LeSoir - 2019-08-14

(ff) #1
*^2

Le SoirMercredi 14 et jeudi 15 août 2019


2 à la une


DAVID COPPI
MARTINE DUBUISSON

B


art De Wever, leader de la N-VA,
se plaint publiquement (ce fut
son propos lundi, en conférence
de presse) de ne pas avoir de signal de la
part du PS ; Johan Vande Lanotte, infor-
mateur royal, implore (ça se passe en
coulisses, mais on l’entend jusqu’ici) le
PS de faire un pas, aussi dans l’espoir de
garder son SP.A dans le jeu ; Didier
Reynders, informateur royal lui aussi,
veut que les deux grands partis se
parlent ; des libéraux fustigent, off the
record, « l’hypocrisie » voire « la schizo-
phrénie » du PS où « deux lignes, deux
agendas s’affrontent », et qui « a commis
un péché originel en ostracisant à ce
point la N-VA »... Vous avez dit pression
sur le PS? Difficile de faire plus fort. La

température grimpe aussi dans les mé-
dias : les majorités régionales se des-
sinent, le fédéral est dans l’impasse, que
font la N-VA et... (toujours lui) le PS?
Voilà le contexte. Alors que les négo-
ciations pour la formation d’une nou-
velle majorité suédoise (N-VA, VLD,
CD&V) ont débuté en Flandre, que l’arc-
en-ciel PS-MR-Ecolo (ou la violette PS-
MR) se dessine en Wallonie, et que
Bruxelles a bouclé pour sa part son gou-
vernement (PS, Ecolo et Défi gouvernent
avec VLD, SP.A et Groen), les projec-
teurs se tournent vers le fédéral. Johan
Vande Lanotte et Didier Reynders feront
un point sur leur mission fin de semaine
et remettront leur rapport au Roi le 9
septembre. Et gageons qu’ils ne man-
queront pas de solliciter le PS afin
qu’Elio Di Rupo et Bart De Wever
puissent se rencontrer. Il reste que les so-
cialistes, refusant d’endosser la respon-

sabilité d’un statu quo, reproposent leur
schéma de prédilection : une coalition
fédérale sans la N-VA. Contacté mardi,
un haut responsable du PS calibrait off
the record : « Ce n’est pas le PS qui prend
en otage le pays, il ne faut pas mélanger.
Et nous avons tous en mémoire la coali-
tion Dewael, du nom de la majorité large
qui a permis l’élection du libéral flamand
à la présidence de la Chambre en juin
dernier, contre les partis extrémistes et
contre la N-VA. C’est la voie à suivre. »
La voie à suivre? « Un risque inconsi-
déré par rapport à l’Etat fédéral! », ré-
plique plutôt un MR. Argumentant :
« Laisser la N-VA et le Vlaams Belang,
les deux premiers partis de Flandre,
dans l’opposition, c’est une bombe insti-
tutionnelle et politique! Demain, il y au-
ra alors en Flandre une majorité de sou-
verainistes. CD&V et VLD n’iront pas au
fédéral sans la N-VA. Si le PS refuse de
monter avec la N-VA, on aura des élec-
tions et une majorité N-VA-Belang. » Et
le responsable serait tout désigné : le PS.
On y revient. Parti socialiste (futur allié
du MR en Wallonie, rappelons-le...) qui
serait aussi coupable d’une autre dérive
potentielle, selon les bleus : le grand re-
tour du communautaire, version hard.
Et là, nouveau coup de pression sur le PS.
Dans laDHmardi, Sophie Wilmès, mi-
nistre MR du Budget sortante, attaquait
le socialiste Charles Picqué pour avoir
déclaré (à titre personnel) que la N-VA
devait « envoyer le signal qu’ils sont
prêts à payer un prix socio-économique
en échange de leur confédéralisme » :

« Charles Picqué dit clairement que le
PS est prêt à négocier le confédéralisme
avec la N-VA! (...) Ce grand troc entre le
PS et la N-VA est tout simplement inac-
ceptable pour le MR. » N’en jetez plus!

Quid de Vande Lanotte?
Les informateurs royaux, eux, pour-
suivent leur mission, entre les mines.
« Les discussions sont actuellement très
superficielles », nous confie-t-on. « On
liste les problèmes sans parler des solu-
tions. » Le tempo pourrait-il changer et
des tabous tomber à l’automne?
Lorsque les nuages économiques s’accu-
muleront : un Brexit dur, une crise ita-
lienne, un ralentissement en Alle-
magne? Des « turbulences externes »
qui toucheraient avant tout la Flandre et
pourraient modifier la donne.
En attendant, vendredi soir à la VRT,
John Crombez, président du SP.A, a ex-
pliqué que son parti, écarté des négocia-
tions en Flandre, restait disponible pour
le fédéral pour autant qu’il soit « mathé-
matiquement utile » dans la présumée
future majorité et qu’il puisse y jouer son
rôle à gauche. La porte est très étroite.
Bart De Wever a relancé la suédoise au
nord, préférant l’alliance avec le VLD et
le CD&V. « Au fait, si le SP.A n’est plus
dans le jeu », interroge au passage un li-
béral, « cela aurait-il du sens de conser-
ver un informateur socialiste fla-
mand? ». Johan Vande Lanotte, et Di-
dier Reynders à ses côtés, doivent
convaincre rapidement que leur mission
garde tout son sens.

Le fédéral coince. Vous avez dit


NÉGOCIATIONS


Alors que les négociations flamandes ont débuté, l’équation


fédérale semble toujours insoluble. Les informateurs veulent


convaincre les socialistes de bouger. Les libéraux en rajoutent.


A ce stade, le PS s’accroche à une coalition sans la N-VA.


KROLL


Le « qui perd gagne » en Flandre


Avant les élections, rares
étaient ceux au CD&V qui
espéraient rester au pouvoir
en Flandre. « On s’attendait à
une raclée », confirme une
source au parti. « Il y avait déjà
même un scénario tout tracé
dans lequel on misait unique-
ment sur le niveau fédéral où
on espérait faire l’appoint
d’une future majorité. » On a
donc respiré un grand coup
dans les rangs du parti chré-
tien-démocrate quand Bart De

Wever a finalement choisi
l’option suédoise. « Personne
n’avait envie d’aller dans l’op-
position », glisse un manda-
taire. « Cela peut être sympa
pendant un an, mais après...
Ce n’est pas dans notre ADN. »
Il n’empêche, le fait de rester
aux responsabilités entraîne
de nouveaux problèmes. Le
scénario de base, celui de
l’opposition en Flandre donc,
permettait de sortir de l’ombre
de la N-VA et de l’attitude « un
pied dedans, un pied dehors ».
Il laissait aussi les mains libres
à la très populaire Hilde Cre-
vits afin qu’elle puisse se pré-
senter à l’élection présiden-
tielle. Or, il est désormais très
probable qu’elle rempile en
tant que ministre. « Elle en a
envie. Bien plus que d’être
présidente », glisse un proche.
Le hic, c’est que le parti n’a pas
vraiment d’autres candidats
pour remplacer Wouter Beke.
« Qui d’autre a la capacité de
relever un parti dans de si
mauvais draps? », s’interroge
un membre de la nouvelle
génération qui aimerait qu’on
lui fasse un peu de place. Le
CD&V, qui fut longtemps un
incubateur à Premiers mi-
nistres, manque de leaders
charismatiques potentiels.
Une pénurie qui coïncide avec
ce qu’un observateur qualifie
de « crise existentielle ». « La
grande discussion, au sein du
parti, c’est vers où allons-
nous? », confirme un pessi-
miste. « On reste fort au niveau
local mais cela fait des décen-
nies qu’on est mal dans les
grandes villes. On a raté le
discours écologiste. Les
normes et les valeurs ont
changé depuis vingt ans, pas
nous. » Un élu sortant craint
que son parti devienne inau-

dible dans un
monde toujours
plus polarisé. « Si
on garde la même manière de
communiquer, on ne va jamais
y arriver », conclut un jeune.
Que faire alors? Suivre le
courant emmené par Hendrik
Bogaert et virer à droite
toute? « C’est une position
marginale au sein du CD&V »,
réplique un jeune à la vision
plus sociale. « En plus, le ter-
rain est déjà occupé par trois
autres partis en Flandre.
Même chose à gauche,
d’ailleurs. » « Nous sommes un
parti de solutions, pas de
démagogie », réaffirme un
ancien. Un autre se rassure en
rappelant les succès de Ma-
cron, Obama ou du Canadien
Justin Trudeau. « Le problème
du CD&V, c’est que sa ligne est
incompréhensible. » Un vété-
ran : « Il faut surtout que l’on se
reconnecte avec notre base et
que l’on retourne vers les
piliers de la démocratie chré-
tienne. On a perdu des di-
zaines de milliers de voix à
cause du dossier Arco... »
Les conclusions du groupe des
« douze apôtres », – des dépu-
tés désignés par le parti pour
analyser la défaite du 26 mai –,
seront scrutées attentivement.
Elles devraient former la base
du programme de la nouvelle
présidence même si l’espoir
est mince d’y trouver des idées
révolutionnaires. « On a déjà
fait ça en 2010 et en 2014, sans
résultat. » Le renouveau ne
passera en tout cas pas par la
suppression de la référence
chrétienne dans le nom du
parti. « Ce n’est pas à l’ordre du
jour. Ce serait suicidaire!
Regardez la situation du
CDH », exclut un ancien. MAXIME
BIERMÉ

Le CD&V a évité le pire mais reste en danger


Il est de bon ton,
parmi les observa-
teurs en Flandre,
d’estimer que le SP.A a disparu des
radars, que c’est la fin. Ils exagèrent à
peine. Le fait est qu’après la défaite du
26 mai (le parti ne pèse plus que 10 % au
nord du pays) et le lâchage de Bart De
Wever lundi (qui a retenu le VLD et le
CD&V pour négocier la formation du
gouvernement flamand), la formation
emmenée par John Crombez est grog-
gy. Informateur royal et figure du parti,
Johan Vande Lanotte remue ciel et terre
en coulisses (si c’est possible) pour
ramener le SP.A dans le jeu au fédéral,
donc dans le jeu tout court. Sans cela?
Sans cela, la formation socialiste fla-
mande aura à se « ressourcer » dans
l’opposition, selon l’expression, après
s’être « ressourcée » déjà ces cinq der-
nières années, avec le résultat que l’on
sait. Tensions et querelles menacent de
déstabiliser le parti résiduel. D.CI

SP.A, la bouée fédérale


Fort de ses 800.000 voix,
le Vlaams Belang a mis
une pression maximale à
Bart De Wever mais se
retrouve finalement dans
l’opposition. Une demi-défaite. Le parti
se doutait que la N-VA ne se lancerait
pas dans l’aventure d’un gouvernement
minoritaire. La séquence lui aura néan-
moins permis de communiquer sur son
« nouveau visage ». Reçu par le Roi et
partenaire privilégié de l’informateur
De Wever plusieurs semaines, le Belang
a accumulé les victoires symboliques.
Sans parler de son influence sur la note
de De Wever. Le cordon sanitaire ne
tient plus qu’à un fil. Tom Van Grieken
dispose de cinq années supplémen-
taires pour tenter de le couper définiti-
vement. Il compte bien attiser le mécon-
tentement de tous ceux qui sont aussi
agacés que lui par la reconduction de
« l’alliance des perdants ». M.BMÉ

Les victoires symboliques
du Belang

La coalition Dewael, qui a


élu ce libéral flamand au


perchoir de la Chambre,


contre les partis extrémistes


et la N-VA, est la voie


à suivre Un haut responsable PS


Le 25 août, le gouverne-
ment est censé donner à
l’Europe le nom de son
commissaire européen.
Oui, mais voilà : il est en
affaires courantes, mino-
ritaire, et la nouvelle
équipe loin d’être formée.
Alors? Alors, même si « au
plus vite au mieux, sous
peine d’avoir un porte-
feuille réduit », il nous
revient que « la date du
25 août ne sera pas facile
à tenir ». « Il était impos-
sible de décider tant que
la situation flamande
n’était pas clarifiée... mais
la clarification ne suffit
pas », nous dit-on. MR,
CD&V et VLD, ensemble
au fédéral, et la N-VA,
alliée en Flandre, pour-
raient s’entendre sur un
nom. Mais ils ne repré-
sentent plus une majori-
té. Mêler l’opposition ne
paraît pas plus aisé. Juri-
diquement, rappelle le
Professeur Behrendt
(ULiège), puisque la Bel-
gique a l’obligation de
désigner son commissaire
et que les affaires cou-
rantes supposent de
gérer l’urgence, rien ne
s’oppose à ce que le gou-
vernement propose un
candidat, que le Parle-
ment européen nommera
officiellement. MA.D.

Choisir le
commissaire
européen le 25
août? Difficile...
Free download pdf