Les Inrockuptibles N°1239 Du 28 Août 2019

(Romina) #1

Pion


22:22 Entreprise/A+LSO/Sony Music


Quand trois ex-Blind Digital Citizen se réunissent, cela donne
un album libéré où la chanson française se frotte aux mélodies les plus folles.

Ala.ni
Acca
No Format/A+LSO/Sony Music
Quatre ans après You & I, la
Londonienne revient avec un
disque entièrement a cappella.
La voix comme unique instrument.
Voilà le credo d’Ala.ni et de son
second album Acca (pour “a
cappella”). Comme Björk avant elle
sur Medúlla (2004), la protégée de
Damon Albarn propose un disque
dépouillé de toute production
instrumentale et via lequel elle
raconte ses amis, ses souvenirs,
ses amours et ses voyages. Pour les
dépeindre, elle s’est entourée de
plusieurs collaborateurs : Iggy Pop,
dont le grain ténébreux envahit le
menaçant Le Diplomate, l’acteur et
rappeur Lakeith Stanfield (présent
sur le sensuel Van P), ainsi que le
bassiste Phil Simmonds et le
beatboxeur Dave Crowe.
Entre jazz, soul et pop, Ala.ni
multiplie les ambiances et joue sur
les contrastes. Créé au bord d’une
piscine californienne avec un pot de
pâte à tartiner, une bouteille de
bière et une balle de tennis,
Differently nous entraîne dans un
monde fait de mystère et de
mystique. Un peu plus loin, le
précieux Hide nous transporte
par-delà les nuages, entrouvrant les
portes d’une passion en demi-
teinte. Avec Papa, la chanteuse nous
propulse ensuite sur une plage au
Mexique, celle où elle a conçu ce
titre combatif avec le bruit du vent
qui caresse le sable. Sans oublier
Wales, hymne ensorcelant pensé
dans la fraîcheur du pays de Galles.
Une odyssée aux mille octaves, qui
confirme cette idée : Ala.ni est l’une
des voix les plus surprenantes de la
scène anglaise. Naomi Clément

QUELQUES MINUTES SUFFISENT
À PION POUR POSER LE DÉCOR, le ton
et les enjeux de son premier album, 22:22.
Quelques minutes qui contiennent toute la
folie de ces musiciens, anciennement
membres de Blind Digital Citizen, qui se
retrouvent ici dans la joie d’inventer, de
s’abandonner au délire créatif et de faire la
nique aux dogmes musicaux. On pointe
par instants quelques références (à La Mort
d’Orion de Manset, aux écrits de Philip K.
Dick, à La Planète sauvage de René Laloux
ou même à MGMT), mais celles-ci ne
sont jamais trop appuyées et permettent
surtout aux auditeurs d’avancer avec
certains repères au sein de cette œuvre
conceptuelle, presque abstraite parfois,
qui dédaigne les chemins ordinaires de
la pop française pour tendre vers
une musique théâtrale, rétrofuturiste,
à l’écriture singulière.
Ecouter Pion, c’est donc se frotter
à une promesse d’inédits, c’est plonger
dans un monde poétique, audacieux,
défricheur, qui pourrait n’exister que
dans la tête de ces trois “enfants sauvages”,
mais qui semble suffisamment riche et
fantasmé pour trouver un écho chez ceux
qui, comme eux, n’ont d’autre but que
de s’émerveiller. Audacieuse sur le papier,

cette formule fonctionne naturellement
sur 22:22, où François Devulder, Louis
Delorme et Charles Templier prennent
toutes les libertés sur neuf chansons
à entendre comme des récits à entrées
multiples, nourris par l’archéologie, le
fanatisme, l’Antiquité, la mythologie
et l’histoire des bardes, ces poètes d’un
autre temps qui déclamaient leur
poésie dans les villages.
Il y a de ça dans l’interprétation,
messianique et saisissante, de Pion,
quelque chose qui permet au trio de
haranguer l’auditeur (“Unissez-vous !
Détruisez-vous”) et de prouver qu’audaces
rythmiques et structures complexes
peuvent aller de pair avec évidence
mélodique. Au-delà de son esthétique
hybride, ou bien de ses multiples allers-
retours entre space-opéra et free-party,
progressions harmoniques et inclinaisons
synthétiques, 22:22 est un disque rempli
d’hymnes potentiels qui séduisent par leur
immédiateté. Maxime Delcourt

PE Testard

Les Inrockuptibles 28.08.2019 58

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