LeSoir - 2019-08-14

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Le SoirMercredi 14 et jeudi 15 août 2019

société 9


LIBERTÉ DE LA PRESSE


Une loi pour mettre


les taupes à l’amende...


En pleine campagne électorale 2019, il arrivait encore
au gouvernement Michel de se réunir en Conseil des
ministres. Depuis le départ de la N-VA, on était en
affaires courantes. Mais cela n’a pas empêché le mi-
nistre des Affaires étrangères Didier Reynders (MR) de
faire approuver le 3 mai dernier un « avant-projet de loi
relatif à la classification », en première lecture. Puis
d’envoyer ce texte, pour avis, au Conseil d’Etat.
Ce projet n’a pas encore été rendu pu-
blic. Seul un résumé peu digeste est
disponible sur le site officiel du Conseil
des ministres. En revanche, l’avis remis
fin juin par le Conseil d’Etat est dispo-
nible. Et un passage surprend...
On y apprend que le texte défendu par
le ministre Reynders vise, dans son
article 22, à sanctionner pénalement
toute personne divulguant une informa-
tion classifiée : « Les personnes qui ne
sont pas titulaires d’une habilitation de
sécurité et qui rendent publiques des
informations classifiées (...) sont pas-
sibles d’une amende de cent euros à
cinq mille euros. »
Faut-il en déduire qu’un journaliste ou
un lanceur d’alerte, qui révélerait des informations
classifiées (par exemple sur la sûreté nucléaire), pour-
rait être poursuivi? C’est ce qui semble inquiéter le
Conseil d’Etat. « Conçue de manière aussi large, cette
incrimination pourrait (...) soulever des difficultés au
regard (du) droit à la liberté d’expression et d’informa-
tion. » Deux droits fondamentaux, consacrés par l’ar-
ticle 10 de la Convention des droits de l’homme, écrit
la juridiction.
Le Conseil d’Etat propose dès lors d’ajouter un para-
graphe, qui consacrerait clairement le « droit de révéler
publiquement une faute, un acte répréhensible ou une
activité illégale, à condition que celui qui diffuse l’infor-
mation classifiée ait agi dans le but de protéger l’inté-
rêt public général ».


... qui fait bondir Ecolo


Ce projet reyndersien inquiète Cécile Thibaut, députée
fédérale Ecolo. « Il s’agit clairement d’une attaque
contre la liberté de la presse mais aussi contre la possi-
bilité pour des donneurs d’alerte d’aler-
ter l’opinion publique sur des faits po-
tentiellement graves. On voudrait muse-
ler ou impressionner la presse ou empê-
cher dans le futur de nouveaux Leaks
qu’on ne s’y prendrait pas autrement!
En ce sens, les écologistes ne peuvent
que se réjouir que le vote du texte n’ait
pu aboutir avant la fin de la législature
fédérale. Mais leur vigilance sera totale
pour empêcher le vote d’une telle dis-
position par une majorité de circons-
tance, par exemple avec le soutien de la
N-VA ou d’autres partis. »
Au cabinet Reynders, le ton se veut plus
rassurant. « L’avant-projet doit être
retravaillé et présenté en seconde lec-
ture au Conseil des ministres, avant tout
dépôt au Parlement. La question de l’article 22 – qui
n’est en rien l’objet principal du projet – sera bien
entendu examinée à la lueur des avis et propositions
de solutions qui ont été formulées », notamment par le
Conseil d’Etat. XAVIER COUNASSE


© BELGA.
OCTAVE MOREL

L


a plainte pour crimes de guerre
et crimes contre l’humanité dé-
posée en Belgique, en juin 2017,
contre l’ancien ministre de la Justice
de République démocratique du Congo
Alexis Thambwe Mwamba pourrait
déboucher sur un non-lieu, si la cour
d’appel de Bruxelles devait suivre l’avis
du parquet fédéral. L’homme de 76
ans, qui fut ministre durant de longues
années sous Joseph Kabila, vient tout
juste d’être nommé président du Sé-
nat, le 27 juillet.
Selon les différentes parties du dos-
sier, ce que confirme ledit parquet fé-
déral, le substitut Arnaud D’Oultre-
mont a tracé un réquisitoire concluant
à l’irrecevabilité de la plainte. Le motif
est l’incompétence territoriale de la
Belgique pour certains faits repris
dans la plainte, précise la porte-parole
du parquet, Wenke Roggen. En
d’autres termes, le parquet fédéral es-
time que la justice belge – qui a, fut
un temps, largement utilisé sa compé-
tence universelle pour juger des crimes
de guerre – n’est pas compétente pour
juger les faits reprochés à Alexis
Thambwe. La chambre des mises en
accusation siégera à ce propos le 24
octobre. Il s’agira de la première au-
dience dans ce dossier.

Les 50 morts du vol
de la Congo Airlines
Et quels sont ces faits reprochés? Ils
sont graves. En juin 2017, l’avocat
belge Alexis Deswaef, mandaté par la
Ligue congolaise contre la corruption
(Licof ), a déposé une plainte avec
constitution de partie civile dans les
mains du juge d’instruction Michel
Claise pour l’abattage en plein ciel

d’un Boeing 727 de la Congo Airlines
avec 50 personnes à bord, essentielle-
ment des civils, le 11 octobre 1998,
alors qu’il décollait de l’aéroport de
Kindu. Alexis Thambwe, alors porte-
parole du Rassemblement congolais
pour la démocratie (RCD), avait reven-
diqué les faits au nom du mouvement,
sur les ondes de RFI. Il y avait expli-
qué que l’avion transportait des mili-
taires de l’armée congolaise.
MeLaurent Kennes, avocat d’Alexis
Thambwe, se félicite de la décision du
parquet fédéral, et précise que son
client, en tant que porte-parole, ne
peut pas être identifié comme com-
manditaire de l’attentat de 1998 car il
n’aurait posé aucun acte en lien avec
cet événement. Il considère également
que la majeure partie des faits repro-
chés à M. Thambwe ne concerne pas
la Belgique.

Faits imprescriptibles
Du côté des parties civiles, MeDeswaef
est bien évidemment d’un avis
contraire. « M. Thambwe est domicilié
à Uccle, sa femme et ses enfants sont
belges. De plus, au moment du crime,
en 1998, il est résident permanent en
Belgique. On ne peut pas avoir le
beurre et l’argent du beurre! C’est une
fiction de dire que M. Thambwe n’était
pas résident belge, alors que juste-
ment, tout l’enjeu du droit internatio-
nal est d’éviter l’impunité. Et ces
crimes qui lui sont reprochés sont im-
prescriptibles », martèle l’avocat, qui
défend aussi les intérêts du bâtonnier
du barreau de Lubumbashi, Jean-
Claude Mouyambo, qui a déposé
plainte pour tortures contre Alexis
Thambwe.
D’autres charges instruites par le
juge Michel Claise, de nature finan-
cière (blanchiment, détournement de
fonds...), pèsent cependant contre
Alexis Thambwe. Ainsi, comme l’avait
révélé La Libre Afrique, le juge Claise
a eu de nombreuses questions à poser
à l’actuel président du Sénat congolais
au sujet de l’achat pour 625.000 euros
d’un appartement de l’avenue de l’Ob-
servatoire, à Uccle, par virements ban-
caires, alors que le couple Thambwe
ne paye pas d’impôts depuis cinq ans.
MeLaurent Kennes balaye ces accusa-
tions, affirmant que l’origine des fonds
est tout à fait légitime et traçable.
La chambre des mises en accusation
de Bruxelles aura la charge de démêler
les fils de l’intrigue et offrir un cadre à
la procédure. La recevabilité – ou
non – de la plainte pour crimes de
guerre et crimes contre l’humanité en
changera bien évidemment la nature.

Un répit pour le président


du Sénat congolais
JUSTICE

Le nouveau président


du Sénat congolais


fait l’objet d’une plainte


pour crimes de guerre


et crimes contre


l’humanité en Belgique.


Le réquisitoire


du parquet conclut


à l’irrecevabilité


de la plainte.


Alexis Thambwe est visé par une
plainte pour crimes de guerre
et crimes contre l’humanité déposée
en Belgique, en juin 2017. © AFP.

C’était il y a 21 ans, dans une tout autre
époque. La guerre fait alors rage entre
le tout jeune mouvement rebelle du
Rassemblement congolais pour la
démocratie (RCD), né en août 1998.
Opposé à Laurent-Désiré Kabila, au
pouvoir à Kinshasa, il reçoit l’appui du
Rwanda et de l’Ouganda voisins. Alexis
Thambwe Mwamba, alors âgé de 55
ans, est un cadre et le porte-parole de
ce RCD. Le 18 octobre 1998, à l’aéro-
port de Kindu, à 1.200 km de Kinshasa,
un Boeing 727 de la Congo Airlines est
abattu par un tir de missile alors qu’il
venait de décoller. A son bord, 43 civils,
surtout des femmes et enfants, et sept
membres d’équipage. Le lendemain,
Alexis Thambwe revendique l’attaque
sur RFI au nom du RCD, précisant que
l’avion allait atterrir à Kindu et était
rempli de militaires pro-Kabila, ce qui
était faux. O.ML.

50 morts jusqu’ici impunis


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© DR.
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