C
herchez bien : avez-vous de bons souvenirs
de jeunesse du maïs? Au mieux, un seau de
pop-corn devant un film, ou encore une salade
de riz estivale à laquelle il donnait un peu de
croquant. Au pire, le maïs en boîte, un truc
un peu infâme, trop sucré, mollasson et fade.
Avouons-le, en France, le vrai potentiel du maïs
est rarement exploité. Il est trop souvent laissé
au bétail et aux repas de cantine.
Le maïs fut découvert par Christophe Colomb aux Amériques.
Il était alors déjà cultivé de l’Argentine au Canada, de l’ex-
trême sud à l’extrême nord du continent. Il y a 9 000 ans, on
en trouvait même au Mexique, où il devint très rapidement
une production majeure. Sur les territoires qui deviendront les
États-Unis, il est au cœur de la culture dite « des trois sœurs »,
où le maïs, la courge et le haricot sont cultivés ensemble car
cette association accroît la productivité.
Le maïs... mais quel maïs?
Le maïs a été mis à l’honneur grâce à son rendement
incroyable, supérieur à celui du blé et de toutes les autres
cultures de base – il représente presque 10 % de la surface agri-
cole utile française. La variété la plus consommée en France
est le maïs doux, apprécié pour sa teneur plus élevée en sucre.
Il est de couleur très claire, cueilli avant maturité (au stade
dit « laiteux »). En Asie, il est souvent récolté encore plus tôt,
quand son épi ne mesure pas 5 centimètres de long : on l’ap-
pelle le mini-maïs. C’est ce maïs doux que l’on trouve dans les
boîtes de conserve ou que l’on peut consommer entier, après
avoir bouilli ou grillé l’épi. Il est pourtant largement moins
produit que le maïs ensilage ou maïs de fourrage qui, comme
son nom l’indique, est destiné au bétail. D’autres variétés,
encore difficiles à trouver chez nous, mettent un peu de cou-
leur dans l’assiette, comme le maïs violet morado, également
appelé noir du Pérou. La plupart des maïs sont disponibles de
la seconde moitié de l’été à l’automne. On le choisira avec un
grain plutôt brillant, des feuilles vertes, lisses, et aucune trace
de flétrissure.
Que faire avec le maïs?
Vous connaissez les bases : égrainé dans une salade, éclaté
pour du pop-corn ou encore grillé au barbecue. Pourtant,
le maïs peut nous procurer bien des plaisirs différents! Le
Landais Julien Duboué, élevé au maïs – une spécialité du
Sud-Ouest – en a même fait tout un livre, 100 % maïs, naturel-
lement sans gluten (Ducasse Éditions). Boulgour de maïs, maï-
sotto (risotto de maïs), gnocchis de maïs... il nous démontre
qu’on peut tout faire avec ce petit trésor jaune. Pas unique-
ment avec le maïs frais mais aussi, bien sûr, avec la farine de
maïs et sa cousine italienne la polenta, une farine de maïs à
grain souvent plus large.
L’ami américain
Si on traverse l’Atlantique, la farine de maïs est l’un des ingré-
dients principaux de l’alimentation américaine, au nord
comme au sud. Le cornbread, ou pain de maïs, est un « faux »
pain inventé par les Amérindiens, plus proche d’un gâteau et
sans levure, au goût délicatement sucré, qui sert d’accompa-
gnement et est idéal pour éponger une sauce. Si vous êtes de
la « team » gras, la version hushpuppy, au lait ribot et plongée
dans l’huile de friture, devrait vous séduire.
Dans le sud des États-Unis, et plus particulièrement au
Mexique, le maïs sert à confectionner les totopos, ces « chips »
rondes ou triangulaires auxquelles on donne fréquemment
tout un tas de noms erronés – nachos par exemple.
À travers toute l’Amérique centrale, la tortilla est un élément
important de l’alimentation de base. Cette fine galette de
pain non levé est traditionnellement faite à partir de maïs,
même si on la trouve également au blé. On commence par
nixtamaliser le maïs, c’est-à-dire le tremper une nuit dans de
l’eau de chaux ou de l’eau mélangée à de la cendre de bois,
pour ensuite le rincer et enlever le péricarpe en le frottant
avant de le broyer. On obtient alors la masa, une pâte de
maïs. Les tamales constituent un autre grand classique des
Amériques, sorte de galette à base de masa, farcie avec une
composition salée ou sucrée puis cuite dans des feuilles de
maïs ou de bananier.
Pour en revenir au grain et non à ses dérivés, il permet éga-
lement des déclinaisons infinies. Le succotash est un plat tra-
ditionnel américain peu onéreux – très populaire pendant
la Grande Dépression –, un mélange de maïs, de haricots
de Lima et d’autres légumes éventuels, servis poêlés ou en
salade. Quand l’épi est cuit en entier, aux États-Unis, on l’ap-
pelle corn on the cob (voir la recette de Grégory Marchand) ;
il est souvent grillé, et c’est l’incontournable des barbecues,
généreusement nappé de beurre dans le Sud. Le maïs entre
également dans la composition de soupes onctueuses, les
chowders, épaissies avec de la crème ou de la farine. Bref, le
maïs se décline à l’infini, comme le démontrent nos chefs avec
les recettes qui suivent.
Maïs,
le plaisir pop!
En France, ces petits grains jaunes brillants jouent rarement les premiers rôles.
Aux Amériques toutefois, le maïs est une star.
TEXTE FRANÇOIS BLANC
ILLUSTRATION GIULIA CECCACCI