42 - Potager pratique
Dossier
44 - Potager Bio de saison n°5Les légumes au Moyen-âge
Que cultivait-on au Moyen-âge en Europe occidentale? Découvrez les fruits et légumes autorisés ou
interdits ainsi que leur histoire.I
l ne suffit pas de reconnaître comme
comestibles des fruits et des légumes
pour qu’ils soient consommés. Ils sont
le symbole d’un statut social ou des idées
d’une époque sur la diététique : la période
médiévale réservait les légumes (trop
proche de la terre) à la consommation po-
pulaire et préférait la consommation des
fruits (plus aériens, donc proche du ciel)
pour les élites. D’après l’historien Jean-
Louis Flandrin, on trouve seulement 9 %
de recettes de légumes dans les livres de
cuisine du 14e et du 15e siècle, contre 21 %
à partir du 18e siècle. On trouve également
davantage de recettes de légumes dans
les livres du bassin méditerranéen (Italie,
Catalogne) : survivance des traditions ro-maines et influences de la culture arabe
pour les pays du sud, influence des tradi-
tions germaniques pour les pays du nord?LES INTERDITS
Voici les légumes encore inconnus au 12
ème et 13 ème siècles :
Pomme de terre, tomate, haricots de
toutes sortes, courgette, courge, potiron,
maïs, poivron sont originaires d’Amé-
rique et ne viendront en Europe qu’à par-
tir de la Renaissance.
L’aubergine est d’origine asiatique et sa
propagation à l’ouest sera faite par les
Arabes. Elle sera cultivée dans l’Espagne
médiévale et progressivement autour du
bassin méditerranéen mais le mot auber-
gine n’apparaît en français qu’en 1750!
Les endives, les choux de Bruxelles, les
betteraves, la chicorée... toutes les
plantes qui ne sont pas reprises dans lesplantes autorisées n’avaient pas encore
été acclimatées ou bien sélectionnées au
Moyen-âge. Elles sont donc interdites.LES HABITUELS
Les légumes qui suivent nous sont bien
connus aujourd’hui, bien que dans cer-
tains cas les espèces aient évolué depuis
cette époque. Le capitulaire De Villis de
Charlemagne (ordres de Charlemagne à
destination des gouverneurs de ses do-
maines) comprend une liste de 90 espèces
à planter obligatoirement dans les cloîtres
et les jardins de l’empire. Parmi elles, des
herbes médicinales et des herbes aroma-
tiques pour préparer remèdes, tisanes et
onguents, mais aussi des herbes condi-
mentaires pour relever les plats.Ail
Cultivé et consommé depuis des millé-Aujourd’hui beaucoup de monastères
possèdent un jardin (plus ou moins)
conforme au capitulaire De Villis.Potager Bio de saison n°5 - 45naires, l’ail est très commun au moyen âge
et se consomme comme un légume. Il est
connu et apprécié pour sa capacité à flui-
difier le sang.Artichaut
Originaire du monde arabe, l’artichaut est
d’abord acclimaté en Italie où il devient
très commun, avant de franchir les Alpes
durant la Renaissance.Asperge
Connue et très appréciée au moyen âge,
l’asperge est un mets de luxe, propre à fi-
gurer sur les tables seigneuriales.Carotte
Il semble que la carotte médiévale soit dif-férente de celle que nous connaissons, la
« longue orange » qui fut inventée en Hol-
lande au 17ème siècle. Au moyen âge la ca-
rotte est plutôt une variété longue, jaune
et ligneuse.Le Ménagier de Paris de 1393 décrit la ca-
rotte comme une racine rouge vendue aux
halles par poignée.
Une espèce apparentée, le panais, est
connu et distinguée au moyen âge. Les re-
cettes indiquent une préparation iden-
tique à la carotte. Les enluminures repré-
sentent le panais comme une de nos
grosses carottes communes.Céleri
Le céleri branche est cultivé depuis l’anti-
quité dans le sud de l’Europe, s’étendant
au nord vers la fin du moyen âge.Champignons
La consommation de champignons est
habituelle au moyen âge mais sa culture
n’existe pas encore (donc pas de champi-
gnons de Paris). Les champignons
poussent à l’état sauvage et sont ramassés
en forêt.Châtaigne
La châtaigne n’est pas encore cultivée auLes plantes admises dans un jardin
médiéval sont toutes les plantes sauvages
ou cultivées connues en Europe.Les concombres, pois chiche, céleris,
carottes, choux, poireaux, pois, laitues, ail,
oignons, échalotes...) étaient déjà connus et
consommés au Moyen-âge!Recette de la porée
La porée, véritable plat identitaire de toute une époque, se présente comme
une soupe épaisse de feuilles vertes, d’oignons, de pain, que l’on fait cuire lon-
guement dans un chaudron posé sur un lit de braises. Il en existe de plus raffi-
nées, au lait d’amandes ou à la viande; on en trouve de vertes, noires ou
blanches, pour les palais délicats. Le terme est parfois même synonyme de
repas, tout simplement.
Lorsque la ménagère prépare actuellement une soupe de légumes, elle n’in-
dique pas forcément tout ce qu’elle y met. Cela sous entend une base clas-
sique (poireau, pomme de terre à notre époque) à laquelle se rajoute des lé-
gumes de saison. Il semble qu’il en soit de même pour la porée médiévale.
Quelques légumes de base sont mentionnés dans certaines recettes : poireau,
blette, arroche ou épinard, parfois bourrache ou cresson. Mais la porée est ou-
verte à toute une gamme d’herbes sauvages ou de légumes verts. Plusieurs de
ces herbes sont des cousines de l’épinard, de la famille des chénopodes, peu à
peu délaissées au profit de l’épinard. Arroche, bourrache et chénopode
bon-henri sont actuellement des herbes oubliées qu’on redécouvre chez les
grainetiers spécialisés.
La porée est plus ou moins épaisse selon la recette, elle va de la soupe à la
purée.
Pour faire une porée, comme au Moyen-âge, coupez les feuilles en petits mor-
ceaux, lavez à l’eau chaude et faites bouillir un peu. Puis essorez bien et pilez au
mortier, ou hachez au couteau, puis ajoutez de la graisse animale et cuire long-
temps. Certains cuisent au lard. D’autres ajoutent de la farine de gruau.
Liste des herbes à porée :
Arroche, Blette, Bourrache, Chénopode bon-henri, Cresson, Epinard, Poireau,
etc.Les légumes oubliés