Les Inrockuptibles N°1239 Du 28 Août 2019

(Romina) #1

musique, au rythme. Moi, je ne suis pas danseuse, mais il sait
vous faire trouver des ressources physiques insoupçonnées.
Aujourd’hui, j’ai encore des crampes au bras liées à ma dépense
physique dans la pièce. Mais dans le théâtre de Bob Wilson,
on est tellement au-delà de la question du sens que l’on peut y
mettre plus que du sens. On peut y mettre des bouts de soi-
même. Je suis peut-être une pure marionnette, mais à l’arrivée
je me sens tout à fait proche de ce que vous décrivez
chez Ira Sachs. Je vois bien néanmoins en quoi les moyens
pour arriver à cette pure présence sont différents.


Certains acteurs disent parfois qu’ils ont refusé un film
parce qu’ils avaient l’impression que ce n’était pas un
rôle pour eux, qu’ils ne seraient pas capables de le faire.
On ne vous imagine pas penser ça, dire d’un rôle qu’il
n’est pas pour vous...
Vous savez, quand les acteurs disent ça, c’est souvent une
façon polie de dire qu’ils ne croient pas beaucoup au projet
et n’ont pas envie de faire le film (rires). Je ne crois pas beaucoup
à cette notion de capacité chez un acteur à faire telle ou telle
chose. La question n’est pas de savoir ce que l’on est apte ou pas
à faire, mais plutôt d’évaluer si le metteur en scène sera capable
ou pas de vous le faire faire.


Vous vous êtes déjà sentie abîmée par un film dont vous
vous êtes dit que vous n’auriez pas dû le faire?
Abîmée, non, jamais.


Isabelle Adjani nous disait par exemple qu’elle
n’accepterait pas aujourd’hui de tourner dans
Possession d’Andrezj Zulawski, car le film l’avait trop
mise en danger.
C’est vrai qu’un acteur ou une actrice peut se trouver


précipité.e dans des situations violentes. Moi ça ne m’est jamais
arrivé. Mes rôles qui ont marqué les esprits par leur violence,
comme La Pianiste ou Elle, je les ai joués avec un sentiment
de sécurité et de protection très fort. Je ne me suis jamais sentie
le moins du monde exposée.

Et, pour d’autres raisons, est-ce que les mauvais films
abîment?
Oui, sans doute. Mais je n’ai pas fait de films que je trouve
si ratés que je me sente salie ou abîmée de les avoir faits. Ça doit
être un sentiment très désagréable.

Cette proximité avec la violence, le danger qui marque
votre filmographie, cette récurrence de personnages
de criminelles chez Chabrol, ça n’a jamais eu d’influence
sur la personne que vous êtes?
Non. Ça a tout au plus influencé la perception que l’on a
de moi. On finit toujours par faire des confusions entre
une actrice et ses personnages. Mais ça n’a pas beaucoup
d’importance.

Vous vous amusez de plus en plus de cette perception que
l’on a de vous. Par exemple dans Dix pour cent, où vous
jouez avec votre réputation d’hyperactive...
Oui. D’actrice un peu méchante aussi. Ça crée des situations
drôles. J’aurais bien aimé que mon personnage soit d’ailleurs
un peu plus développé. On a coupé une scène où je trouvais que
le décor n’allait pas et où j’agressais le décorateur. C’était
très amusant. Cela dit, le scénario de Dix pour cent partait d’une
supposée réalité et a beaucoup extrapolé. Le rôle était tissé
de références très précises, mais qu’il exagérait. Hong Sang-soo
n’a jamais débarqué chez moi pour tourner dans mon salon
par exemple (rires).

MK2 Diffusion MK2 Diffusion

Gaumont

Gaumont

Loulou de
Maurice Pialat
(1980)

Coup de foudre de
Diane Kurys (1983)

Carlotta Films

La Porte
du Paradis de
Michael Cimino
(1981)

Une
affaire de
femmes
de Claude
Chabrol
(1988)

11 28.08.2019 Les Inrockuptibles

Entretien Isabelle Huppert
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