L’Obs N°2858 Du 15 au 21 Août 2019

(Jacob Rumans) #1

72 L’OBS/N°2858-15/08/2019


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LES BEUVERIES
DE VINTERBERG
Le réalisateur
danois Thomas
Vinterberg
a retrouvé Mads
Mikkelsen,
interprète de « la
Chasse » en 2012,
sur le tournage
de « Druk»
(« Beuveries »).
Mikkelsen y joue
un prof de lycée qui,
avec trois amis
et collègues,
applique la théorie
qui voudrait
qu’un certain taux
d’alcool dans
le sang augmente
la créativité.

LA MOUCHE
GÉANTE DE
DUPIEUX
Après « le Daim »,
Quentin Dupieux
tournera
en septembre
« Mandibules »,
l’histoire de
deux simples
d’esprit qui trouvent
une mouche géante
dans le coffre d’une
voiture et décident
de l’apprivoiser
pour se faire
de l’argent. Adèle
Exarchopoulos,
Denis Ménochet et
Anaïs Demoustier
sont au casting.

Leonardo DiCaprio incarne l’acteur Rick Dalton.


L’usine à rêves de Tarantino


ONCE UPON A TIME... IN HOLLYWOOD, PAR QUENTIN TARANTINO. COMÉDIE DRAMATIQUE
AMÉRICAINE, AVEC LEONARDO DICAPRIO, BRAD PITT, MARGOT ROBBIE, AL PACINO (2H42).

Quentin Tarantino conclut sa trilogie « révision-
niste  » de cinéphage corrigeant les tragédies du passé
grâce au septième  art. Après l’occupation nazie dans
«  Inglorious Basterds  », après l’Amérique esclavagiste
dans «  Django Unchained  », il revisite le Los Angeles
de 1969 et le meurtre de Sharon Tate, épouse enceinte de
Roman Polanski, par les hippies satanistes de la Manson
Family, qui sonna le glas des sixties et de leurs utopies.
Mais il le fait à travers le regard de deux oubliés de la
gloire, voisins fictifs du couple Tate-Polanski : Rick Dalton
(Leonardo DiCaprio, impec), un acteur has been qui
enquille les rôles de méchants dans les séries télé, et sa
doublure et homme à tout faire, le cascadeur Cliff Booth
(Brad Pitt, iconique). Oubliez le Tarantino radoteur et
complaisant des « Huit Salopards » : voici son grand film
sur le cinéma, nourri par son savoir encyclopédique et
habité par ses souvenirs de gamin alors âgé de 6 ans. Son
ode fétichiste, drôle et mélancolique – l’humeur du film
et son ADN angeleno sont très proches de «  Jackie
Brown » –, aux comédiens qui se rêvent grands, végètent
sur le petit écran et noient leurs frustrations dans l’alcool.
Aux starlettes montantes qui gardent des étoiles dans les
yeux (Margot Robbie dans le rôle de Sharon Tate). Aux

producteurs margoulins mais passionnés (Al Pacino,
savoureux le temps d’une scène). Aux cascades effectuées
pour de vrai et aux trucages en dur. Au grain de la pellicule
et à celui des réalisateurs mercenaires. Il n’y a pas d’in-
trigue dans cette chronique sur trois jours de la vie et des
coulisses de Hollywood avant que ce ne soit plus jamais
pareil, mais une reconstitution ludique et vertigineuse,
fourmillant de pastiches mêlés à des extraits de films et
séries réels, de personnages en miroir et d’échos avec
aujourd’hui. Tarantino titille le politiquement correct
post-#Metoo, il fait du personnage de Brad Pitt, brute
macho, dont la rumeur dit qu’il a tué sa femme, un héros
loyal, il met en scène les « fucking » hippies comme des
zombies, la dégénérescence d’une libération des mœurs
virant à un nouvel ordre moral. Il pointe les ambiguïtés et
la cruauté de l’usine à rêves, célèbre ses soutiers, panache
les genres (comédie, western, horreur) et invente une
autre fin à l’histoire. Violente, forcément, hallucinée et
cathartique aussi. « Once Upon a Time... in Hollywood »
raconte la fin d’un monde pour la conjurer de justesse,
fantasme la survie de ceux qu’elle emporta avec elle. C’est
beau, c’est triste. Reste à savoir ce qu’en pense Polanski.
NICOLAS SCHALLER

LE CHOIX DE L’OBS


Vu sur https://www.french−bookys.com

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