L’Obs N°2858 Du 15 au 21 Août 2019

(Jacob Rumans) #1

4 L’OBS/N°2858-15/08/


RIEN QUE SUR LE WEB


FRATERNITÉS, BACHELORETTE PARTIES...
AUX ÉTATS-UNIS, UNE VOGUE ÉTRANGE :
SÉPARER HOMMES ET FEMMES
L’« espace mono-genre » fait rage
en Amérique et suscite le débat.
PHILIPPE BOULET-GERCOURT
http://bit.ly/fraternites

LE PLOMB DE NOTRE-DAME
EMPOISONNE-T-IL LES ENFANTS RIVERAINS?
Responsable d’une unité spécialisée
dans la toxicité des métaux au CHU
de Rennes, Martine Ropert-Bouchet
analyse les risques pour la santé.
ARNAUD GONZAGUE
http://bit.ly/2YShvZM

ENTRE L’IRAN ET LES ÉTATS-UNIS,
DES CANAUX DISCRETS POUR ÉVITER
LA GUERRE
Qui sont les intermédiaires
qui tentent de trouver une sortie
de crise ?
PABLO MENGUY
http://bit.ly/2Z3c4r

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CHRONIQUE


MATTHEW DILLON/FLICKR - BRUNO DE HOGUES/ONLYFR ANCE/AFP - KENA BETANCUR/AFP ✎ STÉPHANE MANEL

Par


AUDREY PULVAR
Directrice générale d’African Pattern

NE LE LAISSE PAS TOMBER,


IL EST SI FRAGILE


E


tre agriculteur
ou agricultrice
aujourd’hui en
France... Dans
notre pays qui
depuis des siècles célèbre
leur rôle, par l’histoire, le roman, la peinture,
le discours politique. Le pays qui s’enorgueil-
lit du nombre de ses fromages, de la qualité
de ses vins, de celle de ses viandes ou de ses
foies gras. Le pays de la gariguette et du miel
mille fleurs, du homard des îles Chausey, de
la langoustine du golfe de Gascogne ou de
l’agneau de pré-salé... Un territoire dont
l’agriculture – et dans une moindre mesure
la pêche – a longtemps prétendu « nourrir
le monde ».
Etre agriculteur ou agricultrice et voir s’ef-
fondrer toutes ses certitudes. Devoir survivre,
surendetté, avec moins de 300 euros par mois
(c’est le cas du tiers des agriculteurs en
France), à la merci de la spéculation sur les
cours mondiaux, d’aides sporadiques, d’un
banquier impatient. Subir le désamour d’un
grand public effrayé par la succession, depuis
trente ans, de scandales sanitaires, desquels on
est soi-même une victime collatérale. Décou-
vrir, au fil des années, la nocivité de pratiques
hier encensées : le gigantisme des installations,
la faible diversification des cultures, l’agro-
chimie pour booster les rendements. Se
retrouver injustement dans le box des accusés,
considéré comme responsable de l’appauvris-
sement des sols, de l’effondrement de la bio-
diversité, de la vulnérabilité des cultures, de
l’augmentation du nombre de cancers, de l’em-
poisonnement des nappes phréatiques et des
cours d’eau, de l’apparition d’algues toxiques
ou encore de la souffrance animale.
Etre paysan, agriculteur, éleveur, viticulteur
et subir les effets de ce que les syndicats agri-
coles n’ont longtemps voulu considérer que
comme des aléas météorologiques, quand ce
qui se jouait relevait du patient travail du

climat, en long dérèglement.
Des sécheresses de plus en plus
fréquentes, dont la durée aug-
mente, des pluies de plus en plus
brutales, importantes, orageuses, qui
rechargent les nappes mais détruisent les
cultures, des espèces végétales qui migrent
vers le nord et leur biodiversité avec, des
récoltes de plus en plus aléatoires.
Etre agriculteur et choisir une autre voie,
celle de savoirs anciens, de la conservation des
sols, relancer le couvert végétal et ses vertus
de captation de CO 2 , passer le cap de l’agro-
écologie et bientôt celui de l’agroforesterie,
comme le recommande une fois de plus le
nouveau rapport du Giec concernant l’impact
de la consommation alimentaire mondiale sur
les sols et sur notre environnement. Parcelles
à taille humaine, rotations de cultures, notion
de partage, autre rapport au vivant : des mil-
liers d’agriculteurs et d’agricultrices ont déjà
sauté le pas. Ils affrontent certes des premières
années souvent ingrates – difficultés accrues
par le versement souvent très tardif des aides
prévues. Mais ils y gagnent le lien social, la
confiance retrouvée du consommateur, la
beauté du produit, un meilleur revenu, la satis-
faction des services rendus à la nature...
Etre agriculteur, se conformer aux normes
sociales et environnementales européennes, y
croire, vouloir changer sa façon de travailler.
En même temps, n’en plus pouvoir des inco-
hérences entre le discours public flatteur
– voire électoraliste – et les actes. L’indignation
des agriculteurs contre l’entrée en vigueur du
Ceta –  mais aussi, en file d’attente, d’une
vingtaine d’autres accords commerciaux sem-
blables – sera-t-elle mieux entendue que celle
des « gilets jaunes », laquelle gronde encore?
Leurs inquiétudes, légitimes, mettront-elles le
politique devant ses responsabilités de protec-
teur de l’intérêt général? C’est aussi au citoyen,
consommateur et électeur d’y contribuer.
A.  P.

Vu sur https://www.french−bookys.com

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