Les Inrockuptibles N°1239 Du 28 Août 2019

(Romina) #1
d’un autre côté, notre studio est en rénovation
depuis un moment et on n’a pas vraiment
accès à nos outils. On va certainement faire
quelques sessions au Pablo Center ou
s’installer dans cet hôtel pour répéter ces
prochaines semaines.”
La fierté locale nous a donné rendez-
vous dans un motel réhabilité du centre-
ville. Entouré du batteur Sean Carey et de
l’ingénieur du son Chris Messina, ses amis
de longue date, le folkeux à casquette,
short, débardeur déchiré sur le dos et
Crocs aux pieds la joue à la coule. Tout
sourires. On ne s’était d’ailleurs pas fait de
soucis pour Justin Vernon depuis la sortie
en 2016 du tourmenté 22, a Million. Si ce
dernier puisait sa force dans les stigmates
du sérieux burn-out de son auteur,
survenu lors d’un séjour solitaire sur une
île grecque, I , I a quant à lui été conçu
dans un état d’esprit nettement plus apaisé.
“Toutes les difficultés personnelles que nous
traversions à l’époque ont complètement joué
sur la teneur de 22, a Million. Nous nous
sommes retrouvés avec une sorte d’album
tumultueux assez étrange, rempli de colère,
qui finalement nous a guéris et nous a rendus
plus forts”, observe Justin. Embarquée
dans une importante tournée après la

NI JAUNES NI ROUGES, ENCORE
MOINS ORANGE. LES FEUILLAGES
DE LA VILLE D’EAU CLAIRE, au
centre-ouest du Wisconsin, sont loin
d’arborer les couleurs qui explosent sur
les cartes postales des présentoirs. En cette
fin juillet, les étudiants américains
profitent de leur summer break à coups de
baignades dans la rivière du coin. Il est
encore beaucoup trop tôt pour admirer les
paysages d’automne typiques de la région.
Pourtant, de l’autre côté du cours d’eau,
le Pablo Center, imposant lieu culturel
dernier cri inauguré en 2018, a pris de
l’avance sur le calendrier. Depuis quelques
jours, une petite équipe y réalise les
ajustements techniques de la prochaine
tournée de Bon Iver, baptisée Autumn.
A partir de septembre, Justin Vernon et sa
bande enchaîneront leurs plus grosses
dates jamais programmées aux Etats-Unis.
Ils présenteront I , I, leur quatrième
album lâché par surprise sur le net trois
semaines avant la sortie officielle
initialement prévue. La tension est à son
comble. “C’est un moment très étrange que
je suis en train de vivre, confesse l’imposant
barbu. Il y a de l’excitation avec la parution
du disque et les concerts qui se profilent. Mais


Du folk solitaire des débuts aux effusions en réunion, BON IVER
poursuit sa mue au rythme des saisons. Le groupe mené par Justin Vernon
revient avec I, I, un chef-d’œuvre aux multiples collaborations
qui interroge les maux de notre temps.

texte Valentin Gény


sortie de 22, a Million, la tête pensante
de Bon Iver semblait bel et bien animée
par une nouvelle dynamique. Entre ses
nombreux concerts, sa collaboration avec
la compagnie TU Dance, son projet
collaboratif PEOPLE aux côtés d’Aaron
Dessner de The National et la parution
d’un LP commun en 2018 sous l’alias
Big Red Machine, l’Américain réussissait
même à s’accorder le temps nécessaire
pour offrir un successeur digne de ce nom
à son troisième album.
Bon Iver créait la surprise le 2 juin au
festival londonien All Points East. En guise
de rappel, le groupe dévoilait deux
morceaux inédits, Hey, Ma et U (Man Like),
ainsi qu’une adresse mail (icommai.com)
projetée sur les écrans. Ladite page web
ne pouvait qu’annoncer l’arrivée
imminente d’un nouveau disque. Chose
confirmée par un mystérieux teaser qui
mettait en scène les quatre saisons : “Né
de l’hiver, florissant au printemps, scintillant
en été. Et maintenant... Cela devrait être
l’automne”, y récitait une voix off d’un
certain âge. Entre les lignes, elle affirmait
que chaque disque de Bon Iver
correspond à une saison donnée. Alors,
pour clore le cycle entamé en 2008

LE CHANT


DES ENFANTS


DU SIECLE


Les Inrockuptibles 28.08.2019 38


Rencontre

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