Les Inrockuptibles N°1239 Du 28 Août 2019

(Romina) #1
War and Paradise doit accompagner
la sortie d’Engine of Paradise, son nouvel
album. Le premier depuis Aladdin (2016),
qui se déclinait aussi en un film que
l’on aurait dit tourné au cœur d’une œuvre
de Jean Dubuffet et au générique
duquel figurait une flopée de potes du
New-Yorkais, dont Macaulay Culkin, Binki
Shapiro ou encore Devendra Banhart :
“Au début, je pensais faire un nouveau
long métrage, et toutes ces chansons auraient
pu en être la bande originale, mais ça
aurait coûté trop cher. Je n’avais pas besoin
d’un budget pharaonique non plus parce que
j’aurais tout fait en papier mâché, mais
ça aurait été compliqué à monter et je ne sais
pas qui dans le business du cinéma aurait
payé pour ça.”
Le papier mâché, cette obsession qui lui
permet de donner corps aux idées les plus
foutraques qui traversent sa caboche
d’ancienne petite star de la scène anti-folk
new-yorkaise. A bientôt 40 ans, l’ex-
Moldy Peaches qui chantait Downloading
Porn with Davo en duo avec sa comparse
Kimya Dawson et “I like to do drugs”
sur l’album Jacket Full of Danger (2006)
est doublement père de famille.
Deux bonnes raisons de s’assagir un

À PEINE A-T-IL LE CUL POSÉ DEVANT
SES ŒUFS AU BACON QU’IL REPART
CHERCHER UN TRUC. Cinq minutes
de discussion avec Adam Green, c’est
5 000 signes de conversation à retranscrire
et un journaliste désemparé. Le type ne
tient pas en place, son cerveau est une
centrifugeuse qui déverse un flux d’idées
discontinu, d’anecdotes et de théories plus
ou moins branlantes du genre : “Etre
artiste, c’est être allergique au monde ; ton
devoir est d’inviter une nouvelle version de ce
monde quand l’ancienne te file la gerbe.”
Tiens, le voilà de retour avec quelques
planches de bande dessinée sous le bras
et un téléphone : “C’est un roman graphique,
il s’intitule War and Paradise. Je l’ai
fait avec deux amis : Toby Goodshank, qui
jouait avec moi dans les Moldy Peaches,
et Tom Bayne. Ça parle d’une guerre épique
entre les humains et des créatures cybernétiques
et futuristes formant une nouvelle forme
d’intelligence artificielle appelée INSEX.
Un énorme choc des civilisations s’ensuit,
la seconde partie parle de la vie après la mort.”
Sa façon à lui de revisiter la fameuse thèse
de Samuel Huntington avec une sorte
de récit shakespearien postmoderne, dans
une ambiance psychédélique et médiévale.


Bande dessinée, cinéma, musique... ADAM GREEN
bondit tranquillement d’un domaine à l’autre et donne vie à ses idées
les plus folles. Rencontre avec cette figure de l’anti-folk,
qui sort Engine of Paradise, l’un de ses meilleurs albums.

texte François Moreau
photo Renaud Monfourny

LE MABOUL

COOL

peu, même si les nuages qui traversent
le ciel de Regular Town, la ville imaginée
dans War and Paradise, ont des pénis
turgescents et que les humains partouzent
avec des robots-insectes : “J’avais 17 ans
quand j’ai entendu pour la première fois
Mutations de Beck. Je me souviens m’être
dit : ‘Damn! En ce moment, quelque part
dans le monde, le mec qui a créé ce chef-
d’œuvre est en vie !’ Ça m’a complètement
inspiré, nous dit-il en faisant défiler
sous nos yeux un tas de phrases
retranscrites sur le bloc-notes virtuel
de son smartphone. A partir de ce jour-là,
je me suis dit que j’allais montrer aux gens
les mécanismes de mes paysages intérieurs.
Et depuis je note chaque fulgurance que j’ai
en tête.”

A l’école, tout kid qu’il est, Adam
Green rêvasse beaucoup en cours.
A tel point qu’il se souvient des rappels
à l’ordre de sa prof d’anglais qui résonnent
encore comme un gimmick : “Earth
to Adam !”, que l’on pourrait traduire
en français par “Allô Adam, ici la Terre !”
A l’époque, il accouche même d’une
bande dessinée entière en classe
de mathématiques, qu’il décrit comme

Les Inrockuptibles 28.08.2019 46


Portrait

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