Les Inrockuptibles N°1239 Du 28 Août 2019

(Romina) #1

Le rock sous toutes ses coutures sur


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HTRK


Venus in Leo Ghostly International/Differ-Ant


Diamant noir de l’indie-pop, le duo australien illustre des songes
plus clairs que de coutume sur son nouvel album, avec toute la nonchalance
et la sensualité qu’on lui connaît.

Salami Rose
Joe Louis

Zdenka 2080
Brainfeeder/PIAS
Une musique pluridimensionnelle
qui fait chanter les nuages
et voyager les yeux fermés.
Depuis son passage dans les rangs
de Hot Record Société, où
Lindsay Olsen (son nom civil)
a appris ses gammes,
la musicienne, compositrice et
productrice n’a cessé de
développer un univers aussi
atypique que reconnaissable.
Tellement hors du commun, qu’il a
su éveiller la curiosité du lunaire
Flying Lotus, qui s’est proposé
comme pilote pour ce troisième
album – ce qui n’a strictement rien
d’étonnant. Au sein du label
Brainfeeder, dont les disques sont
des invitations à découvrir
des mondes aux confins du réel,
Zdenka 2080 trouve une place
de choix car, à l’origine, Salami
Rose Joe Louis l’a pensé comme
une bande dessinée.
C’est en imaginant la bande
originale de cette aventure que ce
disque est né. Si l’on ferme les
yeux et qu’on se laisse guider, des
images lumineuses et géométriques
(Octagonal Room) s’immiscent dans
notre inconscient, nous faisant
glisser dans huit dimensions
parallèles, dont une cotonneuse où
les nuages semblent chanter des
mots doux (Cumulous Potions
(For the Clouds to Sing)). Un voyage
dans la fantaisie de l’irréel, parfois
dans ses dérives, qui s’inscrit
pourtant dans une démarche
emplie de réalité, rythmée par une
fusion entre pop lo-fi et cosmic-
jazz, couverte de mille nappes
dorées. Jacques Simonian

“WE’RE BAD AT LIFE”, CONCLUAIT
HTRK QUAND IL ÉTAIT ENCORE UN
TRIO – une déclaration qu’on peut
traduire par “on n’est pas doués pour la
vie”. Il faut dire que les intéressés en ont
bavé à leurs débuts : totalement
incompris quand ils écumaient les
premières parties de groupes pop-rock
avec leur noise léthargique, ils essuient
deux pertes humaines, leur cofondateur
Sean Stewart et leur mentor/producteur
Rowland S. Howard de The Birthday
Party. Après deux albums cultes (dont le
premier, Nostalgia, sera réédité à la fin du
mois) et quelques années de plomb en
Europe, ils regagnent, en duo, leur Australie
natale et dérivent vers une dub-pop
nocturne, qu’ils développent à petits pas,
entre deux jobs alimentaires. Objet d’un
culte aussi passionné que restreint,
HTRK revient aujourd’hui sous un rayon
de soleil et prône guérison et bien-être sur
un cinquième album sans arrière-pensées,
sans doute leur plus serein.
De loin, Venus in Leo sonne comme
une Dido dysphorique produite par
Massive Attack période Mezzanine, et
c’est là toute l’esthétique trompeuse de

HTRK. Leur plastique soyeuse, leurs
chansons circulaires sont animées par des
pulsions plus troubles qu’il n’y paraît,
malgré des thèmes inoffensifs comme
la langueur juvénile, la nostalgie estivale
ou la symbolique des rêves. Moins
BDSM et plus sentimental, le tandem
déplace aujourd’hui son inimitable
torpeur érotique dans un halo de
positivité salutaire, et se laisse aller à une
tendresse sans ironie. Dream Symbol,
Mentions ou Dying of Jealousy, pour ne
citer qu’elles, agissent comme les mantras
d’un programme de développement
personnel qui mêlerait thème astral et
sexe tantrique. Et quand le curseur vire
pop fleur bleue, comme sur New Year’s
Eve, on se retrouve alors en plein spleen
post-rupture dans un épisode d’Hartley,
cœurs à vif. Quelle que soit leur humeur,
l’hypnose et la moiteur de HTRK invite
toujours à une exploration de l’intime, du
désir et de la vulnérabilité, peu commune
en musique. La quiétude de cette
nouvelle offrande pourra peut-être leur
gagner de nouveaux adeptes, contaminés
à leur tour par leur fausse indolence et
leur singulier venin. Thomas Corlin

Gian Manik

Les Inrockuptibles 28.08.2019 56

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