Temps - 2019-08-09

(ff) #1
VENDREDI 9 AOÛT 2019 LE TEMPS

Sport 11

ANNE PROENZA,
À ZIPAQUIRA (COLOMBIE)


t @anproenza


Il a d’abord voulu rendre hom-
mage au jeune cycliste belge
décédé lundi à la suite d’une grave
chute sur la troisième étape du
Tour de Pologne. «Bjorg Lam-
brecht était un compagnon, un
ami. Lorsque j’ai gagné le Tour de
l’Avenir en 2017, il était arrivé deu-
xième. Et mourir comme ça à
bicyclette et en compétition, c’est
vraiment dur. Il n’y a pas de mots.
Je suis très triste», a déclaré un
Egan Bernal visiblement très
ému, en demandant une minute
de silence aux 6000 personnes qui
l’attendaient – certains depuis
l’aube – sur la plaza de los
Comuneros de sa ville natale de
Zipaquira, ce mercredi.
Les hymnes et les applaudisse-
ments ont ensuite retenti pour
célébrer le premier Colombien (et
Latino-Américain) vainqueur du
Tour de France, une des courses
les plus chéries des aficionados
de la région. «C’est la plus grande
récompense sportive jamais obte-
nue par un Colombien», jubile
dans la foule Alvaro, 33 ans, musi-
cien et cycliste amateur, venu tôt
le matin, à vélo et avec sept amis
depuis la capitale, Bogota, située
à 42 kilomètres. «C’est un exemple
pour tous les jeunes», sourit
Laura, 22  ans, l’âge du jeune
champion cycliste.


Pas de récupération
politique

Egan Bernal a le triomphe
modeste. «Si on m’avait dit il y a
deux ans que j’allais un jour
gagner le Tour de France, je ne
l’aurais pas cru, et donc c’est un
message que j’adresse à tous les
enfants: allez au bout de vos
rêves!, a-t-il répété plusieurs fois.
Je crois que je ne réalise toujours
pas.» Pour son retour en Colom-
bie, le coureur de l’équipe Ineos,
déjà vainqueur du Tour de Suisse
en juin, fidèle à sa réputation
modeste et réservée, n’a voulu ni
réception bruyante à l’aéroport,
ni défilé dans les rues de la capi-
tale sur le toit d’une voiture de
pompier comme pour les stars du
football, et encore moins de
pince-fesse au palais présidentiel.
Il a préféré atterrir en toute dis-
crétion à Bogota dès lundi soir, à
l’insu de tous les médias et de ses
fans, attendant de survoler sa ville


natale dans un hélicoptère de la
police et donc d’être sûr d’échap-
per aux paparazzis pour lancer
sur les réseaux sociaux: «Je suis
à la maison!» C’est-à-dire à Zipa-
quira, dans cet Altiplano andin
situé à 2600 mètres d’altitude qui
l’a vu naître et où il s’est entraîné
dans des paysages époustouflants,
d’abord à VTT, puis sur route.
A quelques mois des élections
régionales, nombreux sont les
dirigeants politiques colombiens
qui auraient aimé être sur la photo
aux côtés du maillot jaune. Mais
l’entourage de Bernal a ferme-
ment refusé toute récupération.
Seuls le gouverneur de la région
(le Cundinamarca) et le maire de
la ville ont assisté à la cérémonie
ce mercredi, ce dernier ayant
d’ailleurs été copieusement sifflé
par la foule pendant son dis-

cours... Même Martin Emilio
Cochise Rodriguez, légende du
cyclisme colombien acclamé lors-
qu’il est monté un instant sur la
petite scène, s’est fait siffler lors-
qu’il a fait mine de remercier poli-
ment le tout juste naissant Minis-
tère des sports...
Egan Bernal avait déclaré qu’il
voulait fêter sa victoire chez lui et
avec «[ses] gens». Au premier rang
du carré VIP se trouvaient donc
presque tous les cyclistes qui ont
forgé la légende colombienne des
escarabajos , ces grimpeurs qui
sont souvent montés sur les
podiums internationaux mais
sans jamais aller aussi haut. Il y
avait là Luis «Lucho» Herrera
(première victoire d’étape colom-
bienne du Tour de France en
1984), Fabio Parra (troisième du
Tour en 1988), Efraín Forero dit

«l’indomptable Zipa», vainqueur
du premier Tour de Colombie en
1951, ou encore Martin Emilio
Cochise Rodriguez, Mauricio
Soler, Roberto Buitrago Dueñas
dit «El Pajarito», et José Patroci-
nio Jimenez, capitaine de la pre-
mière équipe professionnelle
colombienne.

Une seule pièce
pour vivre en famille
Egan Bernal a quitté son maillot
jaune du Tour de France pour le
remettre au président de la Fédé-
ration colombienne de cyclisme
et offert son maillot blanc (de
meilleur jeune) à son entraîneur
historique, Fabio Rodriguez, qui
avait troqué pour l’occasion sa
tenue sportive pour un costume
gris bien strict. Le vainqueur de
la Grande Boucle a aussi rendu

hommage à son ami et mentor
Pablo Mazuera, président, fonda-
teur et mécène de la fondation
privée Mezuena, qui finance les
jeunes cyclistes prometteurs de
la région, et à Sergio Avellaneda,
qui l’a entraîné pour ses pre-
mières médailles.
Le coureur a surtout remercié
longuement sa famille, son père,
ancien cycliste «pas si bon» qui
l’emmenait tous les week-ends
faire d’interminables balades, sa
mère, qui se levait tous les matins
à 4 heures pour lui laisser tout
prêt un petit-déjeuner et un
déjeuner avant d’aller travailler
dans une exploitation de fleurs
(«ce qui lui a permis d’étudier»),
son petit-frère, compagnon d’en-
traînement et de balades, sa fian-
cée, cycliste elle aussi, ou encore
son grand-père Julio, paysan de

75 ans, qui n’a cessé de pleurer
d’émotion devant les médias du
monde entier.
L’enfant de Zipaquira a rappelé
que, lorsqu’il était petit, sa
famille vivait dans une seule
pièce dans le quartier populaire
de Bolivar 83, et que leur vie res-
semblait à celle de tant d’autres
familles modestes colombiennes.
«J’étais un enfant qui aimait faire
du vélo, qui voulait faire des
balades avec ses amis, et c’est
devenu mon travail. Si j’ai pu le
faire, beaucoup d’autres peuvent
le faire», a-t-il ajouté.

Pendant la conférence de presse,
qui s’est tenue comme il l’avait
demandé devant son public, c’est-
à-dire la foule venue l’acclamer, il
a consciencieusement répondu à
toutes les questions. Aux journa-
listes lui reprochant d’être peu
accessible, il a rappelé que le
cyclisme demande beaucoup d’ef-
forts. «Et après une course au top,
c’est-à-dire avec le pouls à 190 pul-
sations, épuisé, qu’est-ce qu’on
peut bien dire?» Il a répété dès qu’il
le pouvait que son plaisir était
avant tout «de monter à bicy-
clette», et a exhorté les pouvoirs
publics à mieux financer l’appren-
tissage du sport chez les jeunes
enfants. Dans la foule, justement,
on remarque des dizaines de
gosses avec leur équipement. Tous
ont des étoiles qui brillent dans les
yeux au passage de leur héros. La
plupart s’entraînent régulière-
ment, comme Egan Bernal autre-
fois, dans les écoles de VTT de la
ville. L’entraîneur Fabio Rodriguez
assure avoir «une portée de cham-
pions» dans son écurie. ■

Quelque 6000 personnes sont venues célébrer leur champion sur la Plaza de los Comuneros, à Zipaquira, la ville natale d’Egan Bernal. (JUAN BARRETO/AFP)

Egan Bernal, sans tant de sollicitudes


CYCLISME Le jeune vainqueur du Tour de France est enfin rentré au pays. Fuyant les honneurs officiels, le nouveau héros national


colombien a préféré se retrouver avec les siens, dans sa ville natale de l’Altiplano


«J‘étais un enfant

qui aimait faire du

vélo, qui voulait

faire des balades

avec ses amis et

c’est devenu mon

travail. Si j’ai pu le

faire, beaucoup

d’autres peuvent le

faire»
EGAN BERNAL

LIONEL PITTET
t @lionel_pittet


L’histoire a commencé en 1969
avec les Journées du film alpin
suisse. Un demi-siècle plus tard,
l’événement a changé de nom
pour devenir le Festival interna-
tional du film alpin des Diablerets
(Fifad) mais sa vocation demeure:
montrer la montagne dans toute
sa réalité complexe, mais aussi
ceux qui y vivent ou y partent à
l’aventure.
La 50e édition de ce rendez-vous
incontournable dans le milieu se
déroule dès ce vendredi et
jusqu’au samedi 17 août à la Mai-
son des congrès, située au centre
du village. On n’y croisera malheu-
reusement pas le nouveau respon-


sable de l’organisation, Benoît
Aymon, victime cette semaine
d’un accident qui le contraint à
observer un repos complet de
quelques jours, mais le pro-
gramme est digne d’un jubilé avec
notamment la présence excep-
tionnelle de Reinhold Messner.

Davantage de vitesse
et d’élégance
L’alpiniste italien de 74 ans est
«de la race des seigneurs», s’en-
thousiasme le magazine officiel
du Fifad. Il fut surtout de la pre-
mière ascension de l’Everest sans
apport d’oxygène (en mai 1978
avec Peter Habeler), puis le pre-
mier homme à l’accomplir en
solitaire (en août 1980). Six ans
plus tard, il fut encore pionnier
en épinglant à son palmarès les 14
sommets du monde entier culmi-
nant à plus de 8000 mètres.
Reinhold Messner est une
légende de ce que l’on appelle le
«style alpin», qui préconise des

ascensions avec beaucoup moins
de matériel que dans les grandes
expéditions traditionnelles, pour
davantage de vitesse et d’élégance.
Mais il n’a jamais cessé, tout au
long de sa vie, d’explorer de nou-
veaux territoires, entre ses aven-
tures, la politique, la création de
différents musées, la science et
désormais... le cinéma.
Dimanche dès 20h15, le public
aura l’occasion de voir son film
Everest, l’ultime frontière en sa
compagnie, avant de pouvoir
échanger avec lui autour de sa
vision de la montagne, qu’il a
développée dans de nombreux

livres. Seront aussi de la partie – et
du débat – les alpinistes suisses
Marianne Chapuisat, Sophie
Lavaud et Jean Troillet.
Tout au long de ses huit jours, le
festival déroulera un programme
riche de 50 films, dont la plupart
en compétition dans différentes
catégories: «montagne», «cultures
du monde», «exploration/aven-
ture», «sports extrêmes», «envi-
ronnement». Ils permettront aux
visiteurs de voir des paysages
qu’ils connaissent sous des angles
inédits et de découvrir de nou-
veaux horizons.
Le Festival international du film
alpin des Diablerets, c’est aussi
des moments d’échange lors de
conférences-débats, des anima-
tions pour les enfants et des pro-
positions d’activités (randonnée,
escalade, canyoning) pour, le
temps de quelques heures, se
plonger dans un panorama alpin
en vrai, et pas à travers les images
filmées par d’autres. ■

Reinhold Messner, une légende aux Diablerets


MONTAGNE Le célèbre alpiniste
italien parlera de ses exploits
dimanche, dans le cadre du Fes-
tival international du film alpin,
qui vit cette année sa 50e édition


Federer et Nadal de
retour en «politique»
Le trio de choc du tennis mondial est à
nouveau au complet au conseil des
joueurs de l’ATP. Roger Federer et Rafael
Nadal sont de retour dans l’instance
présidée par Novak Djokovic. Ces
derniers mois, le Suisse et l’Espagnol ont
pu s’étonner de ne plus être consultés sur
des affaires de gouvernance du tennis. Ils
seront de nouveau capables de faire
entendre leur voix. L. PT

Albian Ajeti file
de Bâle à West Ham

L’attaquant international Albian Ajeti
(22 ans) quitte le FC Bâle pour découvrir
la Premier League anglaise. Il a signé
jeudi un contrat de quatre ans avec le
club londonien de West Ham, dont le
montant n’a pas été dévoilé. Il avait déjà
tenté sa chance à l’étranger en 2016, à
Augsbourg (Allemagne). L. PT

EN BREF

Romelu Lukaku
à l’Inter Milan
L’opération était
dans les tuyaux
depuis quelques
jours, la voilà
concrétisée:
l’attaquant belge
Romelu Lukaku
quitte Manchester
United pour l’Inter
Milan, qui aurait
déboursé quelque
80 millions
d’euros. Il a signé
un contrat de cinq
ans. L. PT

MAIS ENCORE

Il n’a jamais cessé,

tout au long de

sa vie, d’explorer

de nouveaux

territoires
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