JOËL SAGET/AFP - MATTHIEU ALEXANDRE - JOËL SAGET/AFP - CHRISTOPHE MORIN/IP3 L’OBS/N°2858-15/08/2019 31
ENQUÊTE
Ç’aurait dû être une vente banale, comme l’Etat en
a fait des dizaines depuis 1986... Mais la cession
du groupe Aéroports de Paris est devenue un
symbole de la résistance à la politique économique
d’Emmanuel Macron. Qu’est-ce qui a coincé ?
Par CLÉMENT LACOMBE et CLAUDE SOULAL
a conjuration est née dans des
toilettes du troisième étage de
l’Assemblée nationale. Ce jour
d’avril, les députés socialistes
Valérie Rabault et Boris Vallaud
ainsi que l’élue des Républicains (LR)
Marie-Christine Dalloz rejouent les débats
près des lavabos. Deux sont de gauche,
l’autre est de droite, mais tous trois se
rejoignent dans leur opposition au projet
de privatisation d’Aéroports de Paris (ADP).
La députée LR du Jura glisse alors aux
socialistes : « Et si on tentait d’organiser un
référendum sur le sujet ? » Et c’est ainsi qu’a
commencé le thriller économico-politique
de l’été – et sans doute de l’automne! Com-
ment la cession d’une entreprise quasi
inconnue du grand public a-t-elle pu deve-
nir une aff aire d’Etat, fédérer une large
fronde allant des « insoumis » à une partiede la droite, et engendrer une grande pre-
mière institutionnelle? Une vaste cam-
pagne de signatures a en eff et été lancée
pour organiser un référendum sur le sujet,
et elle a déjà séduit 600 000 citoyens.
Dans le bâtiment Colbert de Bercy se
trouve l’Agence des Participations de l’Etat
(APE), qui gère tous les intérêts publics
dans des entreprises, soit un trésor de
90 milliards d’euros. De petits trophées en
cristal, donnés à la fi n d’une opération par
les banquiers d’aff aires aux clients qu’ils ont
conseillés – l’Etat, donc –, sont exposés dans
les salles de réunion. Ici, celui qui célèbre la
privatisation de Renault ; là, celui qui rap-
pelle la fusion de GDF avec Suez ; un autre
encore pour l’ouverture du capital d’EDF.
Une privatisation comme celle d’ADP, l’Etat
en a mené plusieurs dizaines, droite et
gauche confondues, même sous leLes députés Valérie Rabault (PS), Boris Vallaud (PS) et Marie-Christine Dalloz (LR) ont eu
l’idée d’un référendum sur la vente d’ADP en avril. Plus de 240 parlementaires les ont suivis.