L’Obs N°2858 Du 15 au 21 Août 2019

(Jacob Rumans) #1

STÉPHANIE TÊTU/PINK 41


TÉMOIGNAGE


mis à pleurer. Ma sœur l’a consolé et, encore une fois,
je suis passée pour la méchante tata. »
Selon le psychologue clinicien Didier Pleux, auteur
de «  De l’enfant roi à l’enfant tyran  » (Odile Jacob,
2002), ce genre d’incident, bien que susceptible de
pourrir un été, relève presque de l’ordinaire. « Rares
sont les parents qui ne se scrutent pas, qui ne se disent
pas qu’untel est un peu trop dur, ou trop laxiste », assure-
t-il. Ce jugement, cette comparaison perpétuelle entre
ce qui relèverait de la « bonne » ou de la « mauvaise »
éducation viendraient d’abord du fait qu’on se trompe
sur la nature des vacances : elles sont perçues comme
un état de lâcher-prise total, un moment de rupture
face au quotidien. « Or, les problèmes familiaux aux-
quels nous avons été confrontés au cours de l’année sont
toujours là. Le principe de réalité ne s’évapore pas
comme par magie avec les congés.  » Voilà pourquoi
partir en vacances avec des proches qui sont égale-
ment parents constitue selon lui un « pari risqué quasi
impossible à relever ».

INTERVENIR OU “LAISSER COULER”
C’est que beaucoup de parents ont besoin d’avoir le
dernier mot sur l’éducation de leurs enfants et qu’ils
sont très souvent persuadés que leur progéniture est
merveilleuse. Camille, chargée de communication de
30 ans, n’est pas aussi affi rmative. Elle se dit tout à fait
capable de supporter un enfant turbulent, mais jusqu’à
un certain point et... durant une période limitée. Il y
a quelque temps, cette jeune mère de famille a décou-
vert à quel point des discordances pouvaient pertur-
ber un séjour avec des amis. « En vacances ou non, je
couche ma fi lle aux alentours de 20 heures. A minuit, le
fi ls de mes amis, lui, ne dormait toujours pas : il jouait,
faisait beaucoup de bruit et réclamait sans cesse de l’at-
tention. Il bousillait toutes nos soirées. J’ai fi ni par
demander à son père s’il ne voulait pas que je le couche »,
raconte-t-elle.
Faut-il, comme Camille, choisir d’intervenir ou plu-
tôt « laisser couler »? Pas facile de trouver la bonne
réponse à cette question, selon Didier Pleux : «  Il
n’existe que deux options. Soit on est conciliant et on
fi nit nos congés plus épuisés qu’avant, soit on se ‘‘prend
le chou” et ça se fi nit en règlement de comptes entre
adultes.  » Dans ce cas, il arrive que les divergences
éducatives, même superfi cielles, fi ssurent une aff ec-
tion, voire la brisent irrémédiablement. C’est ce qui
est arrivé à Antonia, une designer parisienne de 57 ans,
mère de deux fi lles. Les faits remontent à une quin-
zaine d’années. Cet été-là, pour la première fois de sa
vie, elle décide de partir en vacances avec une amie
en Corse. Cette dernière possède une maisonnette
aux abords d’Ajaccio. Le cadre est paradisiaque. Mais
très vite, un problème surgit : « Sa fi lle aînée, qui devait
avoir 8 ans, était une gamine incontrôlable, imprévisible,
mal élevée, agressive et qui manipulait les autres enfants.
Quand elle n’avait pas ce qu’elle voulait, elle se roulait
par terre. Elle cassait les jouets des plus petits et se met-
tait à hurler au restaurant. Elle piquait aussi de

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