L’Officiel Paris N°1036 – Août 2019

(Darren Dugan) #1

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Women’s Tales. De Djess, c’est le titre du court de
Rohrwacher, qui filme la vie d’une robe comme
on filmerait un personnage qui choisit son des-
tin. Comment porter un vêtement? En quoi cela
peut-il être autant politique que poétique? Ce
sont les questions posées par Rohrwacher, Mar-
tel ou Kawase. Dans Seed, Kawase transporte
l’esthétique vestimentaire de Miu Miu au cœur
de sa province japonaise chérie de Nara. Et le
tissu italien aux juxtapositions naturelles semble
avoir été taillé pour l’âme cosmogonique nippone.
Pour Kawase, se vêtir c’est rejoindre le monde, s’y
fondre au sens le plus écologique et gracieux pos-
sible. Le corps féminin est ainsi un élément parmi
les autres dans une chorégraphie particulière.
Muta de Lucrecia Martel adopte également cette
idée que les femmes sont des êtres harmonieux.
Elles participent à un ballet sensuel et pourraient
être aussi vues comme une forme de doux équi-
libre pour la planète. C’est le détail qui imprime
la rétine chez Martel, qui filme des éclats de corps
féminins comme Miu Miu imagine ses motifs afin
de former un être intime.


AVENTURIÈRES POÉTIQUES
L’intimité, mot très féminin, est un des grands
sujets abordés à travers ces Women’s Tales par
le clan des filles douces et déterminées que sont
les comédiennes réalisatrices Chloë Sevigny et
Dakota Fanning. La première fait avec Carmen le
portrait mélancolique d’une fille drôle et drôle de
fille, l’artiste de stand-up Carmen Lynch. En robe
rouge brodée et comme gaufrée qui fait penser à
l’enfance, cette brune au visage très adulte pratique
calmement un humour très noir avant de marcher
solitaire dans la ville. Au cœur d’un paysage urbain
similaire, Fanning, comme Sevigny, s’emploie
dans Hello Appartment à raviver le monde d’une
vie privée, toujours objet de grands espoirs pour
les femmes, grâce à la variation des couleurs fortes
et des motifs à carreaux mélangés de la marque
italienne, qui donnent une tension métaphorique
à ce conte sur la vie sentimentale d’une très jeune
héroïne.
Plus directement offensifs, se développent les
contes réalisés comme des rêveries musclées par le
gang des aventurières poétiques. Dans That One

L’OF F IC I E L CINÉMA


“De Djess”,
d’A l ice Rohrwacher.

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