LOS! Hors Série N°21 – Septembre-Octobre 2019

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É UTATS- NIS


une poignée de navires plus anciens devant
être progressivement déclassés, un noyau
solide conçu à la veille de la Première Guerre
mondiale et lancé entre 1914 et 1921 en vue
d’une bataille décisive : douze bâtiments dits
standards, appartenant à cinq classes « tout
ou rien », c’est-à-dire dont le blindage renforce
la protection des œuvres vives essentielles
tout en étant presque totalement supprimé
autour des secteurs non vitaux. L’objectif :
rendre quasiment invulnérable ce qui doit être
protégé, et laisser l’artillerie adverse littéra-
lement traverser la coque dans les endroits
secondaires sans faire de dégât important.
Un deuxième caractère de ces bâtiments
est une artillerie puissante pour son temps :
du 356 mm d’abord, porté à 406 mm sur
les derniers d’entre eux afin de privilégier les
engagements à longue portée. Cette ligne
de bataille est organisée en cinq Battleships
Divisions (BatDiv) de trois navires. Les
BatDiv 1, 2, 3 et 4 constituent la flotte du
Pacifique tandis que la BatDiv 5, comprenant
les unités les plus anciennes, forme l’Atlantic
Force. Mais la situation précaire dans l’At-
lantique pousse Washington à rappeler la
BatDiv 3 à Norfolk. Le principal défaut de ces
navires - par ailleurs manœuvrables et sensi-
blement modernisés - reste leur vitesse limitée
aux alentours de 21 nœuds, ce qui va se
révéler rédhibitoire dans la course aux arme-
ments navals des années 1930 et la montée
en puissance des porte-avions rapides.
Le fameux Battleship Row (la « rangée des


cuirassés ») emblématique de la flotte du
Pacifique et subissant l’attaque de Pearl
Harbor en décembre 1941 est ainsi, tech-
niquement, plus une sorte de « musée du
dreadnought » qu’une puissante escadre de
bataille moderne. Sa perte est de ce fait un
handicap non seulement limité mais aussi pro-
visoire : aucun des cuirassés touchés à Pearl
Harbor - dont seuls deux sont définitivement
perdus et six reprendront du service entre
1942 et 1944 - n’aurait été capable de suivre
le rythme des croiseurs et des porte-avions.
Ils serviront, abondamment et utilement, de
batterie d’artillerie flottante ou d’escorte de
luxe pour les lents convois amphibies tant
dans le Pacifique que dans l’Atlantique, enga-
geant néanmoins parfois avec succès leurs
adversaires japonais quand les circonstances
le permettront, notamment dans le détroit de
Surigao en octobre 1944.

LA RELÈVE, PUISSANTE
MAIS TARDIVE

Il n’en va pas de même de la nouvelle géné-
ration de cuirassés « post-traités », conçue
dans la seconde moitié des années 1930 et
qui, bien que désormais secondaire vis à vis
des porte-avions, va venir progressivement
renforcer l’US Navy à partir de 1940-

à raison de dix bâtiments nouveaux, voire
douze en comptabilisant les Alaska. Pensés
à l’origine comme d’authentiques Capital
Ships mais rapidement relégués comme
leurs devanciers au second rang, ces cuiras-
sés rapides des classes Washington et South
Dakota auront, dans le Pacifique, un inté-
rêt double : faire pièce lors de la campagne
des îles Salomon à leur équivalents nippons,
notamment les navires rapides de la classe
Kongo, tout en escortant et en protégeant les
précieuses Task Force aéronavales. D’autre
part, et comme leurs prédécesseurs, jouer
le rôle d’une redoutable plate-forme d’appui
et de soutien, pour le bombardement côtier
et la protection antiaérienne des escadres.
Ces atouts sont d’autant plus précieux que
nombre d’opérations du Pacifique se déroulent
sur des îles de faible superficie. Les quatre
navires de la classe Iowa, les plus puissants et
les derniers arrivés si l’on excepte les grands
croiseurs classe Alaska, joueront le même rôle
en 1944-1945 mais se rendront finalement
plus célèbres par leur très longue carrière
après-guerre. Signe du déclin irrémédiable du
cuirassé, quelle que soit sa puissance, les cinq
bâtiments de la classe « géante » Montana
conçue en 1940 (65 000 t, 280 m ; 12 pièces
de 406 mm en quatre tourelles triples ;
blindage jusqu’à 409 mm) et prévue explicite-
ment pour s’opposer directement aux Yamato
japonais, ne verra finalement pas le jour. 

[1] Seuls la classe « géante » Montana finalement
abandonnée aurait dépassé ce gabarit dans la
flotte américaine. Les Yamato japonais ou les
Bismarck allemands auraient été incapables
d’emprunter le canal. La modernisation du canal
de Panama permet depuis quelques années
seulement des navires de 49 m de large ayant
un tirant d’eau de 15 m (New Panamax).

[2] Aujourd’hui, les porte-avions
nucléaires empruntent des noms de
personnalités et, sauf quelques exceptions,
d’anciens présidents américains.

[3] L’Alaska et Hawaii n’accèdent aux statuts
de 49e et 50e états de l’Union qu’en 1959,
et sont les deux seuls géographiquement
séparés du reste des Etats-Unis.

DES NUMÉROS ET DES ÉTATS
Par tradition depuis la fin du XIXe siècle,
les navires cuirassés américains portent
tous le nom d’un des États de l’Union,
et un numéro de coque spécifique, à
commencer par l’Indiana (BB-1) lancé en


  1. Les croiseurs prennent le nom de
    villes et les destroyers ceux de personna-
    lités. Les porte-avions commencent par
    prendre des noms de bataille de la guerre
    d’indépendance (Lexington, Saratoga,
    Yorktown...) [2]. Les seuls navires de
    bataille échappant à la règle des États
    au sens strict seront les quelques Large
    Cruisers (codifiés CB) de la fin de la
    guerre, baptisés selon les territoires fédé-
    raux n’ayant pas le statut d’État (Alaska,
    Hawaii [3], Guam, Samoa...).


LES NUMÉROS PERDUS DE LA NOMENCLATURE CUIRASSÉE
BB-47 : USS Washington (classe Colorado n°3), annulé en 1922

BB-49 à 54 : 6 cuirassés classe South Dakota, annulés en 1922

BB-65 et 66 : Iowa n°5 et 6, annulés entre 1945 et 1947

BB-67 à 71 : 5 cuirassés classe Montana, tous annulés en 1943

CC-1 à 6 : 6 croiseurs de bataille classe Lexington jamais réalisés et annulés en 1922
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