Ecoute - 09.2019

(Sean Pound) #1
Fotos: Didier Zylberyng/Alamy Stock Photo (2); Vincent Noyoux

marche, Bernard Leroux, notre hôte au
gîte du Rey, nous raconte l’histoire des Ca-
misards, mais aussi des protestants d’au-
jourd’hui. « Ils sont encore très présents
dans les Cévennes. Ils continuent d’aller
au temple et de se faire enterrer dans leur
jardin ». Cette dernière tradition remonte
à la révocation de l’Édit de Nantes (1685),
quand les protestants n’étaient pas admis
dans les cimetières catholiques.
Notre yourte est si chaude qu’on
préfère passer la nuit à la belle étoile.
On fait bien : le ciel du Parc national
des Cévennes a récemment été classé
« Réserve internationale de ciel étoilé »,
devenant ainsi la plus grande réserve de
ce type en Europe. Dans l’air frais de la
nuit, la voie lactée nous hypnotise...

De l’eau et encore de l’eau
Notre troisième étape est placée sous
le signe de l’eau. Il y a d’abord celle de la
transpiration des parents, car il faut tout
empaqueter et harnacher l’âne avant les
grandes chaleurs. Nous voilà en nage
avant d’avoir fait le premier pas! Puis
c’est l’eau du Dourdon où l’on se baigne
à mi-parcours dans des vasques couleur
menthe à l’eau. À peine sorti de la rivière,
on est déjà sec. L’âne, lui, se rafraîchit à
l’ombre d’un arbre. Notre petite troupe a
trouvé sa vitesse de croisière. Les jambes
sont fourbues mais avancent, le corps
s’habitue à la canicule. Nous lisons mieux
la carte, même si le doute est toujours
permis : prendre à droite, à gauche? Quant
à l’âne, nous comprenons de mieux en
mieux ses tocades. Il a tout simplement
sa propre logique. Son confort dicte ses
choix. Il préfère marcher à l’ombre, là où
l’herbe est abondante. Il refuse de retour-
ner sur ses pas : logique, il est censé avan-
cer. Et il aime sentir un sol solide sous ses
sabots. C’est pourquoi il préférera faire
un détour plutôt que de s’engager sur une
petite passerelle en bois.
Fin d’après-midi. Un pont de pierre
enjambe la rivière et mène à une ferme
fortifiée sur un roc. Des restanques (ter-
rasses) entourent ce promontoire habité,
tout droit sorti du Moyen Âge. Les petites
maisons en schiste ou maset du gîte du
Lauzas se confondent avec la pierre. La
châtaigneraie autour a disparu, mais nos
hôtes la perpétuent à leur façon : le repas
est entièrement fait à partir de châtaignes.
À table, on sympathise avec une autre

famille accompagnée d’un âne. On par-
tage les mêmes expériences : les sacoches
qu’il faut sans cesse rééquilibrer, les er-
reurs d’orientation, et les caprices de l’âne.
Le soir, le ciel tonne. Un orage se
prépare. Bientôt, des trombes d’eau s’abat-
tent sur notre vallée encaissée. On parle
d’« épisode cévenol » lorsque ces pluies
sont provoquées par les nuages issus
de la rencontre de l’air chaud venu de la
Méditerranée et de l’air froid venant du
Nord. Il peut tomber en quelques heures
ou quelques jours l’équivalent de plu-
sieurs mois de précipitations, entraînant
de graves inondations, des coulées de
boue et des glissements de terrain. Notre
orage s’arrête durant la nuit.

Le ravin de l’Enfer
Le lendemain, nous quittons notre char-
mant petit bout du monde. Une longue
étape nous attend. Hélas, nous nous éga-
rons dès le début sur un sentier forestier.
Difficile de manœuvrer Réglisse sur la
pente. Il faut grimper sous le soleil, puis
dévaler des pentes raides en forêt, tra-
verser des petits hameaux en pierre. Nos
chemisettes sont à essorer. Une source
naturelle nous offre son ombre et son
eau providentielle. Puis, c’est encore une
longue marche jusqu’au dernier obstacle :
le ravin de l’Enfer. Le sentier longe un pré-
cipice aussi beau que dangereux jusqu’au
hameau du Salson. Situé à mi-pente, au
centre des terrasses cultivées, le hameau
est le mode d’habitat le plus fréquent
dans ces vallées isolées. Les enfants sont
épuisés, les parents aussi. Même Réglisse
soupire de soulagement quand on lui
retire son bât. Horreur! On découvre une
plaie saignante sur son ventre. La lanière
de son bât a frotté sans relâche toute la
journée, et le pauvre a souffert le martyre
sans rien dire. Un désinfectant calmera la
plaie pendant la nuit. Au gîte, l’accueil est
aussi chaleureux que la cuisine est bonne.
Nous dînons devant le spectacle des col-
lines enflammées par le coucher de soleil.
Notre dernière étape nous conduit à
Castagnols, notre point de départ. Est-ce
le relief plus plat ou l’expérience de ces
dernières journées? Nous avançons vite
et bien en forêt jusqu’au col de Chalsio.
Trop vite, même. Nous voulons ralen-
tir, retarder notre arrivée. L’âne fait des
pauses contemplatives, Andréa sur son
dos. Simone, qui n’avançait pas le premier

VOYAGE |


22 9 · 2019 ÉCOUTE


enterrer [ teʀe]
, beerdigen
remonter à
, zurückgehen auf
la révocation
, der Widerruf
la réserve internationale
de ciel étoilé
, das Lichtschutzgebiet
la voie lactée [vwalakte]
, die Milchstraße
empaqueter [ pakte]
, verpacken
harnacher [aʀnaSe]
, anschirren
en nage
, schweißgebadet
la vasque
, die Gumpe
la vitesse de croisière
,^ der feste Rythmus
fourbu,e
, erschöpft; hier: müde
la canicule
, die Hitze
quant à... [kta]
, was ... betrifft
la tocade [tOkad]
, die Marotte
abondant,e
, üppig
retourner sur ses pas
, umkehren
être censé,e faire qc
, eigentlich etw.
tun sollen
s’engager sur
, hier: gehen über
la passerelle [pasʀɛl]
, die Fußgängerbrücke
enjamber [Zbe]
, überspannen
fortifié,e
, befestigt
le promontoire
, das Vorgebirge
tout droit sorti,e de
, direkt aus
se confondre avec
, verschmelzen mit
la châtaigneraie
, der Kastanienwald
perpétuer [pɛʀpetɥe]
, fortbestehen lassen


la sacoche [sakOS]
, die Satteltasche
rééquilibrer [ʀ eekilibʀe]
, wieder ins Gleich-
gewicht bringen
tonner [tOne]
, donnern
les trombes (f) d’eau
s’abattent
, es schüttet
la précipitation
, der Niederschlag
entraîner
, mit sich bringen
l’inondation (f)
, die Überschwemmung
la coulée de boue [bu]
, die Schlammlawine
le glissement de terrain
, der Erdrutsch
hélas [elAs]
, leider
s’égarer
, sich verlaufen
dévaler
,^ schnell hinunterlaufen
la chemisette
, das kurzärmelige
Hemd
essorer [esOʀe]
, auswringen
la source
, die Quelle
providentiel,le
, vom Himmel gesandt
l’obstacle [lOpstakl] (m)
, das Hindernis
le précipice
, der Abgrund
cultivé,e
, bearbeitet, bepflanzt
soupirer
, seufzen
le soulagement
, die Erleichterung
la plaie [plɛ]
, die Wunde
la lanière [lanjɛʀ]
, der Riemen
frotter
, reiben
sans relâche
, ununterbrochen
enflammé,e
, brennend
le relief [ʀəljɛf]
, die Oberflächengestalt
le col [kOl]
, der Pass
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