LIBÉRATION DE LA PROVENCE LIBÉRATION DE LA PROVENCE
XII La Marseillaise / mercredi 14 et jeudi 15 août 2019
Armée française et Résistants viennent partout à bout des Allemands
L
e 20 août, alors que les sol-
dats français du
7
e
Régiment de Chasseurs
d’Afrique et de la 3e Division
d’Infanterie Algérienne en-
trent dans Le Castellet, la
Libération est enfin là même
si les combats vont se poursui-
vre pour repousser une con-
tre-attaque allemande. La com-
mune est libérée lors du mou-
vement tournant de l’armée
française qui va encercler les
Allemands dans Toulon.
Mais si la ville est en liesse,
elle ne peut oublier qu’elle a
été le théâtre d’un terrible
drame au début de l’été. À l’ap-
pel de la Résistance et du Comité
Départemental de la Libération
du Var, 400 à 500 maquisards
se rassemblent sur le plateau de
Siou-Blanc dès le 6 juin 1944,
au moment du débarquement
de Normandie. Mais celui de
Provence se fait attendre et les
Résistants, mal armés et mal
approvisionnés, décident de
dissoudre le maquis le 16 juin
pour éviter une attaque meur-
trière de l’occupant.
Emportant avec eux armes
et munitions, les maquisards
redescendent du plateau
par petits groupes.
Malheureusement, l’un d’en-
tre eux, composé de huit mem-
bres des Forces Unis de la
Jeunesse (FUJ), est alors cap-
turé par les Allemands à
Sainte-Anne d’Evenos.
Huit jeunes fusillés
Ces jeunes Toulonnais, âgés
de 18 à 24 ans, sont fusillés le
lendemain, 17 juin, à l’aube à
La Rouvière. Leurs corps se-
ront sortis de la fosse commune
le 18 suivant et identifiés. Une
stèle célèbre aujourd’hui leur
mémoire sur le lieu même de
leur sacrifice.
Le 20 juin, deux autres ma-
quisards tombent au combat
dans la forêt de Méounes. Onze
autres maquisards furent éga-
lement arrêtés, torturés et con-
damnés à mort. Envoyés à la
prison de Fresnes à Paris, ils
seront sauvés lors des com-
bats de la Libération de la ca-
pitale.
Drame avant la Libération au Castellet
L
orraine » et « Strasbourg »!
Ces lieux symbolisent le but
du combat des FFI et des Forces
Françaises Libres qui viennent de
débarquer pour la libération du
pays, mais ils sont aussi les noms
des deux chars du 9
e
Régiment de
Chasseurs d’Afrique qui pénè-
trent par la Départementale 28
dans Saint-Maximin-la-Sainte-
Baume le 18 août 1944 à 14h30. La
ville est libérée et soldats, popula-
tions et FFI prennent la pause de-
vant la basilique. Peu avant, les
Résistants, dirigés par le capi-
taine Ferrandon et le lieutenant
Maurin tout juste parachutés,
avaient fait leur jonction avec l’ar-
mée régulière. C’est par exemple
le père Robert de Biennassis qui
a guidé par radio les tirs de l’ar-
tillerie française sur une colonne
motorisée allemande qui se re-
pliait en suivant le cours de
l’Argens. Car Saint-Maximin a
eu un rôle essentiel dans la résis-
tance sous l’occupation, italienne
jusqu’au 8 septembre 1943, puis
allemande. La ville et ses envi-
rons deviennent un refuge pour
les juifs et les persécutés.
Dès 1942, un petit groupe de
l’Armée Secrète se constitue dans
la commune. Puis ce sont des ré-
sistants du Front National pour
la Libération de la France (FTPF)
qui s’installent dans les collines,
notamment au Mont Aurélien de
décembre 1943 à mars 1944. Les
mines et les voies ferrées font l’ob-
jet de sabotages réguliers, puis
les maquisards, notamment des
réfractaires au STO, des militants
politiques et des déserteurs ita-
liens, prennent le chemin des
Basses-Alpes par mesures de sé-
curité. Ils ont en effet été attaqués
par les Allemands en janvier 1944,
laissant derrière eux un tué et un
prisonnier.
Trois tonnes d’armes
parachutées
Les armes vont ensuite arri-
ver par parachutage, notamment
dans la nuit du 1er au 2 mai 1944,
sur un terrain de Berne.
Prévenus par le message « Le
rhinocéros mangera de la vache
enragée », lancé par Radio Alger,
un groupe de résistants dirigé
par le militant communiste
Adrien Paul Bertin réceptionne
trois tonnes d’armes et de mu-
nitions, cachées dans un ancien
four à pain et qui serviront trois
mois et demi plus tard.
Dénoncé par Hugo Brunning
un déserteur allemand qui avait
rejoint le maquis puis l’avait tra-
hi, Paul Bertin est arrêté le 23 juin
suivant et conduit à la prison de
Draguignan où il est violemment
torturé par la Gestapo. Il tente
de se suicider avec un couteau
en cellule mais échoue. Le
14 juillet, alors qu’il devait être
fusillé, un commando de résis-
tants parvient à le faire évader de
l’hôpital et à organiser sa plan-
que. Il reviendra avec sa famille
à Saint-Maximin le 20 août, salué
par la population et les résis-
tants. Il est nommé le 22 août pré-
sident de la commission munici-
pale qui remplace les autorités
vichystes avec comme adjoint
le père dominicain Robert de
Biennassis.
Saint-Maximin, terre de maquis
S
a population ouvrière a
entravé en permanence,
par des sabotages et des grè-
ves la production au détri-
ment des forces allemandes
et italiennes. Ses organisa-
tions de résistance ont four-
ni de précieux renseigne-
ments aux états-majors al-
liés... » C’est avec ces mots que la commune de la
Seyne-sur-Mer a été citée à l’ordre du corps d’armée
78 le 11 novembre 1948, la ville recevant la Croix
de guerre avec étoile de vermeil.
Car la Seyne-sur-Mer a payé le prix du sang tout
au long de l’occupation, lors des bombardements
et des combats de l’été 1944 jusqu’à sa libération
le 26 août par la 9
e
Division d’Infanterie Coloniale
qui prend la ville dans le cadre de la stratégie d’en-
fermement de Toulon où les soldats allemands se
sont retranchés. Depuis la mer, les croiseurs
Montcalm, Georges Leygues, le cuirassé Lorraine
et trois torpilleurs américains anéantissent les
batteries allemandes installées à La Seyne.
La ville est exsangue, il ne reste plus que 9 000 ha-
bitants contre 26 000 avant guerre, et a été lourde-
ment touchée par les bombardements alliés. Le
11 juillet, un bombardement créé un mouvement
de panique dans l’émissaire du Cap Sicié qui ser-
vait d’abri. Il y a 88 morts. Les dégâts sont terri-
bles : sur les 5 902 immeubles que
comptait la ville, 4 310 sont sinis-
trés et 277 détruites en totalité.
La campagne de bombardements
alliée entamée en mars a causé 266
morts et 463 blessés. Le 17 août, les
Allemands déjà bousculés par
l’avancée de la France Libre dé-
truisent les installations portuai-
res, n’épargnant que le pont basculant. Le même
jour, le chantier naval est gravement et durable-
ment endommagé par des explosions de mines.
Le 21, un autre drame touche La Seyne. Croyant
les Allemands partis, des policiers arborent un
drapeau tricolore sur leur poste du boulevard du
4 septembre. Les Occupants réagissent en envoyant
depuis le Fort Napoléon une patrouille chargée
d’abattre tout Français porteur d’une arme. Les
soldats ouvrent le feu sur les policiers qui refu-
sent de se rendre, puis incendient le poste. Des po-
liciers et résistants parviennent à s’enfuir, d’au-
tres sont arrêtés et échapperont de peu à l’exécu-
tion, mais trois policiers, Xavier Franceschini,
Maurice Marcoul et Jacques Brès sont fusillés
sommairement devant leur poste. Seize résistants
seynois ont été fusillés ou tués par les Allemands
entre mai et août. Cent quinze Seynois ont égale-
ment été déportés par l’occupant : quinze ne sont
pas revenus des camps.
La Seyne-sur-Mer, ville martyre et héroïne de guerre
La ville qui a été
lourdement bombardée
par les alliés ne compte
plus que 9 000 habitants
sur 26 000 avant guerre.