Les Inrockuptibles N°1239 Du 28 Août 2019

(Romina) #1
Replis oubliés de la grande histoire et histoire secrète des cœurs
de jadis, les films s’éloignent des représentations classiques
du passé pour y porter un regard décentré.
Après avoir poussé son geste vers des retranchements virtuoses
ou abscons (c’est selon), Terrence Malick revient à une narration plus
traditionnelle pour Une vie cachée (11 décembre), portrait d’un
objecteur de conscience sous le régime hitlérien. Les exactions nazies
s’y heurtent à la foi inébranlable du personnage, mais le projet
risque de buter contre les limites d’un système tout entier dévolu à la
vénération de ses propres images.
La résistance d’un individu face aux remous de l’histoire trouve dans
Jeanne (11 septembre) un écrin plus sensible. En laissant à Lise Leplat
Prudhomme, la gamine de L’Enfance de Jeanne d’Arc, le soin d’incarner
la Pucelle d’Orléans jusqu’à sa mort sur le bûcher, Bruno Dumont
prolonge le décalage du premier volet en lui adjoignant une dimension
solennelle et mystique, soulignée par la partition du chanteur Christophe.
C’est un embrasement plus intime qu’accompagne Céline Sciamma.
Portrait de la jeune fille en feu (18 septembre) met en scène, dans
la Normandie corsetée du XVIIIe siècle, l’attirance entre une peintre et la
femme dont elle doit effectuer le portrait de mariage. Tout en explorant
l’intimité des femmes du passé, la cinéaste repense le rapport entre l’artiste
et son modèle par le recours à un female gaze, ce renversement du système
de représentation dominant du désir par un prisme féminin. Tandis
que, dans un registre plus licencieux, le réalisateur catalan Albert Serra
filme dans Liberté (4 septembre) la débauche nocturne d’une poignée
de nobles libertins expulsés de la cour de Louis XVI.
Après des années de gestation houleuse, Roman Polanski, en disgrâce
depuis la résurgence des accusations de viol formulées à son
encontre, a fini par tourner J’accuse (13 novembre), son ambitieuse
fresque historique consacrée à l’affaire Dreyfus. Annoncé comme un récit
d’espionnage sur fond de scandale judiciaire, le film tentera de redonner
sa juste place à un héros oublié en adoptant le point de vue du colonel
Picquart (Jean Dujardin), qui a risqué sa carrière pour innocenter
le capitaine Dreyfus (Louis Garrel). L’occasion pour le cinéaste de trouver
de nouveaux prolongements à la dialectique innocence et culpabilité qui
hante sa vie comme son œuvre.
Sur un registre plus léger, Downton Abbey (25 septembre), adaptation
sur grand écran de la série télévisée du même nom, offrira aux Crawley
et à leurs domestiques un dernier tour de piste tout en répliques ciselées
et intrigues tortueuses, sans oublier, derrière le vernis du soap, d’illustrer
les évolutions sociétales de l’Angleterre du début du XXe siècle. A. B.

L’histoire en biais


Jeux


amoureux


Des amours brisées ou (re)naissantes
seront au cœur de films qui penchent
vers la comédie ou le drame.
Outre le génial Une fille facile de
Rebecca Zlotowski, en salle cette semaine,
la rentrée cinéma sera, elle aussi, marquée
par les plaisirs et déchirures des jeux
de l’amour. C’est à ce sentiment aussi
puissant qu’ineffable que s’adonne
tout entière (devant et derrière l’objectif)
Hafsia Herzi dans son premier long,
Tu mérites un amour (11 septembre),

Guy Ferrandis


Jean Dujardin
et Louis
Garrel dans
J’accuse de
Roman
Polanski

Benjamin
Biolay, Chiara
Mastroianni
et Vincent
Lacoste dans
Chambre 212
de Christophe
Honoré

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Rentrée cinéma
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