lily) #1
de cultiver les produits venus d’Europe. Oliviers, vigne et
bien sûr champs de blé furent implantés. Dans le même
temps, alors que les animaux indigènes (dindes, lamas

ou cochons d’Inde) étaient laissés aux peuples natifs,


on fit venir des mammifères européens tels que porcs,


chevaux ou vaches, dont l’élevage sur place se révéla un immense
succès. Les territoires étaient vastes et fertiles, les prédateurs
absents : les races à viande venues d’Europe se développèrent
à un point tel que la consommation carnée devint accessible

à tous aux Amériques, alors qu’elle restait un luxe sur le Vieux


Continent. Les Indiens d’origine, eux, souffrirent grandement de
cet élevage à succès, leurs cultures étant littéralement grignotées

par ces animaux venus d’ailleurs.


Mais les Espagnols apportèrent également quelques délicieux


ingrédients qui allaient façonner les cuisines locales. « Avec la
guerre et les maladies, les Espagnols apportèrent les agrumes,
la coriandre, les oignons, l’ail et le gingembre », raconte Martin

Morales dans son livre Ceviche, consacré à la cuisine du Pérou.


Étage 3 :


INFLUENCES AFRICAINES


C’est le troisième pilier de la cuisine du continent américain,

car non contents d’avoir envahi les lieux, les Européens, jamais


à court de bonnes idées, décidèrent de déplacer de force les
peuples d’Afrique afin d’assurer la culture et l’exploitation de

leurs nouveaux territoires.


Ce trafic humain d’une atrocité sans nom changea lui aussi la


face du monde, et eut également un impact sur les cuisines
d’Amérique. Par exemple le gombo, plat incontournable de La
Nouvelle-Orléans, est à base de fruits originaires d’Afrique, où
ils sont toujours largement consommés comme légume et

condiment. Les esclaves auraient emporté les petites graines de


gombos en les cachant sur eux, parfois dans leur oreille ou leur


nombril, pour pouvoir se nourrir de ces légumes qu’ils appré-

ciaient. Si, aujourd’hui, le gombo connaît un joli succès auprès


des restaurateurs branchés, il garda longtemps cette image de


nourriture du pauvre.


Sur le continent, bien des cuisines régionales restent ainsi for-


tement marquées par les influences d’Afrique, comme la région


de Bahia, au Brésil, dont l’un des plats typiques, la moqueca de


camarão, est l’un des emblèmes de la cuisine afro-brésilienne. Il


contient en particulier du dende, de l’huile de palme non raffinée

à la couleur orange, ingrédient que l’on retrouve largement en


Afrique de l’Ouest.


Par ailleurs, bien après l’émancipation des esclaves, les populations
originaires d’Afrique sont restées pauvres. Pour ne rien gâcher, elles
cuisinaient des ingrédients modestes, plats qui seront à l’origine

de bien des recettes à travers le continent comme les célèbres


anticuchos péruviens, délicieuses brochettes de cœur de bœuf.


Sandwich Po’Boy


aux huîtres frites


Recette extraite du livre Reporters culinaires, un tour du monde en


80 recettes, par Emmanuelle Jary et J.-F. Mallet (éd. de La Martinière)


Voici un exemple très représentatif des recettes
inventées par les populations pauvres : le sandwich
Po’Boy (raccourci pour poor boy, « pauvre garçon »)
faisait les délices des travailleurs modestes de La
Nouvelle-Orléans. Il est traditionnellement garni
de crevettes ou d’huîtres frites, lesquelles coûtaient
moins cher que la viande au moment de la Grande
Dépression.

a RETROUVEZ LA RECETTE P. 128


© Jean-François Mallet


BIOPIC


61 automne 2019

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