Le Monde - 14.08.2019

(Ron) #1

14 |culture MERCREDI 14 AOÛT 2019


0123


Fast & Furious... 1 897 903 809 897 903
Le Roi Lion 4 704 320 678 ↓ – 26 % 7 657 283
Comme des bêtes 2 2 394 734 731 ↓ – 24 % 1 105 615
C’est quoi cette mamie?! 1 315 471 425 315 471
Playmobil, le film 1 132 987 604 132 987
Toy Story 4 7 110 094 584 ↓ – 12 % 4 122 478
Spider-Man : Far from
Home
6 99 468 473 ↓ – 31 % 3 003 374

Crawl 3 52 251 447 ↓ – 43 % 401 733
Annabelle... 5 44 726 321 ↓ – 37 % 868 805
Anna 5 33 475 345 ↓ – 30 % 673 536

Nombre
de  semaines
d’exploitation

Nombre
d’entrées  (*)

Nombre
d’écrans

Evolution
par  rapport
à  la  semaine
précédente

Total
depuis
la  sortie

AP  :  Avant première
Source  :  « Ecran  total »

*  Estimation
Période  du  7  au  11  août  inclus

En tête du classement à l’issue du week­end, avec près de 900 000 en­
trées depuis sa sortie mercredi 7 août, Fast & Furious : Hobbs & Shaw a
détrôné Le Roi Lion (704 320 entrées). Mais les aventures du petit
fauve se taillent la part belle : la saga de Disney cumule plus de
7,5 millions d’entrées et pourrait devenir le plus gros succès de l’an­
née devant Avengers : Endgame (6,9 millions d’entrées). Notons que
cette semaine, les deux films qui caracolent en tête occupent un
quart des écrans de cinéma : Fast & Furious : Hobbs & Shaw est distri­
bué à hauteur de 809 copies, tandis que Le Roi Lion en dispose de 678,
soit 1 487 copies sur un total d’environ 5 900 écrans en France (répar­
tis dans 2 040 établissements). Troisième sur le podium, Comme
des bêtes 2 franchit le million d’entrées, tandis que C’est quoi cette
mamie?! et Playmobil, le film occupent respectivement
les quatrième et cinquième places. En septième semaine, Toy Story 4
est en sixième position avec plus de 4 millions d’entrées.

LES MEILLEURES ENTRÉES EN FRANCE


Une poétique chronique enfantine


Le Japonais Hiroyasu Ishida effectue un réjouissant mélange des genres


LE  MYSTÈRE  DES


PINGOUINS


D


ans un été riche en
animation japonaise
(quatre films en six se­
maines), Le Mystère
des pingouins ajoute une nouvelle
pièce, remarquable, au panorama
qui se dessine de la création ac­
tuelle, largement défriché en
amont par la dernière édition du
Festival d’Annecy. Le film est
l’œuvre d’un jeune animateur, Hi­
royasu Ishida, né en 1988, qui s’est
fait connaître en publiant sur sa
page YouTube, sous le pseudo­
nyme « Tete », une série de courts­
métrages originaux et poétiques,
dont le drôlissime La Confession
de Fumiko (2009) qui lui a valu de
récolter, à 21 ans seulement, et
alors qu’il était encore étudiant à
l’université de Kyoto Seika, un
beau bouquet de récompenses.
Son premier long­métrage, le
premier également produit par le
Studio Colorido, est l’adaptation
du roman de science­fiction Pen­
guin Highway (2010), de Tomihiko
Morimi, d’où il tire son univers à
la fois quotidien et farfelu, ici clai­

rement rééquilibré à destination
d’un public enfantin.
Dans une petite ville comme
beaucoup d’autres, une invasion
de pingouins inexpliquée suscite
l’étonnement de la population et
pique la curiosité de l’élève
Aoyama, enfant surdoué et
plongé dans l’étude des sciences,
qui décide d’enquêter sur cet
étrange phénomène. Avec l’aide
de deux amis de sa classe, il décou­
vre que les animaux suivent un
même sentier à travers la forêt, les
menant vers une prairie isolée où
gît en lévitation une étrange
sphère aqueuse, qui semble réagir
à la présence humaine.
Aoyama entraîne dans sa recher­
che l’assistante du cabinet den­
taire voisin, avec laquelle il s’en­
tend bien et joue régulièrement
aux échecs après les cours. Secrè­
tement sensible à ses charmes, il
se rend compte qu’elle n’est pas
pour rien dans l’apparition des
pingouins, créatures artificielles
issues de la métamorphose de
n’importe quel objet courant.
Le Mystère des pingouins prati­
que un réjouissant mélange des
genres, entre chronique enfantine
à l’environnement très familier


  • ces territoires déjà bien balisés


que sont les petites villes, la classe,
la maison familiale –, un récit d’in­
vestigation geek agitant des no­
tions scientifiques et, enfin, sa
poésie surréaliste qui s’assume
comme telle, sans en recourir à
l’argument du merveilleux.

Avec malice et douceur
Hiroyasu Ishida opte pour une
mise en scène transparente, éton­
namment peu stylisée, proche de
ses personnages, sachant prendre
son temps, varier les situations et
donner de l’assise à sa fantaisie.
Son trait fin et rond, ses couleurs
quotidiennes, son cours imprévi­
sible, son humour léger, parachè­
vent cette esthétique non tapa­
geuse, qui consiste à « naturali­
ser » l’extraordinaire.
A travers la quête d’Aoyama et les
figures extravagantes qu’elle mo­
bilise (des monstres nommés
« Jabberwocks »), le film s’attache à
un motif peu courant, à savoir l’at­
tirance du garçon pour une
femme adulte (aux formes plantu­
reuses) et la relation affective qui
les lie par­delà la différence d’âge.
Là encore, Ishida se garde bien de
verser dans le scabreux, mais
aborde avec malice et douceur ces
premiers émois physiques de la

tendre adolescence. Toute la part
fantastique du film peut être ra­
menée à cet amour hors norme.
Pingouins, monstres et sphère ne
sont peut­être pas autre chose que
les ressorts sublimés d’une pu­
berté en éveil, un cheminement
possible de l’adolescent vers une
sensualité encore inaccessible.
Au cœur du système symbolique
du film trône l’eau, élément pro­
téiforme générant des bataillons
de créatures chimériques, mais
pouvant retomber d’un instant à
l’autre au sol comme une flaque
ou un rêve trop vite évaporé.
La plus belle scène du film n’est
autre qu’un voyage énigmatique
au cœur de la sphère aqueuse, où
les personnages découvrent une
ville incohérente et renouent éga­
lement avec leurs souvenirs en­
fouis. Porteur de l’animisme carac­
téristique de l’animation japo­
naise, Le Mystère des pingouins
n’hésite pas à frayer avec le mys­
tère intime et métaphysique, se
montrant ainsi capable de stimu­
ler aussi bien le jeune public que
les parents qui l’accompagnent.
mathieu macheret

Film d’animation japonais
d’Hiroyasu Ishida (1 h 48).

Un western noir aux accents freudiens


Réalisé en 1946, « La Vallée de la peur », avec Robert Mitchum, sort en DVD et Blu­ray


DVD


P

our son édition en DVD/
Blu­ray de La Vallée de la
peur, de Raoul Walsh, l’édi­
teur Sidonis a mis les petits plats
dans les grands. Le film est en ef­
fet accompagné de la réédition
complète de l’ouvrage, paru
en 2001 et écrit par Michael Wil­
son, consacré à ce géant d’Hol­
lywood que fut le réalisateur du
film. On trouvera aussi une inter­
vention, en bonus, de Bertrand
Tavernier et de l’historien du ci­
néma Patrick Brion. Ce n’est que
justice. Réalisé en 1946, ce western
dépasse en complexité et niveau
de lecture la plupart des produc­
tions contemporaines du même
genre. Il s’agit tout autant d’un
drame freudien que d’une tragé­
die antique déplacée au Nouveau­
Mexique à la fin du XIXe siècle.
A l’origine du projet, il y a
l’auteur du scénario, le shakespea­
rien Niven Busch, journaliste et
romancier. Il avait été l’auteur du
script de L’Incendie de Chicago, de
Henry King, en 1938, du Cavalier
du désert, de William Wyler,
en 1940, et, surtout, du flam­
boyant Duel au soleil, de King Vi­
dor, en 1946. Pour donner une
existence filmique à son récit,
Bush s’associe avec le producteur

Milton Sperling et le réalisateur
Raoul Walsh. Le film est une pro­
duction indépendante qui sera
distribuée par la Warner. Busch
tire son inspiration d’un authenti­
que récit de l’Ouest. Après avoir
exterminé toute une famille au
cours d’une action vengeresse, un
clan a adopté l’un des enfants sur­
vivants de la famille massacrée.
C’est toute une interrogation sur
le devenir de celui­ci qui a motivé
le scénariste.

Une violence enfouie
Robert Mitchum incarne Jeb
Rand, un homme dont la famille a
été tuée sous ses yeux, alors qu’il
était enfant. Le traumatisme ini­
tial a été refoulé par le jeune gar­
çon qui n’en saisit que des bribes
confuses pendant ses cauche­
mars et qui a été adopté par une
femme (Judith Anderson), mem­
bre du clan massacreur, les Cal­
lum. Celle­ci l’élève avec ses deux
enfants. Le frère (incarné par
Dean Jagger en inquiétant man­
chot machiavélien) de cette mère
adoptive, a juré l’élimination to­
tale de la famille Rand et fera tout
pour tuer ou faire tuer celui qui
fut un enfant survivant et qui,
quelques années plus tard, va
tomber amoureux de sa sœur
d’adoption.

Si le cinéma américain se distin­
gue par une exaltation de l’action
comme la mesure de toute exis­
tence et de toute morale, on peut
dire que La Vallée de la peur ne
remplit pas exactement ce pro­
gramme. Jeb Rand est l’objet de
forces obscures. Il est à la fois dé­
muni et mû par une violence en­
fouie, resurgissant par éclairs et
dont il ne parvient pas à trouver
l’origine. Autant qu’un western le
film est une sorte de film noir,
genre qui éclôt dans l’immédiat
après­guerre et qui se nourrit des
névroses engendrées par la vio­
lence de l’histoire et une manière
de réprimer un passé trop doulou­
reux. L’interprétation de Robert
Mitchum est cruciale et confère à
son personnage l’innocence opa­
que d’un homme qui est le jouet
de forces plus grandes que lui.

Mais au­delà du simple récit
freudien, on peut voir dans La Val­
lée de la peur le modèle d’une tra­
gédie où les hommes sont la proie
de forces métaphysiques qui les
broient. Le choix des décors natu­
rels du Nouveau­Mexique, falai­
ses rocheuses vertigineuses et dé­
sert aride, les partis pris de mise
en scène de Walsh, filmant de très
loin des cavaliers perdus au mi­
lieu d’une nature loin de toute
échelle humaine, accentuent
cette impression.
La photographie de James Wong
Howe, inspiré par les leçons de
l’expressionnisme, construisant
une lumière et des contrastes par
moment détachés de tout réa­
lisme, contribue à une stylisation
qui plonge le spectateur au cœur
d’un univers intérieur et abstrait.
La dimension « adulte », et même
scandaleuse du film (on effleure
l’inceste dans l’histoire d’amour
entre Jeb Rand et Thor Callum, in­
carnée par Teresa Wright) valut au
film quelques ennuis avec la cen­
sure dans certains Etats qui en in­
terdirent la projection.
jean­françois rauger

La Vallée de la peur, 1 DVD/
Blu­ray. Sidonis. Film américain
de Raoul Walsh. Avec Robert
Mitchum, Theresa Wright.

Robert Mitchum
incarne Jeb Rand,
un homme dont
la famille a été
tuée sous ses
yeux, alors qu’il
était enfant

Des
pingouins
envahissent
une petite
ville.
WILD BUNCH
DISTRIBUTION

L E S


F I L M S


D E


L A


S E M A I N E


Retrouvez l’intégralité des critiques
sur Lemonde.fr

   C H E F - D ’ Œ U V R E
Once Upon a Time in... Hollywood
Film américain de Quentin Tarantino (2 h 41).

   À V O I R
L’Intouchable (Harvey Weinstein)
Documentaire américain d’Ursula Macfarlane (1 h 35).

Je promets d’être sage
Film français de Ronan Le Page (1 h 32).

Le Mystère des pingouins
Film d’animation japonais d’Hiroyasu Ishida (1 h 48).

   P O U R Q U O I PA S
Le Gangster, le Flic & l’Assassin
Film coréen de Lee Won­tae (1 h 50).
Un tueur en série s’attaque à un chef de gang qui survit à
l’agression. Le truand décide dès lors d’utiliser tous les moyens
pour traquer l’homme et se venger, doublant ainsi, avec des
méthodes plus drastiques et plus brutales, l’enquête de la
police. Le policier chargé des recherches se voit ainsi doté d’un
douteux allié objectif qu’il lui faudra empêcher de tuer le
meurtrier même si, entre les deux hommes, se noue une
étrange relation, faite de compétition et d’estime forcée.
Sur le schéma de l’alliance problématique entre la pègre et la
police pour traquer un dangereux assassin, le film de Lee
Won­tae mélange violence et humour, conforme en cela à
toute une tradition du polar coréen contemporain. Le film ne
sort néanmoins d’aucun sentier battu. Il additionne des péri­
péties diverses selon un schéma déjà connu, reproduisant les
caractéristiques du genre et évitant ce qui en faisait l’intérêt :
un regard politique et parfois paradoxal sur la société sud­co­
réenne d’aujourd’hui. j.­f. r.

Nuits magiques
Film italien de Paolo Virzi (2 h 05).
Rome, début des années 1990. Trois jeunes aspirants scénaris­
tes sont entendus par la police après la découverte du corps
d’un producteur de cinéma précipité dans le Tibre avec sa voi­
ture. A travers le récit, ramassé sur plusieurs jours, des trois
personnages se dessine une satire des milieux du cinéma
italien saisi à un moment où le septième art transalpin traver­
sait une crise profonde. Foire aux vanités, mégalomanie,
ressentiment, combinaisons diverses, jalousies mortelles
caractérisent un petit monde auquel rêvent d’appartenir les
trois jeunes gens. Si elle n’est pas dénuée d’une certaine com­
plaisance, son amertume a d’autant plus de saveur qu’elle ne
repose sur la possibilité d’aucune nostalgie. j.­f. r.

À L’A F F I C H E É G A L E M E N T
Dora et la cité perdue
Film américain de James Bobin (1 h 42).

Perdrix
Film français d’Erwan Le Duc (1 h 39).
A l’affiche cette semaine, Perdrix, premier long­métrage de
notre collaborateur Erwan Le Duc, journaliste au service Sport,
a été présenté en mai, à Cannes, à la Quinzaine des réalisa­
teurs. Comme pour les livres écrits par les rédacteurs du
Monde, nous ne faisons pas de critique de ce film, mais pré­
sentons un résumé de l’intrigue de cette comédie amoureuse.
Pierre Perdrix (Swann Arlaud) est un gendarme dont la vie
métronomée, dans un village des Vosges, aux côtés de sa
mère, veuve (Fanny Ardant), de son frère (Nicolas Maury) et de
sa nièce (Patience Munchenbach), est bousculée par sa rencon­
tre avec Juliette Webb (Maud Wyler), une jeune femme qui
prétend s’être fait voler sa voiture par un commando
de nudistes sévissant dans la région. Un lien amoureux
se tisse entre le gendarme et la plaignante, qui va secouer
une cellule familiale passablement névrosée.
Sur Lemonde.fr, lire le portrait de Swann Arlaud
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