Les Inrockuptibles N°1239 Du 28 Août 2019

(Romina) #1

!!!


Wallop Warp/Differ-Ant


Moderne, joueuse et ultra-efficace, la musique des New-Yorkais
retrouve de sa superbe sur un huitième album au fort pouvoir euphorisant.

King Gizzard &
The Lizard Wizard
Infest the Rats’ Nest
Fitghtless Records/PIAS
Pour leur second album de 2019,
potache et accrocheur, les
Australiens rendent hommage
au metal de leurs jeunes années.
Le luxe, quand on publie des
albums à tour de bras, c’est que
l’on peut en sortir un juste pour la
blague. Alors qu’ils s’ennuyaient
dans leur coin, délaissés un temps
par les autres membres du groupe,
Stu Mackenzie, Joey Walker et
Michael Cavanagh, respectivement
chanteur, guitariste et batteur de
King Gizzard & The Lizard
Wizard, se sont ainsi offert un petit
plaisir régressif et potache.
Sur Infest the Rats’ Nest, leur
quatorzième album et déjà le
second en 2019, les Australiens ne
font pas vraiment dans la subtilité
en rendant hommage aux artistes
de metal de leur adolescence. Ça
braille fort des “Self immolate”,
ça joue plus que technique, entre
prog-metal (Organ Farmer)
et tapping (Venusian 1). Malgré
l’adage qui voudrait que les
blagues les plus courtes soient
les meilleures, celle-ci, dépassant
quand même les trente-cinq
minutes, tient plutôt ses promesses.
Dans une ambiance SF
d’apocalypse écologique, quelque
part entre David Cronenberg et
Greta Thunberg, King Gizzard n’a
pas oublié les refrains simples et
accrocheurs. “There is no planet B,
open your eyes”, beugle Stu
Mackenzie sur le single Planet B.
Et si c’était ça, finalement, la
solution pour la fin du monde : de
la bière en grande quantité et des
mosh pits. Cyril Camu

SANS ÊTRE UN RÉEL RATAGE, “SHAKE
THE SHUDDER” (2017) N’ÉTAIT PAS DE
CES ALBUMS qui ont la générosité et la
folie que l’on aimerait pouvoir leur
associer. A force de sauter partout, Nic
Offer et sa bande semblaient essoufflés,
incapables de séduire ou de se réinventer
très clairement une fois leur stock de
révérences faites aux années 1980 épuisé.
Deux ans plus tard, Wallop a beau avoir
été enregistré dans les mêmes conditions,
dans l’appartement de Nic Offer
à Brooklyn, ce nouvel album rectifie le tir
et permet à Chk Chk Chk de trouver un
nouveau souffle. Comment ?
En allant piocher dans le catalogue
foisonnant et éclectique des années 1990,
s’inspirant aussi bien des élucubrations
fiévreuses de Madchester et de la
techno que du trip-hop, de l’electronica
et du hip-hop le plus endiablé
– Rhythm of the Gravity, sorte de rencontre
fantasmée entre les déluges sonores
de The Prodigy et les gimmicks vocaux
de Timbaland.
Les rythmes sont hédonistes, le chant
extatique et les refrains en capacité de tenir
en haleine n’importe quel dance-floor, mais
il se joue à l’évidence autre chose au sein de
ces quatorze morceaux, quelque chose de
plus profond. Gentrification, paranoïa,

chaos politique : les thèmes abordés sur
Serbia Drums, UR Paranoid, Domino ou
encore My Fault n’ont rien de foncièrement
léger. Ils témoignent au contraire d’une
formation bien plus concernée socialement
que ses tubes sudatoires au groove
imparable pourraient le laisser penser,
qui joue une dance-music aussi boostée
aux énergisants que contrariée par les
inégalités du monde alentour.
On pourra bien évidemment tiquer,
prétendre que Wallop pèche parfois
par excès ou regretter que Chk Chk Chk
manque de subtilité par instants
– les “nanananana” dans le refrain de
$50 Million... Cela permet toutefois
de rétablir une vérité : c’est bien lorsqu’ils
délaissent le maniérisme et reviennent
à un style plus immédiat que ces doux
fantaisistes portent le mieux leurs
costumes d’ambianceurs. Ainsi ce
In the Grid qui semble émaner directement
d’un vieux carton échoué dans la Mersey
après la fermeture de l’Haçienda.
Maxime Delcourt

Kelsey Bennet

Les Inrockuptibles 28.08.2019 54

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